Queer Palm en mai dernier à Cannes, La petite dernière de Hafsia Herzi, adapté du roman de Fatima Daas (2020), raconte le cheminement de Fatima, (Nadia Melliti, prix d’interprétation sur la Croisette). Banlieusarde parisienne de 17 ans, musulmane pratiquante, elle est issue d’une famille d’immigrés algériens, où elle vit heureuse, entourée de sa mère et de ses sœurs. Bonne élève, elle intègre une fac de philosophie à Paris, découvre un nouveau monde, les fêtes d’étudiants, la vie nocturne.
Pendant un an on la suit alors qu’elle s’émancipe des siens, des traditions. Et s’éveille à l’homosexualité, au contact de femmes racisées, audacieuses, bien dans leur tête et dans leur peau. Après quelques tâtonnements souvent amusants, Fatima gagne en confiance et entame une relation avec une infirmière -artiste, campée par Ji-Min Park, fascinante femme caméléon dans Retour à Seoul.
Les histoires de coming out queer ne manquent pas, mais Hafsia Herzi sait les renouveler. Brossant un portrait tendre et sensible de son héroïne, elle livre avec pudeur, évitant les clichés et les préjugés, un vibrant récit d’émancipation sexuelle et sentimentale. Aux scènes explicites, elle préfère les baisers, les étreintes, les regards, les mots. Mais aussi les questionnements de Fatima sur la difficulté à concilier sa foi avec ses désirs naissants.
Repérée, engagée, primée!
Lumineuse, magnétique, instinctive, Nadia Melliti, 23 ans, incarne formidablement l’attachante Fatima. Née d’un père italien et d’une mère algérienne, elle est d’une beauté singulière, différente. Athlétique, footballeuse passionnée qui a joué au PSG et un temps rêvé d’en faire son métier, elle évoque l’aventure assez extraordinaire qui l’amenée tout en haut en un seul film. Sans avoir pris un seul cours de théâtre.
«Je me baladais à Paris quand quelqu’un me tape sur l’épaule. Je me retourne en croyant qu'il s'agit d'une touriste, mais en fait j’étais tombée sans m’en rendre compte sur un casting. La directrice m’explique alors le projet. Je n’avais pas du tout envie de faire du cinéma. J’ai quand même fait des photos et les choses se sont enchaînées.»
Mais Nadia est restée maîtresse de sa décision. «En tant que femme et footballeuse, je me suis toujours sentie libre de mes choix. «J’aime assez qu’on me dise non et faire le contraire. Je refuse d’entrer dans un moule. Ce qui m’a plu, c’est la façon dont Hafsia Herzi met les femmes en avant. J’ai été attirée par la complexité du personnage, sa force. J’ai senti comme une affinité avec Fatima. Je me suis dit que ça allait être un film tellement puissant pour les personnes peu représentées. Et en même temps une histoire universelle, qui va bien au-delà du coming out.
Avec le cinéma, Nadia dit avoir aussi découvert un univers très spécial. «C’est un souvenir pour tout ce qui est à venir». Cela ne saurait peut-être pas tarder. Son prix d’interprétation lui a déjà valu des propositions. Toutes refusées. Car le succès ne lui et pas monté à la tête, bien au contraire. Lors de notre rencontre, elle déclarait vouloir continuer à jouer au foot avec l'équipe de son université et terminer ses études avant de passer le concours de professeur d'éducation physique et sportive. «Je veux prendre mon temps, faire les bons choix. J’ai découvert l’intensité de l’actorat, les émotions qu’il provoque. Il n’est pas question de me lancer dans n’importe quel film. Ce qui me plairait, c’est un rôle d’action. Une agente de la CIA par exemple… »
Et si cela ne marche pas, ce ne sera pas un problème pour Nadia. «En sport, on est souvent confronté à l’échec. L’important c’est de se demander comment on peut devenir plus performant».
A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 22 octobre.