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le blog d'Edmée - Page 22

  • Grand écran: "All Shall Be Well", drame queer montrant les préjugés et l'injustice derrière une apparente tolérance

    Ancien avocat, directeur du Lesbian and Gay Festival de Hong Kong, le réalisateur et scénariste Ray Yeung privilégie un cinéma mettant en lumière des personnages plutôt rares à l’écran. Après Suk Suk (2019), évoquant une relation homosexuelle entre deux protagonistes âgés, il revient avec All Shall Be Well, film au titre ironique où il suit un couple de lesbiennes dans la soixantaine. 

    Plutôt aisées, Pat (Maggie Li) et Angie (Patra Au) sont ensemble depuis trente ans, ce que personne n’ignore. Ray Yeung commence par nous les montrer dans leur qutidien. Elles possèdent un confortable appartement, acquis à l'époque. Elles aiment la nature se promener, faire la cuisine. Dynamique, Pat envisage de créer en ligne de mode pour seniors. Ce soir-là, elles se préparent pour la Fête de la lune, où elles dîneront en compagnie de la famille de Pat, qui les aime beaucoup et à laquelle elles donnent généreusement des coups de main, vu que ses membres ne roulent pas sur l’or.

    Et puis, c’est le drame. Dans la nuit, Pat meurt subitement sans laisser de testament. Tout s’effondre pour sa compagne. À la douleur immense de perdre sa bien-aimée, s’ajoute la perte de ce qu’elle possédait, l’héritage au complet – y compris l’appartement – revenant à la famille. Les relations se dégradent du jour au lendemain. Dès lors, Angie, simplement considérée comme une meilleure amie, est mise de côté. Totalement dépendante, elle n’a plus son mot à dire sur rien, ne sait même plus où aller.

    Dans cette œuvre parfaitement incarnée par Maggie Li et Patra Au, Ray Yeung décrit avec sensibilité et justesse la situation de ses deux principales interprètes, surtout l’injustice et les préjugés dont est victime la malheureuse Angie dans une société où le mariage gay n’existe pas. Non seulement dépouillée sur le plan matériel, mais privée de toute dignité dans une identité bafouée.

    «Je voulais que le public s’identifie à la famille»

    Rencontré à Genève, le lauréat du Teddy Award à la Berlinale 2024 nous raconte que l’idée de son film lui est venue lors d’un débat sur les droits LGBTQIA+ à Hong Kong, niés en matière d’héritage. L’intervenant, un avocat, avait évoqué des cas de personnes qui ont vécu ensemble de longues années et qui, à la suite du décès de leur partenaire, ont tout perdu. «J’en ai interviewé quelques-unes, qui m’ont raconté leur histoire. Ce qui m’a particulièrement frappé, c’est la rapidité de la détérioration des relations avec la famille. Alors que tous se connaissaient depuis longtemps, étaient au courant de la situation, partaient même en vacances ensemble. Cela m’a beaucoup choqué et j’ai alors eu envie d’écrire une histoire sur ce manque de protection».

    Vous dites avoir eu connaissance de cas beaucoup plus dramatiques que celui raconté dans le film. Mais vous avez choisi la nuance.

    En effet. Je ne désirais pas montrer des monstres. En réalité, le conflit était latent. En dépit des apparences, la relation entre Angie et Pat n’était pas vraiment acceptée. Et dès la mort de cette dernière, tout change et s’accélère. La famille veut récupérer au plus vite ce qui lui revient de droit. Notamment l’appartement. Les prix sont tellement élevés, que les gens dans le film ne pourraient jamais s’en offrir un pareil. Comment réagirions-nous à leur place? C’était ça qui m’intéressait avant tout. Que le public s’identifie à un membre de la famille, qu’il se demande: «Qu’est-ce que je ferais si j’étais dans cette situation? Suis-je homophobe ou non?»

    C’est aussi terrible pour Angie en ce qui concerne les funérailles. Personne ne l’écoute quand elle dit que Pat souhaitait reposer en mer.

    Là encore, les droits vont à la famille. Angie n’est que sa meilleure amie. Elle est mise de côté lors de la cérémonie. J’en ai fait moi-même l‘expérience lors d’un enterrement où tout le monde, hormis des proches, étaient relégués au fond de la salle.

