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le blog d'Edmée - Page 7

  • Grand écran: "Game Over: la chute de Credit Suisse", chronique choc d'une faillite annoncée

    Le 19 mars 2023, après une crise bancaire historique, Credit Suisse s’écroule. On parle de fait impensable, la banque étant considérée comme un symbole de stabilité et de sécurité. Mais à en juger par Game Over, la chute de Credit Suisse, signé du réalisateur Simon Helbling, l’inimaginable ressemble plutôt à chronique d’une catastrophe annoncée. D’autant plus que l’établissement, gagné par l’obésité, avait déjà frôlé l’effondrement en 2002. 

    Le film retrace les événements du point de vue des cadres impliqués en se basant sur les recherches d'Arthur Rutishauser, journaliste d'investigation et rédacteur en chef de la SonntagsZeitung. Remontant au scandale de Chiasso en 1977, où des spéculations avec de l’argent sale en provenance d’Italie avaient entraîné une perte de plusieurs milliards de francs, le documentaire raconte que les dirigeants ont pratiqué pendant des décennies une culture d'entreprise axée sur l’enrichissement personnel. 

    Occupés à se gaver

    Ils ont ainsi ignoré tous les signaux d’alerte jusqu’à l’inévitable, soit l’éclatement de la bulle et la reprise de l'établissement par UBS, lors d'une opération de sauvetage orchestrée au cours de la nuit par les autorités suisses. Un rachat présenté comme une solution d’urgence mais apparemment planifié depuis longtemps. 

    A coups d’enquêtes, de témoignages et d’analyses, dénonçant des infractions, des scandales et des jeux de pouvoir, Game Over démontre non seulement la façon dont cet empire financier a chuté, mais également le mal causé par la cupidité de sa direction. En toute impunité. L’exemple le plus marquant et le plus choquant est celui du Mozambique ruiné par un poignée de banquiers uniquement préoccupés à se gaver. Sans rien assumer par la suite.  

    Se déroulant à un rythme d’enfer, édifiant sur le fond en nous apprenant plein de choses, ce documentaire choc, accablant pêche toutefois sur la forme, dans la mesure où il nous saoule d’infos et surtout de chiffres auxquels le béotien de la finance ne comprend pas grand-chose. 

    Même si les deux événements sont très différents, Game Over fait penser à Grounding, le film de Michael Steiner évoquant les derniers jours de Swissair. Un autre traumatisme pour la Suisse, dont la compagnie nationale disparaissait le 31 mars 2002. Mais traité en fiction, l'opus était plus accessible, donc plus captivant.   

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande depuis mercredi  26 mars.

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  • Grand écran: Dans "La Cache" Lionel Baier perce des secrets et brasse des passions

    Après La dérive des continents (au sud), Lionel  Baier nous ramène en Mai 68 avec La Cache, adapté très librement du  roman autobiographique de Christophe Boltanski, Prix Fémina 2015.  Alors que ses parents manifestent dans les rues d’un Paris en ébullition, Christophe, 9 ans, vit les événements de ce singulier printemps dans l’appartement labyrinthique de ses grands-parents (Michel Blanc et Dominique Reymond)  rue de Grenelle, entouré de ses oncles et de son arrière-grand-mère originaire d’Odessa (Liliane Rovère). l'existence de cette famille intergénérationnelle, excentrique, loufoque et bohème, tourne autour d’une mystérieuse cache. Elle va peu à peu révéler ses secrets, au sein de ce foyer fusionnel, confronté aux blessures et aux souvenirs enfouis du passé.  
     
    Avec cet ovni reliant deux mondes, fidèle à l’esprit et au ton du roman mais très différent dans sa narration, Lionel Baier mise sur la fantaisie en proposant une comédie douce-amère inventive, pleine de trouvailles visuelles. Pop, colorée, parsemée des slogans libertaires de ce Mai 68 si singulier, elle renvoie aussi à la BD. A la fois léger et profond, déconcertant et amusant, ce film atypique est porté par des comédiens qui séduisent par leur justesse. Aux côtés d’un excellent Michel Blanc en médecin angoissé, bouleversant jusque dans un dernier plan chaplinesque, on découvre une formidable Dominique Reymond, inflexible matriarche victime de la polio, ou encore l'impayable Liliane Rovère ,pour le moins  pittoresque en aïeule émigrée russe
     
    Joint par téléphone, Lionel Baier nous en dit plus sur ce film  qui avait été sélectionné en compétition au festival de Berlin. Une première pour un cinéaste malheureux de ne pas avoir pu partager cet honneur avec Michel Blanc, mais heureux de l’accueil qui lui a été réservé. «Non seulement une comédie en concours dans un grand festival, ce n’est pas fréquent, mais entendre rire Allemands et Français réunis dans la même salle face à ce sujet particulier, c’est émouvant.».
     
