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Sorties de la Semaine - Page 3

  • Grand écran: "Trois kilomètres jusqu'à la fin du monde" raconte l'homophobie ordinaire. Puissant

    Un simple baiser et la violence se déchaîne. On peine à croire qu’on est en 2024 en découvrant cette histoire. Pourtant elle se déroule bien aujourd’hui, dans un village de pêcheurs à l’embranchement du delta du Danube. Un lieu idyllique, un peu isolé mais prisé des touristes. Se mêlent ainsi mode de vie urbain et traditions rurales, l’espace d’un été.  
     
    C’est dans ce petit paradis que sont tapies la haine, l’ignominie et l’intolérance crasse. Adi, 17 ans (Ciprian Chiujdea), revenu passer les vacances dans sa famille, sort un soir avec une copine en boîte. Il rencontre un garçon qui le raccompagne chez lui. Ils s’embrassent et au matin, le père découvre son fils le visage et le corps salement amochés. L’adolescent lui avoue avoir été brutalement agressé par des jeunes.  
     
    Jusqu'à l'exorcisme
     
    Emmené eu commissariat pour une déposition, ce qu’Adi redoutait arrive. Son homosexualité est dévoilée. L’enquête est vite bouclée. Le père (Bogdan Dumitrache) et le chef de police (Valeriu Andriuta) retrouvent les deux voyous, qui avouent leur crime sans vergogne, vu qu’ Adi “est un pédé”. Le malheureux va alors vivre un enfer au sein d’une famille et d’une société terriblement rétrogrades, où tous se liguent pour étouffer l’affaire. Ses parents ne le regardent plus comme avant. A leur demande, un prêtre va jusqu’à l’exorciser pour éviter le scandale et la honte.
     
    Sa critique glaçante de l’homophobie ordinaire sur fond de corruption et de loi du silence, a valu à Emanuel Parvu la Queer Palm en mai dernier à Cannes. Il captive et bouleverse par sa mise en scène efficace, simple, sobre, presque distante, de cette œuvre portée par d’excellents comédiens.
     
    Il s‘agit du troisième long métrage du réalisateur, scénariste, acteur (notamment dans « Baccalauréat » de son compatriote Cristian Mungiu), né à Bucarest en 1979. Coécrit avec Miruna Berescu, le film part d’un abject fait divers datant d’une dizaine d’années. Une jeune fille avait été violée par sept hommes dans un village perdu de Roumanie. La communauté entière s’était retournée contre elle.
     
    Pour Emmanuel Parvu, c’est à travers l’amour et la compréhension qu’on parvient à bâtir une meilleure société pour les générations futures. Il ajoutait en substance, lors de la présentation du film en compétition sur la Croisette, qu’on peut s’ouvrir plus largement à ceux qui se sentent en minorité, indépendamment de la couleur de peau, des origines, de la religion, de l’orientation sexuelle
     
    Sortie dans les salles de Suisse romande, mercredi 23 octobre.
     

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  • Grand écran: Alain Giraudie filme le désir dans "Miséricorde", un polar rural mystique. Interview

    Après l’hédoniste Inconnu du lac, le délirant Rester vertical et le loufoque Viens je t’emmène, unanimement acclamés par la critique, Alain Guiraudie revient sur sa terre natale aveyronnaise avec son septième long métrage, le non moins remarquable Miséricorde.

    Dans ce polar rural et mystique qui flirte avec la comédie burlesque, on suit le déroutant Jérémie (Félix Kysyl). Après dix ans à Toulouse, il retourne dans son village de Saint Martial pour l’enterrement du boulanger, son ancien patron. Il retrouve sa sympathique veuve, Martine (Catherine Frot), qui l’accueille affectueusement. Trop pour son fils Vincent (Jean-Batiste Durand), garçon jaloux aux pulsions violentes avec lequel Jérémie était ami. Ce dernier profite aussi de son bref séjour pour rendre visite au voisin Walter (David Ayala), autre ami plus âgé, gros nounours solitaire avec qui il a toujours eu envie de coucher. Va s’immiscer dans ce petit cercle le curé du village (Jacques Develay), un drôle de maître-chanteur aux intentions plus ou moins avouables.
     
    Le retour inopiné de Jérémie sème la zizanie. Alors que jalousie, rancœur, vieilles blessures, non-dits, désirs réprimés et relation trouble remontent, la tension s’accroît jusqu’à la disparition mystérieuse de Vincent. Ce qui donne lieu à une enquête policière, sur fond de cueillette de champignons. Prétexte, pourquoi pas, à un plan cul…

    Si Alain Guiraudie propose une vraie énigme à résoudre, il y met évidemment sa griffe particulière, son humour noir décoiffant, son côté absurde, son inventivité, sa malice, son audace, sa liberté de ton. Une grande réussite sublimée par la parfaite interprétation de tous les protagonistes, dont la désarmante Catherine Frot et l’ineffable Jacques Develay, bite conquérante au vent…
     
    «Un désir suspendu, éternel, se régénérant de lui-même»

    À l’occasion d’un entretien téléphonique, le très chaleureux Alain Guiraudie, cinéaste atypique qui sort parallèlement son roman Pour les siècles des siècles, nous en dit plus sur la genèse de son projet. «J’ai procédé comme avec tous mes films. Je brasse des choses, des fantasmes, je mixe l’intime et l’universel, avec les influences que j’ai subies. Miséricorde s’accorde à mes désirs Et puis j’avais envie de filmer l’automne. C’est la saison qui convient le mieux.»

