Grand écran: avec son "Birdman" aux quatre Oscars, Inarritu met Hollywod sur le divan (24/02/2015)
Birdman a fait le plein lors de la 87e cérémonie des Oscars. Quatre statuettes (film, réalisateur, scénario, photographie). Bien qu’il ne mérite pas une telle reconnaissance, ce n’est pas franchement une surprise.
Et pas seulement parce que l'opus partait grand favori avec ses neuf nominations, ou qu’en-dehors de Boyhood, il n’avait pas de concurrents notables. Mais surtout parce qu’avec cette comédie noire, Alejandro Gonzalez Inarritu s’est aventuré dans les coulisses du show biz et que ses pairs subjugués se sont reconnus dans cette sorte de psychanalyse d’un Hollywood notamment accro aux super-héros doté de super-pouvoirs.
Suite à quelques chefs d’œuvre dont All About Eve en 1951 et trois ans après le triomphe de The Artist, l’Académie continue donc à prouver qu’elle aime les films sur le cinéma. Réalisateur mexicain, Inarritu évoque en effet l’acteur, ses rapports conflictuels avec la réalité, la célébrité, les frustrations et les déceptions qu’elle peut engendrer quand elle le fuit. Il suit ainsi Riggan Thomson, à l’époque mondialement connu dans son rôle de super héros aux plumes de corbeau surnommé Birdman.
Mais c’était il y a une vingtaine d’années et aujourd’hui, la star déchue tente de renouer avec la gloire en montant une pièce complexe de Raymond Carver à Broadway. L’auteur se concentre sur les jours qui précèdent la première où Thomson va devoir affronter, dans le décor reconstitué de l’intérieur du St James Theater de New York, son ego démesuré, son passé prestigieux, ses hallucinations et ses rêves envolés.
Sans oublier son rival sur les planches, ses proches dont une maîtresse actrice délaissée sur le point de craquer et une fille assistante tout juste sortie d’une cure de désintoxication. Pas simple pour ce père, mari, amant et ami, profondément egocentrique et avide d’amour.
C’est Michael Keaton qui enfile le costume de ce has been en proie à ses douloureux démons. Un choix particulièrement judicieux dans cette histoire de come-back, vu que le comédien, lui-même plus ou moins disparu des écrans après le Batman de Tim Burton en 1989, effectue lui aussi un retour qu’il espère gagnant.
Il est excellent, à l'image d'Edward Norton (photo), son partenaire aussi doué qu’arrogant. Ou encore Emma Stone, qui permet à Inarritu de faire remarquer la puissance des réseaux sociaux pour mesurer désormais la notoriété des artistes.
"Un tour de force éblouissant"
Au-delà du sujet, de son traitement et de l’interprétation, nombre de critiques se déclarent éblouis par un tour de force technique et artistique, insistant sur l’extraordinaire virtuosité d’une réalisation donnant l’illusion d’un long plan-séquence, grâce à une succession de scènes sans coupure apparente.
Certes, c’est brillant. Certes, Inarritu se pique d'explorer l'art, fustige les super-ego, règle quelques comptes, notamment avec les médias. Reste que la critique est moins incisive qu’il n’y paraît pour cause de scalpel émoussé et que l’ensemble souffre d’un côté ampoulé, emphatique, cultureux et prétentieux.
Trop c'est trop. Sans évidemment aller jusqu’à "une lamentable merde déséquilibrée et trompeuse" que dénonce sévèrement le New York Observer, l’un des rares à ne pas crier au génie, force est de constater qu'on s’ennuie parfois copieusement au fil d’un long-métrage tellement survolté qu’il en devient étouffant. Le cinéaste suggérait lui-même que son ambition a pu boursoufler ses œuvres précédentes. Analyse lucide, mais apparemment il a oublié d’en pendre de la graine…
Film à l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 25 février.
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