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Sorties de la Semaine - Page 9

  • Grand écran: "Crossing Istanbul" nous emmène à la découverte du milieu trans de la métropole turque

    Il avait séduit il y a cinq ans avec Et puis nous danserons, évoquant une poignante histoire d’amour entre deux garçons dans le milieu de la danse traditionnelle en Géorgie. Après cette belle réussite qui lui a valu une percée internationale, le réalisateur suédois Levan Akin revient avec Crossing Istanbul, où il réunit avec bonheur les cultures géorgienne et turque .
     
    Le film s’ouvre sur Lia (Mzia Arabuli), célibataire, professeure d’histoire à la retraite. Elle marche dans les rues de Batoumi, sur la côte géorgienne de la mer Noire, à la recherche de Tekla, sa nièce trans disparue depuis longtemps. Sans doute à Istanbul. Elle a fait la promesse à la mère mourante de Tekla de retrouver la fille qu’elle avait rejetée et de la ramener chez elle. Achi (Lucas Kankava) le paresseux frère cadet d’un de ses anciens élèves, rêve de fuir son morne quotidien pour la grande ville. Il supplie Lia de le laisser l’accompagner en lui assurant qu’il sait où habite Tekla. Lia rechigne, mais finit par se laisser convaincre par le jeune dadais

    Le couple bancal que tout oppose débarque à Istanbul. L’occasion pour Levan Akin de nous plonger dans l’ambiance particulière de cette ville fascinante, pleine de contrastes et de tous les possibles, véritable labyrinthe à cheval entre Orient et Occident, tradition et modernité. Tout en nous emmenant dans le quartier trans, pauvre, très peu fréquenté par les touristes, où est censée vivre Tekla.
     
    Mais chercher une personne qui n’a pas envie d’être retrouvée n’est pas simple. D’autant qu’Istanbul est un lieu où l’on va pour fuir l’ostracisme et disparaître, ont confié des femmes trans au réalisateur, comme on peut le lire dans une interview. En plus Lia et Achi sont loin d’être des fins limiers! Evrim (Deniz Dumanlı), avocate trans qui se bat pour les droits de la communauté dans un centre LGBTQIA+, va peut-être pouvoir les aider.

    En traitant des différences de genre et orientations sexuelles sujettes à la discrimination, Levan Akin voulait livrer une image humaniste, tendre et positive de la transidentité. Ce qui est le cas. On regrette toutefois qu’il ne s’agisse justement que d’une représentation, dans la mesure où il ne donne pas vraiment la parole aux personnages concernés dans les lieux traversés par nos détectives en herbe.
     
    Reste que le réalisateur nous touche avec un film intelligent, subtil, engagé, et non sans humour. Bien écrit, bien photographié, il est de surcroît porté par ses excellentes têtes d’affiche. À commencer par la charismatique Mzia Arabuli, qui campe une femme revêche, râleuse, se scandalisant pour un rien, portée sur la bouteille. Mais magistrale, au port de reine et toujours digne. En ingénu compagnon d’enquête, Lucas Kankava se révèle aussi maladroit qu’attachant, dans son besoin de tisser des liens avec Lia, comme une possible mère de substitution.

    A l'affiche dans les salles de Suisse romande depuis mercredi6 novembre.

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  • Grand écran: "Trois amies", nouvelle comédie sentimentale enlevée d'Emmanuel Mouret. Avec un irrésistible trio d'actrices

    Il nous a enchanté avec Mademoiselle de Joncquières, séduit avec Chronique d’une liaison passagère. Pour son douzième long métrage, Emmanuel Muret, maître de la carte du tendre et de la confusion des sentiments, revient avec Trois amies, un bijou de marivaudage aux dialogues ciselés dont il a le secret.
     
    Joan (India Hair) souffre de ne plus être amoureuse de Victor (Vincent Macaigne) et de sentir malhonnête envers lui qui l’aime éperdument. Elle s’en ouvre à Alice (Camille Cottin), sa meilleure amie, qui la rassure: Pragmatique, elle n'éprouve aucune passion pour Eric (Grégoire Ludig) et pourtant leur union est sans nuage. Elle ignore toutefois qu'il a une liaison avec leur autre amie Rebecca (Sara Forestier). 

    Quand Joan, que sa déloyauté empêche de dormir, décide de quitter Victor, celui-ci, dévasté, disparaît. Face à ce drame, les cartes sont rebattues et les trois jeunes femmes, dont la vie est chamboulée, doivent reconsidérer leur rapport personnel à l’amour.

