Et voilà, les jeux sont faits pour cette 68e édition. Aux présidents Coen et à ses jurés (photo) de se mettre d’accord pour désigner la crème de la crème parmi les 19 films en compétition. Quelques mots sur les derniers proposés, dont Chronic du Mexicain Michel Franco qui suit David (Tim Roth), un aide-soignant bizarroïde, travaillant auprès de malades en phase terminale.
Le réalisateur ne cache rien des corps misérables de ces patients et des liens que David noue avec eux. Au point apparemment de franchir la limite. Franco nous avait bluffés avec Despuez, primé dans Un certain regard en 2012. Là, il nous flanque le cafard entre sida, cancer, attaque cérébrale et euthanasie.
Difficile de se remettre avec MacBeth, adaptation de la plus célèbre tragédie de Shakespeare, à laquelle s’est attaqué l’Australien Justin Kurzel après Orson Welles et Roman Polanski. L’obsession de devenir roi, entretenue par sa femme encore plus ambitieuse que lui, va causer la perte d’un chef de guerre écossais. Marion Cotillard et Michael Fassbender se partagent l’affiche dans ce drame bruyant à la mise en scène ampoulée, que n’arrangent pas une musique pompeuse et un flot d’images rouges.
Chaque film ayant toutefois ses fans, ces deux-là vont-ils changer la donne chez les journalistes qui décernent chaque jour leurs étoiles, notamment dans Le Film français et Screen ? Mystère. Pour l’heure les Hexagonaux donnent leur préférence à Mia Madre de l’Italien Nanni Moretti. Suit leur compatriote Stéphane Brizé avec La loi du marché. Carol de l‘Américain Todd Haynes, Youth de l’Italien Paolo Sorrentino et Le fils de Saul du Hongrois Lazslo Nemes se retrouvent pratiquement à égalité sur la troisième marche.
"Carol", ma Palme d’Or
Côté presse internationale, c’est Carol qui tient la corde devant Le fils de Saul et Mia Madre. Unanimité en revanche en ce qui concerne The Sea Of Trees de Gus Van Sant, considéré par les deux magazines comme le plus mauvais film de la compétition.
Je plébiscite également le superbe mélo à la Douglas Sirk de Todd Haynes et ses magnifiques interprètes Cate Blanchett et Rooney Mara. J’aimerais aussi beaucoup voir au palmarès mon autre coup de cœur Mountains May Depart de Jia Zhang-Ke, The Assassin de Hou Hsiao-Hsien, Mia Madre de Nanni Moretti, Le Fils de Saul de Laszlo Nemes, The Lobster, de Yorgos Lanthumos ou encore La loi du marché de Stéphane Brizé.
Mais comme on ne cesse de le dire dans ces cas-là, le critique propose, le jury dispose. Verdict dimanche soir dès 19h sur Canal +.
A quelques bémols près, critiques enthousiastes et ovation publique pour Jacques Audiard, en compétition avec Dheepan, un sujet dans l’air du temps sur l'immigration mais qui "n’est pas une déclaration politique", selon son auteur. Un ancien soldat tamoul, une jeune femme et une fillette de 9 ans qui ne se connaissent pas récupèrent les passeports de morts pour fuir la guerre civile au Sri Lanka et se font passer pour une famille dans l’espoir de gagner l’Europe.
Isabelle Huppert et Gérard Depardieu dans "Valley Of Love"
Pour les images sublimes, on se tournera résolument vers The Assassin du Chinois Hou Hsiao-Hsien, auteur majeur qui revient après huit ans d’absence. Visuellement, ce film d’arts martiaux pas comme les autres est indiscutablement le plus beau du concours.
L’an dernier c’était Welcome To New York qui devait bousculer la Croisette, cette année ce fut Love, annoncé comme l’événement sulfureux de ce cru 2015. Affiche libertine voire plus, pour ce film labellisé hot signé Gapar Noé, cinéaste dérangeant, déterminé à choquer. Il n’en fallait pas davantage pour créer l’excitation. Et rameuter le client en masse.