    -Comment avez-vous été amené à adapter ce roman de Christophe Boltanski?
     
    -On me l’a proposé quand il est sorti en 2015. En le lisant, j’ai été touché par la pudeur et la retenue de l’auteur face à ce qui lui est arrivé. En même temps, l’oeuvre m’apparaissait inadaptable dans la mesure où il s’agit d’une suite d’histoires qui se déroulent sur un siècle. La chose est donc restée en attente, jusqu’à ce que je trouve un angle. Ce furent les événements de Mai 68, qui ne représentent pourtant qu’une phrase dans le livre. Mais si l’adaptation est libre, je reste fidèle à la drôlerie et à la tendresse qui en émanent.
     
    Et Pourquoi ce contexte de Mai 68 ?
     
    -Parce que pour moi, cette période a fait resurgir les passions françaises. Vingt-trois ans après la guerre, l’inconscient remonte, les interrogations réapparaissent. Cela me permettait d’évoquer certaines thématiques. le rapport aux origines,  l’antisémitisme, le non-dit,  la construction de son identité. La génération de l’époque veut un inventaire, se pose la question du changement. Les homosexuels, ce que je suis, peuvent désormais dire qu’ils le sont. Mais ce n’est pas gagné. Il faudra repartir au combat.  Mai 68 résonne avec ce qui se déroule aujourd’hui, tout en faisant écho au passé.
     
    --En l’occurrence à la Shoah. Avec ce point de vue, vous pouvez l’évoquer en évitant le film historique.
     
     -C’était aussi plus simple pour moi de faire de l’humour en Mai 68 qu’en 1942. Je ne suis pas Lubitsch. Plus sérieusement Je ne me voyais pas du tout dans la reconstitution. Je suis très phobique de l’iconographie nazie. En même temps il ne s’agit pas d’un événement historique figé, mais d’un processus qui a commencé en 1933.  Rien n’est fini. On est marqué. Cela détermine notre comportement, infuse notre quotidien. Il suffit de considérer  le retour de la guerre, le terrorisme,  l'antisémitisme, le racisme, le règne validé de l’extrême-droite.
     
    -Parlez-nous de Michel Blanc, dont c’est le dernier film. Avez-vous immédiatement pensé à lui?
     
    -Assez vite, notamment en raison de l’inquiétude, de la peur congénitale qu’il dégage dans ses films,  C’est un homme aux abois, Il court après quelque chose. Il y avait donc une correspondance avec son rôle dans La Cache Mais c’est aussi quelqu’un de tendre, de sensible, d’élégant. Je me suis beaucoup inspiré de ce qu’ était Michel Blanc, pour filmer la relation entre l’acteur et son personnage, ainsi que la façon dont il va vers les autres. .
     
    - Et lui, a-t-il accepté tout de suite?
     
    - Oui. Je l’ai rencontré pendant deux heures en 2023. Il s’est mis au service du film. Il ne m’a  jamais demandé de changer des choses, ce qui ne l'empêchait pas de faire des suggestions. Le tournage a été très agréable. Il râlait tout le temps, mais ce n’était pas grave. En fait avec lui rien n’allait, mais dans le fond tout allait  bien .
     
    La Cache à l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 26 mars.
     

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  • Grand écran: critique et ironique, Samir raconte l'histoire de la migration italienne en Suisse

    Dans son nouveau documentaire, La transformation merveilleuse de la classe ouvrière en étrangers, le réalisateur zurichois Samir se penche sur la migration italienne en Suisse, de l’après-guerre jusqu’à aujourd'hui. Cette  plongée, où se mêlent racisme, xénophobie et résilience, fait écho au propre parcours de l’auteur, qui sait de quoi il parle. Rappelons que né à  Bagdad en  1955, il a émigré en Suisse à l’âge de six ans. Il n ‘a obtenu la nationalité suisse que dix ans plus tard, quand sa mère a récupàéré.la sienne,  après s’être remariée avec un citoyen helvétique.  