    Vous montrez l’érotisme sans acte sexuel.

    Il y a une idée de ça en effet. Un désir qui ne s’assouvit pas dans la sexualité. Il est suspendu, éternel, se régénère de lui-même. Je suis ainsi plus proche de la réalité. Souvent l’amour n’est pas réciproque. Il y a donc ce mélange d’être plus conforme et d’essayer de développer cet érotisme
     
    Pourquoi ce titre, «Miséricorde»?

    Je trouve qu’il va super bien. Je l’ai trouvé assez vite. C’est un terme chrétien, intemporel. Un concept de pardon, d’empathie de compréhension. J’aime son côté désuet. C’est le mot qui me paraissait le mieux désigner un élan vers l’autre, de dormir avec lui, sans forcément coucher. C’est une vertu religieuse mais c’est aussi un sentiment humain, très fort de vouloir faire du bien à autrui.

    Il est beaucoup question de religion. Vous dites d’ailleurs avoir de la tendresse pour les curés.

    Je suis plus métaphysique que religieux. Quant à la tendresse pour les curés, c’est vrai Pour deux raisons. Consacrer sa vie à quelqu’un, faire une croix sur sa vie. Figurez-vous que j’aurais pu être prêtre. En outre c’était une échappatoire, voire le salut pour les homosexuels à la campagne. A la ville également, mais moins. Il s’agit d’un vrai refuge, ce sacerdoce. Pas d’obligation de se marier, pouvoir se mettre en robe. Les curés et les bonnes sœurs vivent une passion qui ne s’accomplit pas dans le sexe. Mais il y a une dimension érotique dans la religion catholique.

    Drame, comédie, enquête policière, vous êtes à la frontière des genres.

    Oui, il y a en plus une affaire à résoudre, mais en forme de polar trivial assorti de hautes questions morales. On s’arrange avec notre conscience, avec les gens qui dorment dans la rue, avec le massacre du Hamas, les bombardements à Gaza…

     Parlons des comédiens, notamment de Catherine Frot. Elle s’est elle-même dite étonnée que vous l’ayez appelée. Vous faites plutôt tourner des acteurs et actrices peu connu·e·s. Qu'est-ce qui vous a séduit chez elle?

     Je n’ai rien contre les stars, mais je leur trouve rarement des rôles. Je crains que l’on ne voie que la vedette derrière. Catherine Frot, pourtant, je l’avais dans la tête. Elle me charme  par son côté femme-enfant. Mais j’ai cherché un peu partout avant de me décider. .Ce n’est pas quelqu’un à qui on propose de lire un scénario pour rien. Elle m’a convaincu. Nous nous sommes mis d’accord sur deux ou trois trucs. Elle a vite compris que je ne cherchais pas quelqu’un qui vienne faire son numéro.

    Et qu’en est-il du choix du lieu?

    Je connaissais le village. Il m’avait plu car il était complètement à l’abandon. Quand j’ai commencé le film j’y ai repensé comme à celui de mon enfance. J’y suis retourné et il avait été complètement retapé. Mais en gardant son atmosphère avec des maisons anciennes. C’est un village intemporel, un village de contes.

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 16 octobre.

     

     

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  • Grand écran: Claude Barras revient avec "Sauvages", fable écolo magique et visuellement grandiose.

    Il nous avait séduit et ému avec Ma vie de Courgette il y a huit ans déjà, il nous captive à nouveau avec Sauvages en mettant en scène Kéria, une petite fille qui lutte contre le massacre d’une forêt tropicale ancestrale à Bornéo. par d’infâmes individus uniquement préoccupés à se remplir les poches.

    La gamine recueille Oshi un bébé singe craquant, orphelin comme elle, dans la plantation de palmiers à huile où travaille son père. Dans la foulée, son jeune cousin Selaï vient se réfugier chez eux pour échapper au conflit qui oppose sa famille aux compagnies forestières. Ensemble, Kéria, Selaï et Oshi vont affronter l'ennemi en bravant tous les obstacles.

    En s’initiant au militantisme écologiste, Kéria découvre un secret que lui a caché son père, craignant de la voir tomber dans l’engagement radical qui a coûté la vie à sa mère. Avec ce double récit initiatique, Claude Barras veut alerter le jeune public (mais pas que) en le sensibilisant aux dangers et aux horreurs que l’on fait courir à la planète. Susciter chez lui de l’espoir et lui montrant que la résistance n’est pas forcément vouée à l’échec. En évitant le rabâchage pénible, l’infantilisation débile et le moralisme stérile.  

    Entièrement tournée en stop motion dans une ancienne halle industrielle de Martigny, cette fable écologique poétique, magique, est un petit chef d’œuvre d’animation. Visuellement grandiose, elle est réalisée avec un souci du détail impressionnant, Claude Barras n’élude pas la violence et la mort qui rôdent autour de ses irrésistibles et adorables marionnettes aux yeux qui leur mangent le visage. A commencer par Kéria, jeune héroïne impertinente, déterminée et et courageuse, qui nous laisse découvrir une jungle foisonnante à la fascinante  beauté menacée.

    A l'affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 16 octobre.

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