Auteur de Vaurien en 2002, son premier long métrage où il suivait un prédateur au charme trouble, Peter Dourountzis s’inspire, cette fois. de l’affaire Elodie Kulik. Directrice d’agence bancaire de 24 ans, elle avait été violée, étranglée et brulée en janvier 2002. Dans Rapaces, Samuel (Sami Bouajila), journaliste au magazine Detective et sa fille Ava, (Mallory Wanecque), stagiaire, couvrent le meurtre d’une jeune fille à l’acide. Frappé par sa brutalité ainsi que par l’intérêt de sa fille pour l’affaire, Samuel décide de mener une enquête indépendante, à l’insu de sa rédaction. Et découvre de troublantes similitudes avec l’assassinat d’une autre femme
Cette plongée dans la presse à sensation se nourrissant de faits divers sordides, est doublée d’un drame familial à travers une relation père-fille un rien conflictuelle au départ. L’immersion bien documentés donne lieu à une enquête qui remonte aux origines du féminicide, avec la découverte d’un redoutable réseau masculiniste. Tout en maintenant suspense et tension, l’auteur évite en revanche toute représentation crapoteuse ou démonstration complaisante d’une histoire horrible qui pourrait accrocher le spectateur et son appétence pour le voyeurisme. Au contraire, entre thriller haletant et polar social, voire western, il se livre plutôt à une observation de la violence régissant notre monde. Qu'elle soit celle des hommes ou des médias. Une réflexion qui interroge sans juger.
D’où le titre du film, qui séduit par son efficacité et la sobriété de sa mise en scène. Car les rapaces sévissent partout. Ce ne sont pas seulement les tueurs de femmes libérant sauvagement leurs pulsions irrépressibles. Mais également les journalistes prêts à tout pour un scoop, les lecteurs qui se délectent de leurs récits croustillants, bref tous ceux qui concourent à flatter nos plus bas instincts.
Dans le rôle de Samuel, Sami Bouajila, un pote de Roschdy Zem qu’on a vu dans une soixantaine de films signés Desplechin, Téchiné ou Kechiche, se révèle très crédible en reporter charismatique, un dur qui a ses fêlures, mais n’hésite pas à aller cuisiner chez lui le père de la victime atrocement tuée, pour décrocher l’info qui fera monter le tirage. A ses côtés Mallory Wanecque, découverte dans L’amour ouf de Gilles Lellouche, assure en stagiaire intelligente, marchant sur les traces paternelles, tout en lui suggérant de changer un peu ses méthodes d’investigation.
Un rapport qui aurait gagné à être mieux exploité. Tout comme la présence de Jean-Pierre Darroussin et de Valérie Donzelli. Jouant les utilités dans des enquêtes secondaires, ils n’apportent pas grand-chose. Sinon un autre regard sur un hebdomadaire souvent accusé de manipulation, mais où «tout est vrai», affirme Sami Bouajila dans une interview à Télérama.
A l’affiche dans les salles de Suisse romande depuis mercredi 2 juillet.