    Entre mélodrame et vaudeville, l’auteur livre une œuvre poétique, à la fois légère et grave, tragique et comique, pertinente et enlevée, au service d’une mise en scène élégante et fluide et d’une écriture délicate. Tournée à Lyon dont on découvre les rues, les ponts, un lycée, un musée, au gré des déambulations des protagonistes, cette nouvelle et délicieuse variation sur le sentiment amoureux est sublimée par un irrésistible trio d’actrices, India Hair, Camille Cottin et Sara Forestier.  
     
    Rencontré à Genève, Emmanuel Mouret, cinéaste à part dans le paysage français, se défend d’être le Marivaux d’aujourd’hui, comme on le suggère. "Je suis flatté par l’étiquette, mais je suis loin de la mériter. Je mesure toute la différence qu’il y a entre cet écrivain que j’admire immensément et moî … »
     
    Pour vous, l’idée d’un film vient en fait du désir d’en faire.

    C’est vrai.Je suis intéressé par des situations stimulantes et excitantes que je développe en essayant d’être à la hauteur des cinéastes que j’aime, Lubitsch, Wilder, Pagnol  
     
    Dans Trois amies, il s’agit avant tout d’un questionnement sur les sentiments, les relations amoureuses et des rapports de chacune à cet égard.
     
    Au départ oui. Je suis comme un bricoleur avec les petites choses que j’ai amassées. Je plonge dans mes notes, je questionne nos usages amoureux. En y mettant beaucoup d’exigence et un peu d’indulgence.
     
    Vous explorez le désir, la conception de l’honnêteté, le partage, qui définissent  vos héroïnes.
     
    En effet. Ce sont des femmes qui correspondent à notre époque, qui revendiquent leur choix. Joan par exemple n’est plus attirée par Victor, qui lui, en est fou. Elle en souffre beaucoup mais décide de le lui dire, ce qui provoque sa mort.  Alice, au contraire, ne croit pas à l’amour. Donc elle fait semblant pour ne pas blesser Eric. Avec qui Rebecca couche en se cachant, tout en se cherchant  Est-ce bien, pas bien ? Je n’ai pas d’avis. Heureusement, le cinéma évite d’avoir à trancher.

    Il y a des cachotteries  entre elles. On a beau être très proches, ce n’est pas une raison de tout se dire. 

    La politesse nous engage à lisser les liens, permet une fluidité sociale. La vérité libère mais peut meurtrir.  Le film visite la complexité de la vie. On cherche des réponses, mais souvent il n’y en a pas.

    Vous mêlez le tragique au comique. Voire au fantastique, avec Victor le compagnon de Joan, qui disparaît et réapparaît.  

    J’aime les films où on peut rire et pleurer à la fois. En ce qui concerne le côté fantastique, l’idée de ce personnage qui ne nous quitte pas vraiment me plaisait. Dans la vie, on continue à dialoguer avec des gens qui ne sont plus là. Cela m’amusait de présenter un personnage cocasse qui est en quelque sort sauvé de son amour possessif par la mort.
     
    Parlez-nous des comédiennes. Ont-elles accepté leur rôle respectif  tout de suite ?

    Il y avait un certain temps que je voulais  travailleravec Camille Cottin. Pour elle c’était une affaire simple et évidente. En ce qui concerne India Hair, je souhaitais la rencontrer, mais pour un autre film. Je n’avais pas cette image d’elle, ce côté mystérieux, profond, qui m’a charmé. Quant à Sara Forestier, cela faisait des années que je ne la voyais plus à l’écran. En réalité, depuis qu’elle avait été victime de violence sur un plateau. Je l’ai contactée et les choses se sont faites joyeusement.
     
    Avez-vous déjà des projets ? Aimeriez-vous vous attaquer à un autre genre que la comédie sentimentale? Je ne sais pas, un polar, peut-être ?
     
    Je n’ai pas de plan de carrière.  Mais vous avez raison. J’aimerais bien tourner un film policier.

    "Trois amies", à l'affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 6 novembre.

     

     

     

     

     

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  • Grand écran: "All Shall Be Well", drame queer montrant les préjugés et l'injustice derrière une apparente tolérance

    Ancien avocat, directeur du Lesbian and Gay Festival de Hong Kong, le réalisateur et scénariste Ray Yeung privilégie un cinéma mettant en lumière des personnages plutôt rares à l’écran. Après Suk Suk (2019), évoquant une relation homosexuelle entre deux protagonistes âgés, il revient avec All Shall Be Well, film au titre ironique où il suit un couple de lesbiennes dans la soixantaine. 

    Plutôt aisées, Pat (Maggie Li) et Angie (Patra Au) sont ensemble depuis trente ans, ce que personne n’ignore. Ray Yeung commence par nous les montrer dans leur qutidien. Elles possèdent un confortable appartement, acquis à l'époque. Elles aiment la nature se promener, faire la cuisine. Dynamique, Pat envisage de créer en ligne de mode pour seniors. Ce soir-là, elles se préparent pour la Fête de la lune, où elles dîneront en compagnie de la famille de Pat, qui les aime beaucoup et à laquelle elles donnent généreusement des coups de main, vu que ses membres ne roulent pas sur l’or.