    Des parties de ce parcours sont d'ailleurs incluses sous forme d’animation, où on le voit fréquenter milieux ouvriers, syndicaux, ou encore le parti socialiste. Outre ses séquences, l'opus fourmille d’archives, de scènes de films, de clips, de photos de famille  de documents publics, de chansons, de lieux, d’interviews

    Des images pour décrire la violence, l'hostilité à l'égard des saisonniers, ces hommes et ces femmes venus travailler pour des salaires misérables. Vivant dans des baraquements insalubres, ils sont séparés .de leurs enfants qu’ils font parfois faisaient entrer illégalement en Suisse. Très engagé dans les mouvements syndicaux et de la gauche radicale, membre du comité de l'initiative Quatre Quarts pour une naturalisation facilitée, Samir critique vivement la position de la Suisse face à l’immigration. Sans oublier celle des forces conservatrices présentes dans les syndicats . Point culminant de cette xénophobie érigée en système, l’initiative Schwarzenbach en 1970, demandant une limitation des étrangers à 10 %. Elle fut rejetée à 54 %.  

    L'Italie devenue carrément un must

    Samir montre que dans les années 80, la situation évolue de manière générale en Suisse. Les syndicats intègrent les syndicats. Le statut de saisonnier est aboli en 2002 Avec le temps,  la cuisine, la culture, la mode italienne deviennent carrément un must. Sauf qu'on n'en  a pas fini avec la xénophobie, comme on le voit  la fin de l'oeuvre. Elle a juste changé de visages. Ceux des migrants africains notamment exploités dans le sud de l’Italie, d’où étaient alors partis les ouvriers dans l’espoir d’une vie meilleure...
     
    Ayant lui-même subi des persécutions, Samir préfère toutefois l’ironie, l'humour et le sarcasme à la victimisation, à l'image de son titre La transformation merveilleuse de la classe ouvrière en étrangers, «Cela n’a pas trop plu aux syndicats, lors de la projection du film à Lausanne", plaisante-t-il à l’occasion d’une rencontre à Genève. 
     
    -Vous aviez déjà confronté les immigrants de la première génération aux jeunes issus de la seconde avec Babylone en 1993. Pourquoi un nouveau documentaire sur ce thème?

    -Je suis fasciné par le changement de culture. Par ailleurs, j’ai noté, dans mon propre milieu, que les gens  ne savent rien de ces 2,5 millions d’émigrés en Suisse. Ils croient qu’en général tout va bien et qu’il  n’y a pas de place pour le problème social.
    -
    Avec cette multitude d'archives de  toutes sortes, vous avez dû vous livrer à de longues et nombreuses recherches. 

    -Pas vraiment. Les films, par exemple, je les connaissais et en ce qui concerne les documents publics, les rapports gouvernementaux, on trouve tout facilement. En plus grâce au Covid, j’ai pu m’y consacrer au calme. Le plus difficile, c’était les interviews. J’en ai fait une centaine, mais beaucoup avaient de la peine à se raconte,, à témoigner. On ne le voulaient pas.. Les blessures et les traumatismes étaient toujours vivaces chez les anciens ouvriers. Cela dit, il y avait aussi des souvenirs de solidarité et même d’émancipation, notamment celle des femmes.
     
    -Vous critiquez à la fois la position de la Suisse et des syndicats 
     
     -Et pour cause. La migration, ,les expulsions, le racisme, on n’en discutait pas. Les forces conservatrices chez eux étaient  pro Schwarzenbach  

    -Alors que la situation a évolué à partir des années 80, la xénophobie demeure. Comme vous le dites, les immigrés continuent de faire le travail que ne veulent pas faire les Suisses. Mais c’est pareil ailleurs.
     
    Bien sûr. le racisme existe partout. A cet égard, je prépare une série télévisée européenne sur le sujet des derniers émigrés depuis 40 ans, avec chaque épisode centré sur un pays différent. 
     
    -Votre film  est un appel à dépasser les préjugés. Donc, l’espoir demeure. 

    -C’est pour cela que je l'ai fait. Je pense que les humains peuvent changer les humains. La Suisse est déjà changée. C’est un pays de migrants. On ne peut pas revenir en arrière.
     
     -Votre film est à charge. Alors finalement cette Suisse, est ce que vous l’aimez ?
     
    --Oui, beaucoup. Aujourd’hui, c’est mon pays. Je ne pourrais plus vivre en Irak.
     
    On en tirera donc une conclusion logique. Qui aime bien châtie bien...

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 26 mars. 

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