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Sorties de la Semaine - Page 5

  • Grand écran: "Captives", immersion dans l'enfer de la Salpêtrière, où des femmes accusées d'hystérie étaient internées de force

    Paris 1894. A la recherche de sa mère, accusée de folie et internée contre son gré, comme tant d’autres femmes convaincues d’hystérie par des proches masculins, Fanni (Mélanie Thierry) se laisse volontairement enfermer à l’Hôpital de la Salpêtrière. D’abord une prison, l’établissement devint un asile, dont le service de neurologie fut dirigé, à partir de 1870 par le célèbre professeur Jean-Martin Charcot. Qui fit notamment subir à ses patientes, des traitements expérimentaux particulièrement douloureux 

    A l'heure du patriarcat omnipotent

    Le réalisateur Arnaud des Pallières évoque ainsi, sur fond  de psychiatrie d’alors, le sort sinistre réservé à ces malheureuses incriminées, le plus souvent à tort, de diverses névroses que l’on prétendait reliées à leur sexe. A l’époque, il suffisait d’un rien pour se retrouver à l’asile. Une petite déprime, une manifestation de rébellion ou colère contre son mari.  Ces femmes juste là parce qu’elles dérangeaient, côtoyaient  des authentiques malades mentales, des alcooliques, des délinquantes, des prostituées. De quoi devenir réellement cinglées...

    Mais il s’agit aussi pour l’auteur de livrer une histoire d’amitié et de solidarité entre ces compagnes d’infortune aux destins  divers, isolées du monde, privées de toute liberté à l’heure du patriarcat omnipotent. Elles sont incarnées par une remarquable et attachante équipe d’actrices allant de Mélanie Thierry (bouleversante dans le rôle de Fanni) , à Yolande Moreau, en passant par Carole Bouquet, Martina Fois ou Josiane Balasko. 

    Indécence et curiosité malsaine

    L’action du film, démontrant une brutalité faite aux femmes et l’oppression dont elles sont victimes qui restent largement d’actualité, se situe en pleine préparation du dernier grand bal de la Salpêtrière, dit  Le bal des folles organisé chaque année pendant le Carême par Charcot. Un divertissement costumé où se pressait avec indécence  le Tout Paris politique, artistique et mondain, venant là comme au zoo pour voir ces prétendues démentes obligées de s’exhiber en dansant et en chantant. Avec tout ce que cela implique de curiosité malsaine. 

    Arnaud des Pallières nous en dévoile plus  à l’occasion d’une rencontre à Genève. Précisant tout d’abord que l’idée de ce film n’est pas de lui, mais de son producteur, qui avait découvert l’affaire du fameux bal annuel .

    Mélanie Laurent avait déjà traité le sujet il y a deux ans.  Quelle différence sa vision et la vôtre ? 

    Le film de Mélanie est une adaptation du roman de Victoria Mas. Le mien part d’un scénario original. Les deux sont extrêmement différents. J’en fais une relecture féministe.  Il n’y a que des femmes. Les médecins en sont absents. Ils se méfiaient des malades et évitaient leur contact.

    Il s’agit d’une immersion dans l’enfer de l’hôpital.

    Je mets le spectateur dans la peau de ces femmes. Plus particulièrement dans celle de Fanni. Il entre avec elle, voit à travers ses yeux, est dans sa compréhension et son incompréhension. 

    Vous vous attachez à des personnalités très diverses.

    Ces femmes viennent d’univers variés, mais en dépit de l’écart social parfois extrême, il existe une réelle solidarité. C’est là que la liberté se joue. Elles sont unies par la violence et la résistance. Je pense avoir fait exister une pléiade de caractères intéressants. 

    Le rôle principal a-t-il été écrit pour Mélanie Thierry ?

    Pas du tout. Il n’y avait que deux comédiennes auxquelles j’avais tout de suite pensé. Josiane Balasko et Yolande Moreau.

    J’ai été frappée par l’absence de maquillage lors des gros plans sur les visages.

    En effet, à part Carole Bouquet, les autres n’étaient pas maquillées. En plus on a tourné pendant la canicule. Elles transpiraient, elles étaient marquées par l’effort. J’avais l’impression de réaliser un western féminin en  raison de la rudesse des situations. Mais elles ont accepté. Elles ont compris l’enjeu politique. Elles avaient envie de faire ce film, chacune sentant qu'elle avait  un vrai personnage à défendre.

    "Captives", à l’affiche dans les salles de Suisse romande depuis mercredi 7 février.

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  • Grand écran: "Retour en Alexanndrie", mini road-trip introspectif avec Nadine Labaki et Fanny Ardant

    Partie d’Égypte, Sue (Nadine Labaki) est installée en Suisse depuis vingt ans. Elle a décidé de rompre tout lien avec sa mère, Fairouz (Fanny Ardant), une aristocrate excentrique, volontiers arrogante et humiliante. Les deux femmes ne se sont donc jamais revues, mais en apprenant que Fairouz a été victime d’une attaque, Sue décide de retourner dans son pays natal pour la revoir.

    Sue entreprend alors un voyage qui la mènera du Caire à Alexandrie, entre hier et aujourd’hui. Confrontée aux fantômes du passé, aux blessures d’enfance qu’elle a tenté d’oublier, elle fera aussi de singulières rencontres, dévoilant une sorte de malaise. Dans ce surprenant mini road-trip à l’esthétique queer, empreint de nostalgie, Sue renoue avec ses racines et surtout avec elle-même.