    Le malheur qui frappe  Angie peut arriver à tout le monde, mais plus précisément dans son cas. Pourquoi n’ont-elles pas été se marier à l’étranger?

    Parce qu’à Hong Kong le mariage gay n’est pas légal. Même si vous êtes mariés à l’étranger., vous n’avez pas les mêmes droits qu’un couple hétéro. Vous pouvez aller au tribunal, mais c’est un processus difficile et sans aucune garantie, alors que vous êtes submergés par le chagrin.

    Pourquoi Pat n’a-t-elle pas fait de testament?

    J’ai posé la question aux gens que j’ai interviewés. Comment protégez-vous votre partenaire? «Oh, ma sœur saurait ce que je veux», m’a dit une femme. Et puis, si Pat ne le fait pas, c’est aussi par superstition. C’est dans la culture chinoise. Il y a la crainte de mourir trop tôt si on parle de la mort, si on fait un testament.

    L’homosexualité a été dépénalisée en 1991 à Hong Kong. Mais comment va la vie queer aujourd’hui?

    Les choses évoluent. La ville est tolérante. Soixante pourcent des gens sont même pour le mariage homosexuel. Mais ce n’est pas gagné. Le gouvernement pro-Pékin se fait tirer l’oreille. Il va d’ailleurs à l’encontre de la reconnaissance des droits des couples de même sexe par la justice, qui leur a toutefois refusé le mariage. Alors on attend.

    A l'affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 30 octobre.

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  • Grand écran: habité, Tahar Rahim plus vrai que nature dans "Monsieur Aznavour"

    Disons-le tout de suite, Tahar Rahim, 43 ans, découvert et douvlement csarisé dans Un prophète de Jacques Audiard, en 2009, pus vrai que nature en Charles Aznavour. dans le film  de Mehdi Idir et Grand Corps Malade. Il faut dire qu'il s’est donné à fond pour se glisser dans la peau due l’artiste.  Outre une étonnante ressemblance physique à coups de maquillage et de prothèses sous les paupières, les yeux, autour du nez, d'une gouttière pour reproduire la fameuse lèvre inférieure proéminente, il s’est employé à restituer au plus près les mimiques, la gestuelle, les mouvements, la gestuelle du chanteur.

    Mais ce n’était pas assez. Tahar Rahim a placé la barre encore plus haut, en décidant de ne pas être doublé pour les scènes chantées. Il a donc pris six à huit heures de cours de chant par semaine pendant six mois. C’est donc sa voix que l’on entend. Sauf dans les aigus où elle a été mixée avec celle de son icône. Le résultat est si bluffant que la performance mérite d’être saluée. On lui prédit d’ailleurs déjà de décrocher un nouveau César.

    Si Tahar est habité, on n’en dira pas autant des autres comédiens, à part Marie-Julie Baup, qui se révèle en Edith Piaf, ni de la réalisation, dont la platitude déçoit. Trop classique, ce biopic divisé en chapitres raconte, chronologiquement et par le menu, un destin hors norme. Celui de ce petit-fils d’émigrés arméniens, né en 1924 à Paris, élevé avec sa sœur par des parents pauvres, mais chaleureux. Et  devenu, en dépit d’un physique quelconque, d’une voix nasillarde et voilée, un  monument de la chanson française. Il lui en aura pourtant fallu du temps! Et il aura une sacrée revanche à prendre..  

    Vie et carrière mouvementées

    De l'enfance à l'âge mûr, on suit donc cet homme dans les divers événements qui ont marqué sa vie et sa carrière mouvementées. Les auteurs s'attardent sur les années où leur héros il mangeait de la vache enragée, comme l’avait souhaité Aznavour. Après la Seconde Guerre mondiale,  le jeune Charles se lance dans le music-hall en compagnie de Pierre Roche, avec lequel il connaît quelques succès au Canada. Mais ça ne dure pas
     
    Rentré en France, les choses ne s’arrangent pas. Aznavour doit se contenter de servir de confident et de chauffeur à la capricieuse Edith Piaf qui ne le ménage pas. Avide de prendre son envol, il va de bide en fiasco, se produisant dans des salles quasi vides, maltraité par la critique qui se moque de sa voix et de son physique de gringalet. Mais Aznavour s’acharne, Et puis enfin, à force de persévérance,  cet homme parti de rien atteindra le graal. en alignant les tubes qui scandent le long métrage:  J'me voyais déjà , qui l’a lancé,  La Bohème,  Emmenez-moi,  Les comédiens,  Hier encore…. 
     
