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  • Grand écran: "Saint-Omer" sonde les abysses de l'infanticide et les ambivalences liées à la maternité

    Le premier long métrage de fiction d’Alice Diop, auteure de documentaires, s’inspire de l’affaire Fabienne Kabou. La Jeune femme sénégalaise, comme elle, avait abandonné sa fille de 15 mois, sur une plage du Nord de la France à marée montante le 19 novembre 2013. .Cette mère infanticide avait été condamnée à 20 ans de réclusion par la cour d’assises de Saint-Omer, peine réduite à 15 ans en appel .

    Fascinée, la réalisatrice reconstitue le procès à partir du verbatim des audiences, mais s’autorise quelques libertés. Elle rebaptise l’accusée Laurence Coly (Guslagie Malanda, photo) et introduit une écrivaine noire, Rama (la Genevoise (Kayije Kagame), dont elle fait son double à l’écran. Enceinte de quatre mois et obsédée par le cas, Rama assiste aux débats qui l'ébranlent.  

    Assise au milieu du public, elle écoute, observe la meurtrière, et ne tarde pas à sentir une curieuse proximité avec cette brillante enseignante au parler châtié désarçonnant. Une empathie à l’évidence partagée par les femmes, filles ou mères présentes, quand Laurence Coly, Médée contemporaine, dit avoir été victime d’une grosse dépression. Se prétendant par ailleurs sous influence de maraboutage et de sorcellerie, pour tenter d’expliquer l’inexplicable. «Je ne comprends pas. J’espère que ce procès pourra me l'apprendre… », 

    Parfaitement interprété, cet opus troublant prêtant à réflexion, coécrit avec Marie Ndiaye, explore les abysses de l’infanticide tout en évoquant les sentiments contradictoires ou opposés concernant la maternité. Côté mise en scène, Alice Diop installe un dispositif simple, en champ-contrechamp. Rigoureux, froid, il fait en quelque écho au geste glaçant d’une accusée à la fois mystérieuse, détachée et brisée. 

    Lauréat du Grand Prix du jury à la Mostra de Venise, plébiscité par une immense majorité de la critique, Saint-Omer a été choisi pour représenter la France aux Oscars. Il a également décroché le Reflet d'or du meilleur long métrage au Geneva International Film Festival ( GIFF). En dépit de ce triomphe, on a des réserves, la cinéaste recherchant trop notre adhésion inconditionnelle pour nous convaincre. 

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 30 novembre.

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  • Grand écran: "She Said", formidable hommage aux victimes de Weinstein, qui ont enfin osé raconter leur calvaire

    Le film était très attendu. Cinq ans après l’affaire Harvey Weinstein, le producteur condamné en 2020 à 23 ans de prison pour avoir violé et sexuellement agressé nombres de femmes, Maria Schrader revient sur cet énorme scandale. Il a non seulement bouleversé l’industrie hollywoodienne, mais également secoué et changé la société.  

    La réalisatrice s’est inspirée de l’enquête des journalistes Jodi Kantor et Megan Twohey sur le sujet, publiée pour la première fois dans le New York Times le 5 octobre 2017, ainsi que du livre de Rebecca Lenkiewicz paru quelques années après. Le bouquin et le papier participeront par ailleurs au déferlement mondial de la vague MeToo.  

    Comédiennes parfaites 

    Cet excellent thriller d’investigation à la mise en scène sobre, sans images complaisantes, racoleuses ou violentes, s’inscrit dans la lignée d’un opus comme Spotlight qui dévoilait les agissements criminels, par une équipe du Boston Globe, de prêtres pédophiles couverts par l’Eglise catholique.

    She Said met en scène Zoe Kazan (Jodi Kantor) et Carey Mulligan (Megan Twohey), amies et complices qui s’associent pour mener l’enquête, suite au récit d’une victime de Weinstein. Les deux comédiennes sont parfaites dans leur incarnation de journalistes très impliquées dans leur boulot. Elles nous entraînent pendant plus de deux heures, sans qu’on s’ennuie une seconde, dans leurs inlassables recherches pour dénoncer les viols et abus sexuels s’étalant sur des décennies, d’un magnat pourri.

    Portées par la solidarité

    Investies d’une véritable mission, pleines d’empathie, elles se battent pour aider les victimes à témoigner, s’attellent à dénicher des documents, des preuves, tout en contournant les accords de confidentialité et (ou) financiers destinés à les réduire au silence. Accessoirement, Maria Schrader propose quelques incursions dans leur vie privée, notamment dans celle de Megan Twohey, qui lutte contre une dépression post partum. 