    Porté par Nadine Labaki (actrice, mais aussi réalisatrice de Caramel et Capharnaüm) aux côtés de Fanny Ardant, Retour en Alexandrie est le premier long métrage de Tamer Ruggli. Moitié Égyptien et moitié Suisse, le cinéaste de 37 ans a passé une maturité artistique à Zurich, avant de suivre des cours à l’ECAL, à Lausanne, et de réaliser quatre courts métrages dont son très remarqué film de diplôme, Capuccino.

    Retour aux sources

    «Je me suis inspiré d’une histoire de famille, de mes souvenirs personnels en Égypte et de la relation compliquée de ma mère avec la sienne», nous raconte l’auteur. «Sue a développé un rapport d’amour-haine avec son pays. Elle s’est échappée pendant des années pour se créer une autre vie, mais elle n’a pas complètement réussi. Elle revient alors aux sources pour tourner la page. Dès son arrivée pourtant, elle est happée, séduite par tout ce qu’elle a voulu fuir, mais qui a néanmoins contribué à la construire.»

    Un mot sur les comédiennes? «J’ai eu la chance de travailler avec Nadine Labaki et Fanny Ardant. Nadine, que j’ai directement contactée grâce à un ami ami libanais, a tout de suite accepté. Quant à Fanny, c’est une passionnée de cinéma. Comme Catherine Deneuve, elle aime aider les réalisateurs débutants..Elle a adoré le scénario. Pour moi, elle représente cette surféminité, cette élégance intemporelle. Elle ressemble aux femmes de ma famille.»

    Tamer Ruggli, qui a mis dix ans à boucler cette première œuvre, s’est lancé entre-temps dans deux autres projets. «Les deux traitent de l’homosexualité, l’un dans le monde arabe et l’autre en Italie et en Suisse. J’espère commencer à tourner en 2025.»

    "Retour en Alexandrie", à l'affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 31 janvier.

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  • Grand écran: dans "Zone Of Interest", Jonathan Glazer filme l'horreur de la Shoah sans jamais la montrer. Absolument glaçant blogspirit

    Le titre s’efface lentement pour laisser place, pendant de longues minutes, à un écran noir. Des sons organiques, oppressants.  Et puis la lumière, le soleil, le gazouillis des oiseaux, les joies de la baignade dans la rivière. C’est dans ce décor bucolique qu’on découvre le commandant d’Auschwitz Rudolf Höss, sa femme Hedwig et leurs cinq enfants. 

    Entre pique-nique, pêche à la ligne et balades à cheval, ils mènent une vie idyllique dans leur jolie maison avec vastes jardins fleuris, grande serre et piscine. Mais juste derrière le mur, il y a le pire camp de la mort. Le film, tourné sur place, suit ainsi le quotidien des Höss, petits bourgeois épouvantablement médiocres et ordinaires. 

    Deviner, imaginer, n’est que plus effroyable

    La banalité du mal à l’œuvre. Pour The Zone Of Interest (les 40 kilomètres entourant Auschwitz-Birkenau), adaptation libre du roman de Martin Amis, le Britannique Jonathan Glazer a obtenu le Grand Prix à Cannes l’an dernier. Il a choisi le hors-champ pour raconter l’horreur de la Shoah sans la montrer. 

    Mais il ne nous laisse jamais l’oublier, grâce à la bande-son (musiques composées par  Mica Levi), contrepoint saisissant aux images champêtres. Si on voit de loin le haut des toits des baraquements, la fumée s’échapper, on entend surtout les cris étouffés des prisonniers, les vociférations de leurs tortionnaires, le bruit des trains, des coups de feu, des chiens qui aboient. 

    Deviner, imaginer cette violence indicible n’est que plus effroyable, le film se concentrant sur des scènes de famille, l’école, le ménage, les soucis de Monsieur (Christian Friedel). Fonctionnaire obéissant et zélé qui a vraiment dirigé le camp, il est notamment obsédé par le rendement des fours crématoires.

    Des détails sinistres 

    Et il y a ces détails sinistres. Volontairement ignorante, comme sa progéniture, des atrocités à sa porte, Madame, autoproclamée reine d’Auschwitz (Sandra Hüller), essaie un manteau de fourrure apporté par un domestique juif. Elle fait la moue. L’ourlet est déchiré...

    Elle trie aussi quelques vêtements volés à des détenues, s’amuse en prenant le thé avec des amies, de la découverte d'un diamant si «ingénieusement» dissimulé dans un tube de dentifrice. Tandis que de l’autre côté du mur qu’on ne franchira pas, des milliers de Juifs meurent dans d’horribles souffrances, leurs cendres servant à faire encore mieux pousser les magnifiques fleurs devant lesquelles s’extasie Hedwig, son bébé dans les bras. Elle aime tellement son confortable chez-soi qu’elle refusera de suivre son mari à Berlin, après une promotion.   

    On retiendra enfin deux scènes tournées en vision nocturne, où une fillette sème de la nourriture sur les chantiers où les prisonniers sont obligés de travailler comme des forcenés. Un trait d’humanité déchirant qui contribue à rendre l’ensemble absolument glaçant. Mais aussi immensément nécessaire.  

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 31 janvier. 

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