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Sorties de la Semaine - Page 33

  • Grand écran: avec "Broker", Hirokazu Kore-eda évoque la construction possible d'une famille idéale

    Le Japonais Hirokazu Kore-eda reste sur son terrain de prédilection, la famille, tout en situant Broker en Corée du Sud. Une escapade plus intéressante que celle qui l’avait emmené en France pour La vérité en 2019 avec Catherine Deneuve et Juliette Binoche.

    Les premières images sont dures. Par une nuit pluvieuse à Busan, deuxième ville du pays, une jeune femme s’approche d’une église catholique et abandonne son nouveau-né à proximité d’une boîte à bébés. Il est récupéré illégalement par le patron d’un pressing et son acolyte, des revendeurs d’enfants auxquels s’allie la mère, une prostituée revenue sur les lieux.

    Comprenant vite qu’elle n’a pas affaire à de bons Samaritains, mais à des brokers (des intermédiaires) qui veulent le faire adopter contre une rémunération importante, elle a l'intention de ne pas rester en-dehors du deal. 

    Elle décide alors de les accompagner dans leur long périple à la recherche de parents idéaux. Pourtant, quand elle les rencontre, elle les trouve tristes et indignes de son enfant. Lors de cet insolite road-movie, les trafiquants sont par ailleurs traqués par la police, qui veut les prendre en flagrant délit au moment de la transaction. 

    Au fil de l’intrigue, symptomatique des maux et paradoxes sociaux, l’auteur évoque la possible construction d’une famille entre ces laissés pour compte de la société, dont la rencontre avec le nourrisson changera le destin. Kore-Eda séduit  en évitant l’émotion et la larme faciles dans cet opus pimenté d'un petit suspense, non dépourvu de cynisme et d’humour. 

    Auteur du chef d’œuvre Nobody Knows, de Tel père tel fils ou de Notre petite sœur, couronné à Cannes en 2018 pour Une affaire de famille, le cinéaste visait une nouvelle Palme d’or en mai dernier. Mais c’est son comédien principal, le Sud-Coréen Song Kang-ho qui s’est vu sacré meilleur acteur sur la Croisette.

    Broker, à l’affiche dans les salles de Suisse romande depuis mercredi 7 décembre. 

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  • Grand écran: "Annie Colère" prône le droit des femmes à l'avortement. Avec une Laure Calamy habitée. Interview

    A l’heure où de trop nombreux pays interdisent et criminalisent encore l’avortement, la liberté des femmes à disposer de leur corps exige une vigilance constante et les films sur le sujet sont une véritable nécessité, pour éviter la stagnation, ou pire, de vertigineux retours en arrière. Preuve en est ce 24 juin dernier où, dans une volte-face aussi sinistre qu'historique, la très conservatrice Cour suprême des Etats-Unis supprimait un arrêté qui, il y a près de 50 ans, garantissait aux Américaines le droit fédéral d’avorter. 

    Elle laisse désormais aux états le soin de légiférer eux-mêmes sur le sujet, marquant donc un retour à la situation qui prévalait encore en 1973, avant la décision libératrice de Roe v. Wade. Récemment, la réalisatrice américaine Phyllis Nagy retraçait, dans Call Jane, la marche du collectif éponyme qui pratiquait des IVG illégales dans les années 60, pour aider des femmes et des jeunes filles désespérées. 

    Blandine Lenoir raconte l'histoire du MLAC

    La Française Blandine Lenoir a entrepris la même démarche avec Annie Colère, en livrant un film passionnant, l’un des meilleurs présentés en août dernier sur la Piazza Grande du Festival de Locarno. Il commence en février 1974. On suit Annie, ouvrière et mère de deux enfants, tombée accidentellement enceinte et qui ne peut se permettre d’accueillir  un nouveau bébé

    Elle apprend alors l’existence du MLAC (Mouvement pour la Liberté de l’Avortement et de la Contraception), qui pratique gratuitement par aspiration (la méthode de Karman) des interruptions de grossesse illégales mais, contrairement à ce qui se faisait aux Etats-Unis, non clandestines. Il a été créé en avril 1973, dix-huit mois précédant l’adoption du projet Veil dépénalisant l’avortement avant dix semaines. La loi sera promulguée en janvier de l’année suivante.

    Le MLAC, où officiaient des médecins, comptait à l’époque 300 antennes sur tout le territoire français. Il est fondé sur le partage des savoirs, l’aide concrète apportée aux femmes, l’écoute de leur parole, la douceur, la tendresse à leur égard- Dans la bataille pour l’adoption de la loi sur l'avortement, Annie va trouver dans cette organisation unique un nouveau sens à sa vie.

    Parcours individuel pour une conquête collective

    Parfaitement documenté, porté par l’excellente Laure Calamy habitée par son personnage généreuse, et d’autres formidables comédiennes, Annie Colère, récit d’émancipation, est un film militant émouvant, intime, non dénué d’humour et de gaité pour un thème grave et douloureux. Par ailleurs didactique, plein d’informations, (peu de gens connaissent les luttes menées avant le combat de Simone Veil), il est également politique en illustrant une conquête collective qui dépasse la recherche d’indépendance de sa principale protagoniste.     
     
