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le blog d'Edmée - Page 11

  • Grand écran: "Le consentement", adaptation fidèle de la bombe littéraire lancée par Vanessa Springora

    Début 2020, Vanessa Springora lançait une bombe dans le milieu littéraire et bien et au-delà, avec la publication de son livre Le Consentement. Minutieuse, implacable, la talentueuse éditrice décrivaiit l’emprise toxique durable exercée sur elle à la fin des années 80, alors qu’elle avait à peine 14 ans, par l’écrivain Gabriel Matzneff, pédophile quinquagénaire encensé à l’époque par le petit monde culturel parisien. 

    Le succès fulgurant de cette œuvre glaçante, dérangeante, devait forcément inspirer une version cinématographique. Trois ans plus tard, alors que Matzneff est à nouveau accusé de viol sur mineur par une femme dans la cinquantaine, dénonçant des agressions sexuelles endurées de ses 4 à 13 ans, sort sur nos écrans l’adaptation très fidèle du livre. Signée Vanessa Filho, elle propose un scénario auquel Vanessa Springora a participé. 

    Après une scène d’ouverture intrigante, on se retrouve dans un dîner en ville, où la lycéenne Vanessa (Kim Higelin) en compagnie de sa mère alcoolique mondaine (Laetitia Casta) rencontre pour la première fois Matzneff (Jean-Paul Rouve). Le vaniteux auteur plastronne devant un auditoire admiratif tout en jaugeant sa future proie, sur laquelle il met déjà ses griffes au retour, dans la voiture. Facilitatrice, la mère esquisse un froncement de sourcil....

    Descriptions crues et analyse froide

    Vanessa Filho, dont c’est le deuxième long métrage après Gueule d’ange ne craint pas de déranger, de choquer, de provoquer le malaise, en décrivant crument les relations sexuelles entre Matzneff et Vanessa. Tout en analysant froidement le mécanisme de l’emprise que subit l'adolescente, éblouie par l’intelligence du prédateur et persuadée de l’amour qu’il lui voue.

    Pour autant, cette adaptation réaliste, sans trahir l’œuvre, n’est pas tout à fait à sa hauteur, dans la mesure où la puissance de l’image n’égale pas celle de l’écrit. Mais elle s’avère édifiante pour ceux qui n’ont pas lu le livre. 

    Performances incroyables

    La performance de ses deux protagonistes principaux n'y est de loin pas étrangère. Pourtant âgée de 22 ans lors du tournage, Iza Higelin (la petite-fille du chanteur mort en 2018) fait totalement illusion. Elle est bouleversante en frêle gamine timide de 14 ans, ravagée, brisée. Victime inconsciente au début, elle réalise peu à peu que quelque chose ne va pas mais, incapable d’échapper seule au piège tendu par le terrifiant prédateur, elle ne sait pas vers qui se tourner.  .

    Quant à Jean-Paul Rouve, méconnaissable pour l’occasion avec son crâne rasé, et là où non ne l’attendait pas, il se révèle magistral en monstrueux et pervers manipulateur. Narcissique, redoutable, féroce, il sidère et fascine. On croit voir et entendre le présomptueux Matzneff, usant de son insupportable arrogance et de sa célébrité pour amuser la galerie.  

    A l’image de la fameuse émission de Bernard Pivot de 1990, où l’écrivain se vante de ses conquêtes juvéniles face à la complaisance de ses pairs, se moquant de l’écrivaine québécoise Denise Bombardier, seule à dénoncer les scandaleuses pratiques de cet écoeurant individu. 

    Si une partie de la critique française estime que Vanessa Filho a réussi son difficile pari, l’autre ne manque pas de l’égratigner. En revanche les jeunes ne se montrent pas indifférents, suite à une tendance TikTok, qui a fait progresser les entrées de 4o% en une semaine. 

    A l’affiche  dans les salles de Suisse romande dès mercredi 6 novembre.

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  • Grand écran: "Simple comme Sylvain" évoque l'impossibilité d'une passion durable, sur fond de lutte des classes

    Monia Chokri s’était révélée actrice au grand public en 2010 dans Les amours imaginaires de Xavier Dolan. Puis, en 2019, on l’avait découverte réalisatrice à Cannes avec La femme de mon frère, opus plutôt corrosif autour d’un personnage féminin dépressif, qui avait décroché le prix Coup de coeur à Un Certain Regard.

