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le blog d'Edmée - Page 10

  • Grand écran: Alain Giraudie filme le désir dans "Miséricorde", un polar rural mystique. Interview

    Après l’hédoniste Inconnu du lac, le délirant Rester vertical et le loufoque Viens je t’emmène, unanimement acclamés par la critique, Alain Guiraudie revient sur sa terre natale aveyronnaise avec son septième long métrage, le non moins remarquable Miséricorde.

    Dans ce polar rural et mystique qui flirte avec la comédie burlesque, on suit le déroutant Jérémie (Félix Kysyl). Après dix ans à Toulouse, il retourne dans son village de Saint Martial pour l’enterrement du boulanger, son ancien patron. Il retrouve sa sympathique veuve, Martine (Catherine Frot), qui l’accueille affectueusement. Trop pour son fils Vincent (Jean-Batiste Durand), garçon jaloux aux pulsions violentes avec lequel Jérémie était ami. Ce dernier profite aussi de son bref séjour pour rendre visite au voisin Walter (David Ayala), autre ami plus âgé, gros nounours solitaire avec qui il a toujours eu envie de coucher. Va s’immiscer dans ce petit cercle le curé du village (Jacques Develay), un drôle de maître-chanteur aux intentions plus ou moins avouables.
     
    Le retour inopiné de Jérémie sème la zizanie. Alors que jalousie, rancœur, vieilles blessures, non-dits, désirs réprimés et relation trouble remontent, la tension s’accroît jusqu’à la disparition mystérieuse de Vincent. Ce qui donne lieu à une enquête policière, sur fond de cueillette de champignons. Prétexte, pourquoi pas, à un plan cul…

    Si Alain Guiraudie propose une vraie énigme à résoudre, il y met évidemment sa griffe particulière, son humour noir décoiffant, son côté absurde, son inventivité, sa malice, son audace, sa liberté de ton. Une grande réussite sublimée par la parfaite interprétation de tous les protagonistes, dont la désarmante Catherine Frot et l’ineffable Jacques Develay, bite conquérante au vent…
     
    «Un désir suspendu, éternel, se régénérant de lui-même»

    À l’occasion d’un entretien téléphonique, le très chaleureux Alain Guiraudie, cinéaste atypique qui sort parallèlement son roman Pour les siècles des siècles, nous en dit plus sur la genèse de son projet. «J’ai procédé comme avec tous mes films. Je brasse des choses, des fantasmes, je mixe l’intime et l’universel, avec les influences que j’ai subies. Miséricorde s’accorde à mes désirs Et puis j’avais envie de filmer l’automne. C’est la saison qui convient le mieux.»

    Vous montrez l’érotisme sans acte sexuel.

    Il y a une idée de ça en effet. Un désir qui ne s’assouvit pas dans la sexualité. Il est suspendu, éternel, se régénère de lui-même. Je suis ainsi plus proche de la réalité. Souvent l’amour n’est pas réciproque. Il y a donc ce mélange d’être plus conforme et d’essayer de développer cet érotisme
     
    Pourquoi ce titre, «Miséricorde»?

    Je trouve qu’il va super bien. Je l’ai trouvé assez vite. C’est un terme chrétien, intemporel. Un concept de pardon, d’empathie de compréhension. J’aime son côté désuet. C’est le mot qui me paraissait le mieux désigner un élan vers l’autre, de dormir avec lui, sans forcément coucher. C’est une vertu religieuse mais c’est aussi un sentiment humain, très fort de vouloir faire du bien à autrui.

    Il est beaucoup question de religion. Vous dites d’ailleurs avoir de la tendresse pour les curés.

    Je suis plus métaphysique que religieux. Quant à la tendresse pour les curés, c’est vrai Pour deux raisons. Consacrer sa vie à quelqu’un, faire une croix sur sa vie. Figurez-vous que j’aurais pu être prêtre. En outre c’était une échappatoire, voire le salut pour les homosexuels à la campagne. A la ville également, mais moins. Il s’agit d’un vrai refuge, ce sacerdoce. Pas d’obligation de se marier, pouvoir se mettre en robe. Les curés et les bonnes sœurs vivent une passion qui ne s’accomplit pas dans le sexe. Mais il y a une dimension érotique dans la religion catholique.

    Drame, comédie, enquête policière, vous êtes à la frontière des genres.

    Oui, il y a en plus une affaire à résoudre, mais en forme de polar trivial assorti de hautes questions morales. On s’arrange avec notre conscience, avec les gens qui dorment dans la rue, avec le massacre du Hamas, les bombardements à Gaza…

     Parlons des comédiens, notamment de Catherine Frot. Elle s’est elle-même dite étonnée que vous l’ayez appelée. Vous faites plutôt tourner des acteurs et actrices peu connu·e·s. Qu'est-ce qui vous a séduit chez elle?

     Je n’ai rien contre les stars, mais je leur trouve rarement des rôles. Je crains que l’on ne voie que la vedette derrière. Catherine Frot, pourtant, je l’avais dans la tête. Elle me charme  par son côté femme-enfant. Mais j’ai cherché un peu partout avant de me décider. .Ce n’est pas quelqu’un à qui on propose de lire un scénario pour rien. Elle m’a convaincu. Nous nous sommes mis d’accord sur deux ou trois trucs. Elle a vite compris que je ne cherchais pas quelqu’un qui vienne faire son numéro.

    Et qu’en est-il du choix du lieu?

    Je connaissais le village. Il m’avait plu car il était complètement à l’abandon. Quand j’ai commencé le film j’y ai repensé comme à celui de mon enfance. J’y suis retourné et il avait été complètement retapé. Mais en gardant son atmosphère avec des maisons anciennes. C’est un village intemporel, un village de contes.