    Rencontrée au Tessin, la réalisatrice, qui a terminé le tournage il y a un an et demi, a toujours été très attentive à ce qui se déroule sur le front de l’IVG- "Même en France, où 180 centres ont fermé depuis 20 ans. Rien n’est définitivement gagné. Il est impératif de ne pas lâcher la lutte. Sinon, on perdra nos droits ", nous confie-t-elle. 

    A cet égard, Blandine Lenoir se dit effondrée par la décision de la Cour Suprême américaine. « Je m’y attendais pas du tout. Outre ce sinistre retour en arrière, c’est une terrible injustice sociale. Les femmes riches pourront avorter, les pauvres mourront car elles seront prêtes à tout." 

    Pour en revenir à votre film, quelle en a été la genèse? 

    Je m’intéresse au sujet depuis une dizaine d’années. J’ai toujours lutté  contre la société qui impose le silence aux femmes. Quand j’ai découvert le MLAC  et j’ai eu envie de le faire connaître de tout le monde, ainsi que ses membres. C’est grâce à lui, à eux, que Giscard a été obligé de faire avancer la loi. Simone Veil n’y est pas arrivée toute seule. Après avoir rencontré une chercheuse qui avait rédigé une thèse sur le mouvement, j’ai vu des anciennes militantes qui m’ont appris le geste de l'aspiration , que j’ai ensuite moi-même enseigné. Ce que je raconte, je le mets en actes. 

    Comment avez-vous choisi Laure Calamy pour incarner Annie?

    C’est mon amie depuis dix ans.  Le film est complètement construit, écrit pour elle. Nous sommes politiquement proches.  Elle est souvent exploitée pour sa puissance comique. Mais elle n’est pas que cela. Elle et pudique. On se comprend vite.

    Et le reste du casting, c’était compliqué?

    Non. Mon truc c’est la direction ’acteurs. Le choix des gens. Parce que je les aime. Je voulais une grande variété de femmes, qui ont toutes ont avorté. Des bourgeoises, des ouvrières, même la femme du préfet. 

    Il y a de la bienveillance, quelque chose de joyeux, de lumineux qui parcourt le film.

    Oui, Je voulais restituer la douceur, l'absence de violence, une écoute réelle, la volonté de prendre du temps, de bien s’occuper des femmes. Pour qu’elles ne se sentent pas coupables, passives. Et je voulais aussi qu’on sente que dans le drame, on trouve de la lumière. 

    Après l’adoption de la loi Veil, le MLAC a été dissous. Que peut-on en penser? 

    Pour certains c’était une bonne nouvelle puisqu l’IVG était désormais autorisée. Pour d’autres, on arrêtait le combat. Le MLAC a toutefois en 1982 pour demander le remboursement de l’IVG par la sécurité sociale. 

    Annie Colère a l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 7 décembre.

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  • Grand écran: "Fumer fait tousser", comédie loufoque entre écologie et déconnades

    Réalisateur à part dans le cinéma français en proposant des films déjantés, décalés, Quentin Dupieux  revient quelques mois après Incroyable mais vrai, pour nous emmener dans un nouveau voyage absurde, sa marque fabrique, avec Fumer fait tousser. Héros de l’œuvre, cinq improbables justiciers vêtus de combinaisons moulantes façon Power Rangers formant la Tabac Force et déterminés à sauver la planète des dangers qui la menacent. 

    Quentin Dupieux n’a pas lésiné sur le casting. Il y a Gilles Lellouche (Benzène)  Anaïs Demoustier (Nicotine), Vincent Lacoste (Méthanol), Jean-Pascal Zidi (Mercure) et Oleya Amamra (Ammoniaque). Suite à un combat dantesque contre une satanique tortue géante qu’il font finalement exploser, leur chef Didier (Alain Chabat), un rat libidineux, bavant constamment un immonde liquide verdâtre, leur ordonne de partir se resourcer au bord d’un lac pollué. Il s’agit de renforcer la cohésion du groupe, qui doit livrer d’autres batailles homériques.

    Et notamment contre le super démon intergalactique Lézardin (Benoît Poelvoorde), qui rêve de détruire la Terre.  Avant de l’affronter, nos Pieds Nickelés se racontent des histoires plus loufoques les unes que les autres au coin du feu. Elles sont prétextes à une série de sketches plus ou moins noirs et désopilants, animés par Blanche Gardin, qui passe son neveu à la déchiqueteuse, ou encore par Doria Tillie,r transformée en serial killeuse malencontreusement casquée. 

    Si à l’évidence l’auteur s’amuse comme un petit fou, tout n’est pas génial dans ce film au scénario décousu, oscillant entre écologie, déconnades et foutage de gueule. On reprochera même au talentueux cinéaste un petit manque de renouvellement et une légère tendance à tomber dans la facilité. 

    Reste qu’on rit beaucoup et qu’on peut parler d’une réussite à laquelle les comédiens participent activement, en prenant eux aussi leur pied. Par ailleurs cette comédie burlesque ne dure que 80 minutes. Une grande qualité à l’heure où la plupart des films font plus de deux heures…

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande.     

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