Tour d’horizon aux deux tiers du rendez-vous tessinois. Côté compétition, Abdellatf Kechiche reste àà notre avis prétendant le plus sérieux au Lépoard d’or avec Mektoub Ma Love : Canto Due, dernier volet de sa trilogie sétoise qui propose une intrigue captivante pleine de rebondissements portée comme toujours chez le Franco-Tunisien par d’excellents acteurs.
Ce n’est toutefois pas une garantie absolue de succès, les différents jurys de Locarno ayant souvent le chic de couronner la plus improbable des œuvres. En attendant Yakushima’s Illusion, de la Japonaise Naomi Kawase, le concorso considéré en général comme le parent pauvre du festival, ne s’est guère enrichi pour cette 78e édition.
Certes on y trouve quelques films typiques des habituelles sélections locarnaises, respectables, voire mieux. On pense notamment à White Snail du duo austro-allemand Elsa Kremser et Levin Peter. Il raconte une intrigante histoire d’amour entre un fragile mannequin rêvant de faire carrière en Chine et un employé de la morgue, costaud et plutôt rustique. Intéressant également Solomamma de la Norvégienne Janicke Askevold, dont l’héroïne, découvrant l’identité de son donneur de sperme, invente un faux prétexte pour le rencontrer.
On n’en dira pas autant de Dracula du provocateur Radu Jude, qui nous fourgue, à son habitude ou presque, du grand n’importe quoi, foutraque, criard, kitsch et vulgaire avec son adaptation du premier roman de vampires roumain. On a par ailleurs détesté Le bambine de Valentina et Nicole Bertani, métrage italo-franco-suisse se déroulant en 1997, peuplé de personnages plus antipathiques les uns que les autres . A commencer par les enfants, trois gamines qui s’y entendent pour vous taper sur les nerfs. Un film insupportable, qui en plus se la pète.
Les sauveteurs de Cannes sur la Piazza
En ce qui concerne la Piazza grande, heureusement que les primés cannois sont venus doper le programme. A l’instar de l’Iranien Jafar Panahi, Palme d’or auteur d’Un simple accident. Une oeuvre forte, audacieuse, tournée clandestinement, qui tourne au fascinant dilemme moral doublé d’une attaque frontale contre le régime. Pour sa part, dans l’émouvant Sentimental Value, Le Norvégien Joachim Trier, Grand Prix du jury, explore une relation complexe entre un père et ses deux filles (image ci-dessus), marquées par un passé douloureux. Dans La petite dernière la Française Hafsia Herzi, évoque une jeune banlieusarde, musulmane pratiquante, qui découvre son homosexualité. Révélation dans le rôle, Nadia Melliti a décroché le prix d’interprétation.
C’est Le pays d’Arto, premier long métrage de fiction de l’Arménienne Tamara Stepanyan. qui a ouvert les feux sous les étoiles. Céline (Camille Cottin) se rend en Arménie pour régulariser la mort de son mari. Mais elle découvre qu’il lui a menti pendant des années. Il a fait la guerre, pris une autre identité et est considéré comme déserteur. Camille Cottin propose une interprétation sensible et touchante en entreprenant un voyage dans le passé d’Arto.
Un film plus qu’honorable en regard de certains autres nourrissant de grandes ambitions, mais qui nous ont laissés sur notre faim. Comme The Birthday Party de l’Espagnol Miguel Angel Jimenez. L’histoire se déroule sur une île privée en Méditerranée. On y découvre avec surprise Willem Dafoe, Onassis de pacotille, qui donne une somptueuse fête en l’honneur des vingt-cinq ans de sa fille. Autre redoutable curiosité, The Dead Of Winter du Nord-Irlandais Brian Kirk. Il voit Emma Thompson se lancer à 66 ans dans un thriller d’action,. Malheureusement pour elle, l'auteur s'est ingénié à multiplier les incohérences.
Finalement, comme d’habitude, la section qui comble les attentes, à quelques exceptions près, c’est la célèbre rétrospective. Elle était cette année dédiée au cinéma britannique d’après-guerre. Jusqu’ci, on a adoré tout ce qu’on a vu, de David Lean à Edward Dmytryck nous parlant de maris possessifs et femmes infidèles. En passant par John Boulting qui nous a plongés dans la noirceur des bas-fonds de Brighton. avec le jeune Richard Attenborough en gangster psychopathe. Ou encore John Guillermin, mettant en scène Peter Sellers, irrésistible inspecteur Clouseau de La panthère rose, dans le rôle du plus affreux des méchants. On se régale.