Grand écran: "She Said", formidable hommage aux victimes de Weinstein, qui ont enfin osé raconter leur calvaire (27/11/2022)

Le film était très attendu. Cinq ans après l’affaire Harvey Weinstein, le producteur condamné en 2020 à 23 ans de prison pour avoir violé et sexuellement agressé nombres de femmes, Maria Schrader revient sur cet énorme scandale. Il a non seulement bouleversé l’industrie hollywoodienne, mais également secoué et changé la société.  

La réalisatrice s’est inspirée de l’enquête des journalistes Jodi Kantor et Megan Twohey sur le sujet, publiée pour la première fois dans le New York Times le 5 octobre 2017, ainsi que du livre de Rebecca Lenkiewicz paru quelques années après. Le bouquin et le papier participeront par ailleurs au déferlement mondial de la vague MeToo.  

Comédiennes parfaites 

Cet excellent thriller d’investigation à la mise en scène sobre, sans images complaisantes, racoleuses ou violentes, s’inscrit dans la lignée d’un opus comme Spotlight qui dévoilait les agissements criminels, par une équipe du Boston Globe, de prêtres pédophiles couverts par l’Eglise catholique.

She Said met en scène Zoe Kazan (Jodi Kantor) et Carey Mulligan (Megan Twohey), amies et complices qui s’associent pour mener l’enquête, suite au récit d’une victime de Weinstein. Les deux comédiennes sont parfaites dans leur incarnation de journalistes très impliquées dans leur boulot. Elles nous entraînent pendant plus de deux heures, sans qu’on s’ennuie une seconde, dans leurs inlassables recherches pour dénoncer les viols et abus sexuels s’étalant sur des décennies, d’un magnat pourri.

Portées par la solidarité

Investies d’une véritable mission, pleines d’empathie, elles se battent pour aider les victimes à témoigner, s’attellent à dénicher des documents, des preuves, tout en contournant les accords de confidentialité et (ou) financiers destinés à les réduire au silence. Accessoirement, Maria Schrader propose quelques incursions dans leur vie privée, notamment dans celle de Megan Twohey, qui lutte contre une dépression post partum. 

Davantage qu’un film sur Weinstein, dont le personnage est montré de dos à l’occasion d’une scène, l’œuvre est un hommage aux femmes qui, portées par la solidarité et la sororité, ont osé faire part de leurs souffrances, libérant enfin une parole longtemps muselée par la peur, la honte, l’intimidation.

On salue également la restitution à l’écran de l’obstination des deux journalistes, qui leur a valu le prestigieux Prix Pulitzer. Leur travail a conduit à quelque 85 témoignages dont celui d`Ashley Judd, qui joue son propre rôle et de Gwyneth Paltrow, une véritable obsession pour Weinstein.  

A signaler enfin en marge du film, qu’un deuxième procès s’est ouvert cet automne à Los Angeles où Harvey Weinstein doit répondre de onze chefs d’accusation.

"She Said", à l’affiche dans les salles de Suisse romande depuis mercredi 23 novembre.

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