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Sorties de la Semaine - Page 3

  • Grand écran: dans "Zone Of Interest", Jonathan Glazer filme l'horreur de la Shoah sans jamais la montrer. Absolument glaçant blogspirit

    Le titre s’efface lentement pour laisser place, pendant de longues minutes, à un écran noir. Des sons organiques, oppressants.  Et puis la lumière, le soleil, le gazouillis des oiseaux, les joies de la baignade dans la rivière. C’est dans ce décor bucolique qu’on découvre le commandant d’Auschwitz Rudolf Höss, sa femme Hedwig et leurs cinq enfants. 

    Entre pique-nique, pêche à la ligne et balades à cheval, ils mènent une vie idyllique dans leur jolie maison avec vastes jardins fleuris, grande serre et piscine. Mais juste derrière le mur, il y a le pire camp de la mort. Le film, tourné sur place, suit ainsi le quotidien des Höss, petits bourgeois épouvantablement médiocres et ordinaires. 

    Deviner, imaginer, n’est que plus effroyable

    La banalité du mal à l’œuvre. Pour The Zone Of Interest (les 40 kilomètres entourant Auschwitz-Birkenau), adaptation libre du roman de Martin Amis, le Britannique Jonathan Glazer a obtenu le Grand Prix à Cannes l’an dernier. Il a choisi le hors-champ pour raconter l’horreur de la Shoah sans la montrer. 

    Mais il ne nous laisse jamais l’oublier, grâce à la bande-son (musiques composées par  Mica Levi), contrepoint saisissant aux images champêtres. Si on voit de loin le haut des toits des baraquements, la fumée s’échapper, on entend surtout les cris étouffés des prisonniers, les vociférations de leurs tortionnaires, le bruit des trains, des coups de feu, des chiens qui aboient. 

    Deviner, imaginer cette violence indicible n’est que plus effroyable, le film se concentrant sur des scènes de famille, l’école, le ménage, les soucis de Monsieur (Christian Friedel). Fonctionnaire obéissant et zélé qui a vraiment dirigé le camp, il est notamment obsédé par le rendement des fours crématoires.

    Des détails sinistres 

    Et il y a ces détails sinistres. Volontairement ignorante, comme sa progéniture, des atrocités à sa porte, Madame, autoproclamée reine d’Auschwitz (Sandra Hüller), essaie un manteau de fourrure apporté par un domestique juif. Elle fait la moue. L’ourlet est déchiré...

    Elle trie aussi quelques vêtements volés à des détenues, s’amuse en prenant le thé avec des amies, de la découverte d'un diamant si «ingénieusement» dissimulé dans un tube de dentifrice. Tandis que de l’autre côté du mur qu’on ne franchira pas, des milliers de Juifs meurent dans d’horribles souffrances, leurs cendres servant à faire encore mieux pousser les magnifiques fleurs devant lesquelles s’extasie Hedwig, son bébé dans les bras. Elle aime tellement son confortable chez-soi qu’elle refusera de suivre son mari à Berlin, après une promotion.   

    On retiendra enfin deux scènes tournées en vision nocturne, où une fillette sème de la nourriture sur les chantiers où les prisonniers sont obligés de travailler comme des forcenés. Un trait d’humanité déchirant qui contribue à rendre l’ensemble absolument glaçant. Mais aussi immensément nécessaire.  

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 31 janvier. 

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  • Grand écran: "La Couleur pourpre", dur combat d'une femme saccagée, sauvée par sa résilience et son courage

    En 1986, Steven Spielberg faisait pleurer la planète avec La Couleur pourpre., captivante et fidèle adaptation du roman d'Alice Walker, première femme afro-américaine à être couronnée par le célèbre Prix Pulitzer. En 2005, le livre devient une comédie musicale à Broadway. La version 2024 en est la transposition sur grand écran, mise en scène par  Blitz Bazawule  Emmenée par Fantasia Barrino (Celie), elle-mêle chant et danse aux dialogues.  

    On connaît l’intrigue. Celie Harris est une jeune noire vivant dans le sud américain ségrégationniste en 1900. Abusée par son père, privée de ses enfants à leur naissance, elle est mariée de force à  « Monsieur », un fermier d’une rare brutalité qui va la séparer sadiquement de Nettie, sa sœur adorée. Sur quarante ans, on suit le déchirant combat de Célie face aux violences physiques, sexuelles et aux pires humiliations que ce barbare lui fait subir. Elle finira par se révolter.

    Absence de pudeur et étalage de bons sentiments

    On peut être séduit par le spectacle flamboyant, la mise en scène enlevée, les performances des artistes et leur interprétation. Mais ce visuel clinquant, les beaux costumes, les chorégraphies brillantes et joyeuses nuisent à la force d’un récit noir et cruel. En fait, bien que misant sur les luttes et la solidarité féminines, cette comédie musicale proprette,  remake somme tout inutile, ne rend pas compte de l’aspect dramatique de cette tragique histoire. 