    Et puis, c’est le drame. Dans la nuit, Pat meurt subitement sans laisser de testament. Tout s’effondre pour sa compagne. À la douleur immense de perdre sa bien-aimée, s’ajoute la perte de ce qu’elle possédait, l’héritage au complet – y compris l’appartement – revenant à la famille. Les relations se dégradent du jour au lendemain. Dès lors, Angie, simplement considérée comme une meilleure amie, est mise de côté. Totalement dépendante, elle n’a plus son mot à dire sur rien, ne sait même plus où aller.

    Dans cette œuvre parfaitement incarnée par Maggie Li et Patra Au, Ray Yeung décrit avec sensibilité et justesse la situation de ses deux principales interprètes, surtout l’injustice et les préjugés dont est victime la malheureuse Angie dans une société où le mariage gay n’existe pas. Non seulement dépouillée sur le plan matériel, mais privée de toute dignité dans une identité bafouée.

    «Je voulais que le public s’identifie à la famille»

    Rencontré à Genève, le lauréat du Teddy Award à la Berlinale 2024 nous raconte que l’idée de son film lui est venue lors d’un débat sur les droits LGBTQIA+ à Hong Kong, niés en matière d’héritage. L’intervenant, un avocat, avait évoqué des cas de personnes qui ont vécu ensemble de longues années et qui, à la suite du décès de leur partenaire, ont tout perdu. «J’en ai interviewé quelques-unes, qui m’ont raconté leur histoire. Ce qui m’a particulièrement frappé, c’est la rapidité de la détérioration des relations avec la famille. Alors que tous se connaissaient depuis longtemps, étaient au courant de la situation, partaient même en vacances ensemble. Cela m’a beaucoup choqué et j’ai alors eu envie d’écrire une histoire sur ce manque de protection».

    Vous dites avoir eu connaissance de cas beaucoup plus dramatiques que celui raconté dans le film. Mais vous avez choisi la nuance.

    En effet. Je ne désirais pas montrer des monstres. En réalité, le conflit était latent. En dépit des apparences, la relation entre Angie et Pat n’était pas vraiment acceptée. Et dès la mort de cette dernière, tout change et s’accélère. La famille veut récupérer au plus vite ce qui lui revient de droit. Notamment l’appartement. Les prix sont tellement élevés, que les gens dans le film ne pourraient jamais s’en offrir un pareil. Comment réagirions-nous à leur place? C’était ça qui m’intéressait avant tout. Que le public s’identifie à un membre de la famille, qu’il se demande: «Qu’est-ce que je ferais si j’étais dans cette situation? Suis-je homophobe ou non?»

    C’est aussi terrible pour Angie en ce qui concerne les funérailles. Personne ne l’écoute quand elle dit que Pat souhaitait reposer en mer.

    Là encore, les droits vont à la famille. Angie n’est que sa meilleure amie. Elle est mise de côté lors de la cérémonie. J’en ai fait moi-même l‘expérience lors d’un enterrement où tout le monde, hormis des proches, étaient relégués au fond de la salle.

    Le malheur qui frappe  Angie peut arriver à tout le monde, mais plus précisément dans son cas. Pourquoi n’ont-elles pas été se marier à l’étranger?

    Parce qu’à Hong Kong le mariage gay n’est pas légal. Même si vous êtes mariés à l’étranger., vous n’avez pas les mêmes droits qu’un couple hétéro. Vous pouvez aller au tribunal, mais c’est un processus difficile et sans aucune garantie, alors que vous êtes submergés par le chagrin.

    Pourquoi Pat n’a-t-elle pas fait de testament?

    J’ai posé la question aux gens que j’ai interviewés. Comment protégez-vous votre partenaire? «Oh, ma sœur saurait ce que je veux», m’a dit une femme. Et puis, si Pat ne le fait pas, c’est aussi par superstition. C’est dans la culture chinoise. Il y a la crainte de mourir trop tôt si on parle de la mort, si on fait un testament.

    L’homosexualité a été dépénalisée en 1991 à Hong Kong. Mais comment va la vie queer aujourd’hui?

    Les choses évoluent. La ville est tolérante. Soixante pourcent des gens sont même pour le mariage homosexuel. Mais ce n’est pas gagné. Le gouvernement pro-Pékin se fait tirer l’oreille. Il va d’ailleurs à l’encontre de la reconnaissance des droits des couples de même sexe par la justice, qui leur a toutefois refusé le mariage. Alors on attend.

    A l'affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 30 octobre.

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