    En mai dernier on retrouvait la Québécoise dans cette même section, où elle présentait Simple comme Sylvain. Jouant avec les codes de la romance pour mieux  en déconstruire les clichés, elle explore le désir féminin, le couple, la compatibilité et son contraire, en racontant une rencontre explosive. Celle de Sophia (Magalie Lépine-Blondeau), prof de philo à Montréal vivant avec son ami intello Xavier depuis dix ans, et le beau charpentier Sylvain (Pierre-Yves Cardina)l, qui doit rénover leur maison de campagne.

    Des ébats torrides

    C’est le coup de foudre auquel ils cèdent aussitôt. Insatiables les deux amants se livrent à des ébats torrides. Répondant à l’appétit d’ogre de Sylvain, Sophia se laisse follement aller à ses envies sexuelles entre deux cours sur Platon ou Spinoza à l’université du troisième âge et des discussions philosophico-gaucho-bobos sur les grands thèmes sociaux en compagnie de gens de son monde.  

    Ce qui laisse sur le côté le brave Sylvain. Car s’il fait grimper Sophia aux rideaux, il a du mal, face à cet étalement de science, à régater avec son manque de connaissances, ses manières de bûcheron et son vocabulaire fruste. Alors forcément, la relation entre les tourtereaux ne tarde pas à en pâtir. 

    Préjugés inévitables

    Monia Chokri évoque l’impossibilité d’une passion durable, ce qui n'est pas nouveau en soi, mais qui se complique lorsqu’elle concerne deux êtres issus de milieux opposés. Sa réflexion se greffe ainsi sur une forme de lutte des classes et les préjugés inévitables des uns envers les autres. 

    Comme le dit l’auteure en se mettant dans le même sac, c’est bien joli de se revendiquer de gauche, de manifester un esprit ouvert, de militer pour l’environnement et l’immigration, mais dans le fond, est-on vraiment capable d’en parler avec quelqu’un de différent?

    Joyeux, sensuel, charnel, sexy, érotique, mélancolique, plein d’amour, d’humour, de dialogues savoureux et de situations piquantes, Simple comme Sylvain est une belle réussite, portée en plus par ses deux excellents comédiens, Magalie Lépine-Blondeau (la meilleure amie de Monia Chokri) et Pierre-Yves Cardinal.  

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 29 novembre. 

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  • Grand écran: "L'Arche de Noé" pour soigner les blessures de l'homophobie. Avec Valérie Lemercier et Finnegan Oldfield

    «Je ne vis plus chez moi. Mes parents m’ont dit que puisque j’étais comme ça, je ne pouvais plus vivre avec eux... Je ne peux t’accepter, m’a dit ma mère, tu n’es pas mon fils... J’ai senti que j’étais en danger avec leurs menaces de mort. J’ai dû m’échapper ... J’en suis venue à mépriser cette part de moi-même parce que je ne rentrais pas dans les cases... »

    Ces confidences bouleversantes ouvrent L’Arche de  Noé, le premier long métrage de Bryan Marciano. Le sujet s’est imposé à lui après le visionnement d’un reportage sur de jeunes LGBTIQA+ mis à la rue par leurs familles. Il a alors voulu les rencontrer, eux et les gens qui les recueillent et a trouvé formidables les lieux l’endroit où ils pouvaient soigner leurs blessures 

    Une course contre la montre

    Inspiré d’histoires vraies, le réalisateur nous emmène au sein d’une association, L’Arche de Noé.  Les résidents, gays, lesbiennes, trans, intersexes ont six mois, une course contre la montre, pour trouver un travail, un logement et surtout, s’accepter.

    Le refuge est dirigé par Noëlle (Valérie Lermercier, comme on ne l'a jamais vue), aidée dans sa difficile mission de sauvetage par Alex (Finnegan Oldfield). Ils ont également leurs failles, leurs fêlures. Très protectrice mais assez sèche, peu démonstrative, Noëlle n’aime pas les bisous et les câlins. Pour se protéger, elle est toujours dans l’action. Quant à Alex, forcé de purger dans ce lieu un mois de travaux d’intérêt général suite à un délit mineur, il n’a, au départ du moins, pas envie d’être là...