    Avec  Monsieur Aznavour  agréé par les héritiers, naviguant entre hagiographie et restitution historique, les auteurs brossent le portrait d’un éternel insatisfait, obsessionnel, névrosé, prêt à tout sacrifier pour arriver, y compris les siens. Et accessoirement âpre au gain. Ce qui n’en fait pas, à l’insu de leur plein gré en somme., un personnage pas particulièrement sympathique…

    A l'affiche dans  les salles de Suisse romande depuis mercredi 23 octobre.

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  • Grand écran: à travers la transidentité, "Close To You" explore la complexité des relations humaines

    Sam y pensait depuis des semaines. Finalement, il prend la décision courageuse de se rendre à l’anniversaire de son père, qu’il n’a pas revu, ainsi que es autres membres de sa famille, depuis son départ à Toronto et sa transition quatre ans auparavant. .A bord du train qui  l’emmène dans sa ville natale, près du lac Ontario, il croise par hasard Catherine (Hilary Baack), une amourette de collège. Depuis lors, Ils se sont perdus de vue.
     
    On papote, on se souvient, on se demande des nouvelles. Catherine est mariée, a deux enfants. Des sentiments enfouis remontent. Elle dit penser souvent à lui, ce qui fait plaisir à Sam. A son mari venu la chercher à la gare, elle avoue avoir été émue par cette rencontre fortuite. «C’était intense. A l’époque nous étions proches». On suppose alors que quelque chose de nouveau pourrait se produire…
     
    De son côté, Sam s’apprête à rejoindre ses proches. Contrairement à la joie éprouvée en revoyant  Catherine, Il redoute ces retrouvailles familiales, les conflits, le malaise, les jugements, les non- dits que risque de provoquer sa nouvelle identité. Il est persuadé d’être une déception pour ses parents «Pour eux, je suis un raté», confiait-il à sa logeuse avant de prendre son train.
     
    Ses craintes semblent vaines. Quoique. Certes, il  est chaleureusement accueilli par une maman aimante, un papa ouvert. Mais il y a quelque chose de forcé, d’hypocrite dans cette affection, cette tolérance. Sam ne se sent pas vraiment aimé pour ce qu’il est devenu. Sa mère se trompe, s’adressant à «elle», pour se reprendre aussitôt, confuse. Son père en fait trop dans l’empathie, ce qui souligne la différence. Et puis il y a des failles, de la gêne, le sectarisme du beau-frère. Du coup il règne comme un climat anxiogène.
     
    C’est l’intérêt de Close To You ,qui ne se réduit pas à la transidentité, même s’il s’agit du point de départ. Son réalisateur britannique Dominic Savage, qui a audacieusement misé sur des dialogues non écrits à l’intérieur d’un scénario détaillé, évoque surtout la grande complexité des sentiments et des relations humaines, cette rancœur chez Sam qui a quitté le cocon familial, lui reprochant de ne pas s’être inquiété de lui quand il allait mal.
     
    Le talentueux acteur canadien transgenre Elliot Page (anciennement Ellen), militant pour la cause et célèbre pour ses interprétations sur petit et grand écrans, se coule à merveille dans ce rôle de Sam où il se met carrément à nu. Habité, il porte le film sur ses épaules, bouleversant par son intensité, son authenticité, sa fragilité, sa vulnérabilité, son besoin d’être en paix avec lui-même et les siens.
     
    Un petit regret toutefois. On reprochera au film de ne pas être entièrement à l’unisson avec son personnage principal. Si son auteur réussit à créer une réalité pleine de tensions et d’émotions grâce à l’improvisation bien maîtrisée de ses protagonistes pendant une grande partie de l’oeuvre, il a tendance à tourner en rond vers la fin. Tout en tombant paradoxalement dans une forme d’abstraction.
     
    Sortie dans les salles de Suisse romande dès mercredi 23 octobre.
     

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