    La Couleur pourpre 2024 tend ainsi à gommer la misère et la dureté sociales qu’avait si bien réussi à nous faire ressentir Spielberg. A l'image de l’excellente Whoopi Goldberg, bouleversante et inégalable dans le rôle de cette femme saccagée,  qui s’en sortira à force de résilience, de courage et d’énergie. On regrettera par ailleurs une absence de pudeur et un étalage éprouvant de bons sentiments. 

    A l'affiche dans les salles de Suisse romande depuis mercvredi 24 janvier. 

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  • Grand écran: "Le voyage à Eilat" réunit un père et son fils au cours d'un road-trip émouvant et drôle dans un Israël méconnu

    Albert, septuagénaire acariâtre et énervant, lance un défi stupide au cours d’une soirée bien alcoolisés. Il parie une bouteille de whisky qu’il peut traverser le pays du nord au sud.  en moins d’une semaine au volant d’un  tracteur rouge roulant à 35 km à l’heure.  Il embarque dans cette aventure vers Eilat son fils Ben, 35 ans, qui était juste venu le voir dans son kibboutz pour lui demander  une signature, dans le but de récupérer un appartement spolié lors de la deuxième Guerre mondiale à Varsovie.

    Ben, qui déteste son père se montre plus que réticent à l’accompagner dans ce road trip improbable. Alors que le film s’ouvre sur une scène à la fois dramatique et burlesque où il s’agit de décrocher un vieil homme de l’arbre où il s’est pendu, une série d’événements et de rencontres avec toutes sortes de personnages, dont celle du demi-frère de Ben, un religieux qui ne veut plus adresser la parole à son père, va marquer le parcours de ce duo insolite. 

    Un film très israélien mais également universel

    Avec ce road trip émouvant, drôle, complexe qui a décroché beaucoup de prix dans les festivals, le réalisateur israélo-franco-suisse Yona Rozenkier, évoque une société divisée dans un pays plein de préjugés qu’on  ne voit jamais. Et permet à un fils et son père, faux bouffon alcoolique croyant en la bonté de l’humanité,. d’apprendre à se connaître et de finir par s’aimer. Un film très israélien mais aussi universel. Les problèmes de famille, il y en a partout dans le monde. ,

    De passage à Genève, Yona Rozenkier nous apprend qu’il était fermier dans un kibboutz jusqu’à l’âge de 27 ans. «Je plantais des bananes. Mais  le cinéma était un rêve depuis longtemps. D’abord, j’étais amoureux de Sharon Stone et je voulais devenir acteur. Finalement, je me suis lancé dans la réalisation après avoir suivi des cours à l’université de Tel-Aviv. Mais . Mais j’étais paresseux et j’ai mis douze ans à décrocher mon diplôme  Le voyage à Eilat est mon deuxième long métrage.» 

    Ce périple en tracteur fait bien sûr penser à Une histoire vraie de David Lynch où un vieil homme part retrouver son frère en tondeuse à gazon. 

    C’est effectivement un hommage à David Lynch, mon réalisateur préféré. Et je précise que le tracteur est celui de mon kibboutz. Il symbolise le vieux pays. Je voulais faire un film dans un Israël méconnu, les lieux oubliés dans le désert. Le cinéma israélien  est centré sur les grandes villes. J’ai essayé, pour les dénoncer, de jouer avec les préjugés qui existent entre les différentes communautés, éthiopiennes ,géorgiennes, palestiniennes, russes, chacune s’enfermant pour regarder et critiquer l’autre. Le pays souffre beaucoup de cela.  Et aussi de racisme, qui pour moi est la pire des choses. 

    Il y a un côté autobiographique.

    Oui, dans la mesure où jouent mes deux vrais frères. Et le personnage du père est inspiré par le mien, un juif polonais très militant. Dans le film, il raconte des histoires et Ben pense que ce sont de gros mensonges. En réalité tout lui est plus ou moins arrivé. J’avais plutôt de bons rapports avec mon père, mais il était un peu difficile. Il a eu une enfance très dure. Il est né dans une catacombe. Il a dû se cacher pendant la Shoah. Mais cela ne l’a pas empêché de nous enseigner la foi dans la bonté humaine. Ce film, qui montre également la beauté d'Israël,  est une lettre d’amour que je lui envoie. 

    Vous évoquez le poids de la religion à travers la visite au demi-frère de Ben, qui ne veut plus voir son père.

    En effet, la société devient de plus en plus religieuse en Israël  A la base, le conflit était  laïque, sur le droit de deux peuples à avoir une terre. Là c’est de la folie. Pour moi  la violence  qui a commence avec le 7 octobre n’est due qu’à des extrémistes religieux. Je ne vois que du danger là-dedans. Il faut revenir aux origines.

    Puisque vous parlez de cette tragédie, comment la vivez-vous ?

    Chaque jour est plus terrible que le précédent.  Mais je reste optimiste. Cela renforce ma croyance en la paix, en l’humanisme. A la fin les gens des deux côtés vont comprendre que la seule solution est celle de deux pays pour deux peuples. Mais la question est évidemment quand cela v a-t-il arriver?

    Le voyage à Eilat, à l'affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 24 janvier.

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