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 16 octobre.

     

     

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  • Grand écran: Claude Barras revient avec "Sauvages", fable écolo magique et visuellement grandiose.

    Il nous avait séduit et ému avec Ma vie de Courgette il y a huit ans déjà, il nous captive à nouveau avec Sauvages en mettant en scène Kéria, une petite fille qui lutte contre le massacre d’une forêt tropicale ancestrale à Bornéo. par d’infâmes individus uniquement préoccupés à se remplir les poches.

    La gamine recueille Oshi un bébé singe craquant, orphelin comme elle, dans la plantation de palmiers à huile où travaille son père. Dans la foulée, son jeune cousin Selaï vient se réfugier chez eux pour échapper au conflit qui oppose sa famille aux compagnies forestières. Ensemble, Kéria, Selaï et Oshi vont affronter l'ennemi en bravant tous les obstacles.

    En s’initiant au militantisme écologiste, Kéria découvre un secret que lui a caché son père, craignant de la voir tomber dans l’engagement radical qui a coûté la vie à sa mère. Avec ce double récit initiatique, Claude Barras veut alerter le jeune public (mais pas que) en le sensibilisant aux dangers et aux horreurs que l’on fait courir à la planète. Susciter chez lui de l’espoir et lui montrant que la résistance n’est pas forcément vouée à l’échec. En évitant le rabâchage pénible, l’infantilisation débile et le moralisme stérile.  

    Entièrement tournée en stop motion dans une ancienne halle industrielle de Martigny, cette fable écologique poétique, magique, est un petit chef d’œuvre d’animation. Visuellement grandiose, elle est réalisée avec un souci du détail impressionnant, Claude Barras n’élude pas la violence et la mort qui rôdent autour de ses irrésistibles et adorables marionnettes aux yeux qui leur mangent le visage. A commencer par Kéria, jeune héroïne impertinente, déterminée et et courageuse, qui nous laisse découvrir une jungle foisonnante à la fascinante  beauté menacée.

    A l'affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 16 octobre.

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  • Grand écran: "The Apprentice" raconte Donald avant qu'il devienne Trump. Bluffant

     Réalisateur de l’excellent Holy Spider ( Les nuits de Mashad), Alii Abbasi propose le passionnant The Apprentice. Son premier film américain raconte l’irrésistible ascension de Trump  (Sebastian Stan) dans le monde des affaires et du pouvoir au cours des années 1970-1980, suite à une rencontre avec Roy Cohn (Jeremy Strong), avocat conservateur et entremetteur politique  aussi abject qu’influent.  
     
    A trois  quelques semaines de l’élection présidentielle, ce biopic plutôt explosif sorti vendredi 11 octobre aux Etats-Unis sous bannière indépendante, résonne particulièrement. Il provoque la colère violente du candidat républicain, le traitant de faux, de vulgaire (il en connaît un rayon dans le domaine…), et les menaces de ses avocats. Notamment  pour une scène qui le montre en train de violer son ex-femme, Ivana (morte en 2022), qui lui reprochait  de devenir de plus en plus gros et de plus en plus chauve. En fait, elle l’avait accusé de viol durant la procédure de divorce, avant de se rétracter.  Cela dit, selon les spécialistes, le film ne pèsera en rien sur le choix des électeurs.

    Et ce n’est pas le plus captivant dans l’histoire. Tout en opérant une plongée dans les arcanes de l’empire américain, le réalisateur danois d’origine iranienne brosse un portrait saisissant du jeune Donald, bien que relativement nuancé, étant donné la période. Pur produit des années Reagan, ambitieux, désireux de voler de ses propres ailes, prêt à tout pour devenir riche et puissant, il se montre encore un peu naïf., comme on le découvre lors de ses premiers entretiens avec le brutal Roy Cohn totalement dépourvu d’éthique et de morale. Mais Trump ne va pas tarder à renier ses quelques principes pour appliquer les règles d’or de sa future âme damnée : «Attaque, attaque, attaque. N’admets rien. Ne reconnais jamais la défaite »

     Edifiant, incisif, ironique, premier degré, tragi-comique, ce récit d’apprentissage de l‘ancien président s’articule autour de ses  principaux projets immobiliers à cette époque: l’hôtel Hyatt, Grand Central, la tour Trump, le Trump Taj Mahal Casino et, vers la fin du film,  Mar-a-Lago, luxueux refuge au milieu de Palm Beach, où le «héros» donne une fête pour un Roy Cohn déchu, en fauteuil roulant, mourant du sida.

    Abbasi évite la caricature. Et pour cause !

    On s’accorde généralement à dire qu’Ali Abbasi ne tombe jamais dans la caricature. Il est vrai qu’il n’en a pas besoin, étant donné son protagoniste auquel ont déjà été consacrés des documentaires précédant sa consécration. Et c'est là qu’on se rend compte de l’ahurissante prestation de Sebastian Stan. Il s’est si parfait, si bluffant qu’on a presque l’impression d’avoir le vrai à l’écran. Avec sa fameuse mèche,  sa bouche en cul de poule, son embonpoint le conduisant à une liposuccion abdominale, ou sa calvitie naissante qu’il tente de camoufler par une opération du cuir chevelu.   

    Exceptionnel, magnétique, Jeremy Strong ne le lui cède en rien, parvenant même à l’éclipser dans le rôle du rapace Roy Cohn. Ce qui est logique. Faisant la loi à l’époque, l’avocat au sommet de sa gloire dominait celui n’était pas encore, et de loin, ce personnage autoritaire aux discours tonitruants, milliardaire narcissique, menteur, transgressif, autocrate en puissance qui a bouleversé le paysage politique américain alors que personne ne le voyait venir… et qui menace de revenir!

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 16 octobre. 

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