    Porté par ses deux excellents personnages principaux, ce film émouvant, riche, concret, plein d’humanité, met en lumière une quinzaine d’autres protagonistes aux profils différents, mais qui vivent tous le même rejet. Ils sont avides d’exister, de s’affirmer, de trouver leur place dans la société. Dans l’excès parfois, ils l’expriment avec rage. Souvent avec humour.

    La force de l’œuvre est en effet de mêler la comédie, la drôlerie de l’existence, au drame de ces vies brisées qui tentent de se réparer. On est par ailleurs séduit par la pudeur, l’absence de pathos. Bryan Marciano ne cherche pas nous faire pleurer. Ses héros, ses héroïnes sont dans la survie, mais ne se plaignent pas. Comme dit l’auteur, il s’agit d’avancer, de faire des choses et d’en rire. C’est parfois dur, violent, mais ce n’est pas triste. 

    Nous avons eu l’occasion de le rencontrer en compagnie de ses deux têtes d'affiche, lors de leur récent passage à Genève. Ils ont évoqué les raisons de leur engagement dans ce projet.

    Bryan Marciano:  "C’était pour moi une manière d’aider les autres, de leur tendre la main. Ces personnes, leurs histoires, leurs conditions de vie me touchaient énormément.  Pour eux c’est la double peine de l’exclusion et la détestation de soi. Comment se reconstruire lorsqu’on est rejeté à ce point? Sans jamais une larme. Alors, les drames, les rires, le besoin de s’éclater, j’ai essayé de tout faire coexister."

    Pensez-vous qu’un tel film peut contribuer à changer les choses?

    Je me vois comme un DJ lorsque soudain quelqu’un se met à danser.  C’est gagné, les autres vont suivre. De même, un père, une mère qui voit ce film et se rend compte qu’il, elle, est passé-e à côté de son enfant, ce serait déjà énorme. Certes, en creux, je condamne. Mais en réalité, je souhaite davantage me réjouir que juger. Je trouve plus intéressant d’aller de l’avant, de faire les choses et d’en rire. .Surtout avec des comédiens imprévisibles, charismatiques, pudiques, énergiques, qui apportent ce qui leur appartient". 

    Finnegan Oldfield: "C’était une expérience humaine de dingue. Serais-je légitime?, me demandais-je. J’arrive tel un gros paumé cisgenre qui n’a pas envie d’être là. Et puis je tombe sur une troupe des gens formidables qui connaissent bien leur texte. Je vais vivre des instants qui font écho à ma propre existence, découvrir ma voie et donner beaucoup de moi-même, comme dit Bryan. J’ai adoré le tournage, je me suis fait des amis. Le film me bouleverse et le rôle m’a marqué. C’est celui dont je suis le plus fier". 

    Valérie Lemercier: "Je sortais d’Aline (son rôle préféré) et j’avais quelques scénarios à lire. Celui-ci m’a fait rire.  Il y avait dans le personnage de Noëlle des petits trucs qui me plaisaient. Et encore plus quand j’ai rencontré Bryan. Cette idée d’être dans l’action, d’avancer, de s’occuper de gens qui vont mal, de manger debout, de ne pas avoir le temps d’aller fumer sa clope, un vrai bonheur. Cela me convenait d’autant que je déteste ne rien faire".  

    Un rôle à contre-emploi, cette mère poule peu démonstrative?  

    C’est vrai qu’on n’a pas l’habitude de me voir comme ça. On m’a plutôt cataloguée dans le genre grande bourgeoise. A tort. Je suis une fille d’agriculteurs, pas l’aristo de mes premiers films.

    Dans le fond vous aimez surprendre

    En effet. Ne pas être là où on m’attend. Je refuse d’être géolocalisée.  J’essaye de comprendre ce que le réalisateur a rêvé, de me montrer sincère. Je ne suis pas obligée d’être drôle. Cela m’a changée de me retrouver avec ces jeunes qui souffrent. Je suis de leur côté. Je voulais être avec eux, partager avec eux.

    Toujours très active, Valérie Lemercier est en train d’écrire une comédie où elle tient le rôle principal aux côtés de deux partenaires amies. "J’évoque des thèmes actuels, notamment le féminisme. Mais je ne vous en dirai pas davantage".

    "L’Arche de Noé", à l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 29 novembre.

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