Grand écran: "Saint-Omer" sonde les abysses de l'infanticide et les ambivalences liées à la maternité (30/11/2022)

Le premier long métrage de fiction d’Alice Diop, auteure de documentaires, s’inspire de l’affaire Fabienne Kabou. La Jeune femme sénégalaise, comme elle, avait abandonné sa fille de 15 mois, sur une plage du Nord de la France à marée montante le 19 novembre 2013. .Cette mère infanticide avait été condamnée à 20 ans de réclusion par la cour d’assises de Saint-Omer, peine réduite à 15 ans en appel .

Fascinée, la réalisatrice reconstitue le procès à partir du verbatim des audiences, mais s’autorise quelques libertés. Elle rebaptise l’accusée Laurence Coly (Guslagie Malanda, photo) et introduit une écrivaine noire, Rama (la Genevoise (Kayije Kagame), dont elle fait son double à l’écran. Enceinte de quatre mois et obsédée par le cas, Rama assiste aux débats qui l'ébranlent.  

Assise au milieu du public, elle écoute, observe la meurtrière, et ne tarde pas à sentir une curieuse proximité avec cette brillante enseignante au parler châtié désarçonnant. Une empathie à l’évidence partagée par les femmes, filles ou mères présentes, quand Laurence Coly, Médée contemporaine, dit avoir été victime d’une grosse dépression. Se prétendant par ailleurs sous influence de maraboutage et de sorcellerie, pour tenter d’expliquer l’inexplicable. «Je ne comprends pas. J’espère que ce procès pourra me l'apprendre… », 

Parfaitement interprété, cet opus troublant prêtant à réflexion, coécrit avec Marie Ndiaye, explore les abysses de l’infanticide tout en évoquant les sentiments contradictoires ou opposés concernant la maternité. Côté mise en scène, Alice Diop installe un dispositif simple, en champ-contrechamp. Rigoureux, froid, il fait en quelque écho au geste glaçant d’une accusée à la fois mystérieuse, détachée et brisée. 

Lauréat du Grand Prix du jury à la Mostra de Venise, plébiscité par une immense majorité de la critique, Saint-Omer a été choisi pour représenter la France aux Oscars. Il a également décroché le Reflet d'or du meilleur long métrage au Geneva International Film Festival ( GIFF). En dépit de ce triomphe, on a des réserves, la cinéaste recherchant trop notre adhésion inconditionnelle pour nous convaincre. 

A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 30 novembre.

21:19 | Lien permanent | Commentaires (0)