    Davantage qu’un film sur Weinstein, dont le personnage est montré de dos à l’occasion d’une scène, l’œuvre est un hommage aux femmes qui, portées par la solidarité et la sororité, ont osé faire part de leurs souffrances, libérant enfin une parole longtemps muselée par la peur, la honte, l’intimidation.

    On salue également la restitution à l’écran de l’obstination des deux journalistes, qui leur a valu le prestigieux Prix Pulitzer. Leur travail a conduit à quelque 85 témoignages dont celui d`Ashley Judd, qui joue son propre rôle et de Gwyneth Paltrow, une véritable obsession pour Weinstein.  

    A signaler enfin en marge du film, qu’un deuxième procès s’est ouvert cet automne à Los Angeles où Harvey Weinstein doit répondre de onze chefs d’accusation.

    "She Said", à l’affiche dans les salles de Suisse romande depuis mercredi 23 novembre.

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  • Grand écran: "Les Miens", une affaire de famille avec Roschdy Zem derrière et devant la caméra

    Moussa (Sami Bouajila) est un garçon gentil, affectueux et généreux. Tout le contraire de son frère Ryad (Roschdy Zem) présentateur sportif vedette à la télévision qui a tendance à se prendre pour le centre du monde. Ce que lui reproche sa famille, à part Moussa, qui adore son frangin et le défend toujours bec et ongles quand on le traite d’égoïste.

    Un jour, Moussa fait une mauvaise chute en dansant, tombe dans le coma et se réveille avec une grosse bosse en guise de front. Victime d’un traumatisme crânien, perdu au milieu de ses proches, il se met à leur balancer ses quatre vérités, sans filtre. Disant par exemple à une nièce : «Tes vidéos sont nulles et toi t’es moche». Il en a autant à l'égard des autres, s'emporte contre des traditions aussi absurdes que le fonctionnement du monde d'aujourd'hui et finit par se brouiller avec tout le monde. Sauf avec Ryad à qui il continue de vouer une admiration inconditionnelle.  

    Avec Les Miens, son sixième long métrage, Roschdy Zem, à qui l’on doit des succès comme Omar m’a tuer ou Chocolat, se met en scène dans un film choral intime, racontant la vraie maladie de son propre frère et la façon dont ce dramatique accident a en quelque sorte poussé la fratrie à se repositionner, à remettre en question des relations, ou à renouer des liens distendus.   

    Le scénario est un quatre mains avec Maïwenn que l’on retrouve également devant la caméra et dont on sent indiscutablement la patte.  A la fois dans l’écriture, la vision, voire la réalisation de réunions familiales où on vide son sac, on lave son linge sale  et où les comptes se règlent dans des scènes bouillonnantes, pour ne pas dire hystériques. 

    Rencontré en octobre dernier au Festival corse Arte Mare de Bastia, Roschdy Zem nous en dit plus sur son dernier-né, dont on salue l’interprétation, plus particulièrement celle de Sami Bouajila, excellent. L’œuvre avait été sélectionnée en compétition à la Mostra de Venise.  Une première très flatteuse selon l’auteur, qui a en plus apprécié un regard qu’il estimait plus objectif sur son travail. 

    - Votre film est une sorte de mise à nu. Un besoin ou une envie ?

    -Plutôt une envie de parler de ma famille qui m’est venue pendant le confinement. Je trouvais qu’il y avait des choses dignes d’être racontées et c’était ma façon de dire à chacun combien je l’aime. 

    -Pourquoi avoir choisi de collaborer scénaristiquement avec Maïwenn.

    -On a le même producteur. Mais c’était avant tout pour sa méthode.  On a écrit en simultané. Comme je le dis souvent, j’étais les yeux, elle le cœur. 

    -Vous n’avez rien inventé en évoquant un événement qui est arrivé à votre propre frère. Comment l’avez-vous vécu ? 

    -C’est une maladie très bizarre. Le neurologue m’avait averti des différentes étapes. Somnolence, agressivité verbale, colère brusque, comportement deshinibé, humeur instable, déprime.   Cela dit on ne sait jamais vraiment comment le cerveau va réagir. 

    -Vous vous distribuez dans un rôle où vous ne vous épargnez pas. 

    -En effet, mais c’était aussi important pour moi de raconter ce que peut produire l’argent, la célébrité. Quand on prend trop de place, qu’on écrase les autres, il y a des conséquences. 

    "Les Miens", à l'affiche dans les salles de Suisse romande dès  mercredi 23 novembre. 

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