C’est une histoire qu’on racontera jusqu’à la fin des temps. Elle vaut donc bien ses multiples adaptations. L’une des célèbres, c’est celle de Baz Luhrmann en 1997. Avec Roméo + Juliette, il a imaginé une version contemporaine, tout en restant fidèle au texte de Shakespeare.
Philippe Lioret, lui, actualise complètement le conflit entre les Capulet et les Montaigu dans son dernier long métrage, 16 ans. Résolu à quitter son école privée, Léo vivant dans un quartier résidentiel, rentre en Seconde dans son nouveau lycée. Il y encontre Nora, issue de l’immigration, qui habite dans une cité. Leurs regards se croisent et ils tombent aussitôt follement amoureux.
Pour leur malheur, le frère de Nora est accusé de vol dans l’hypermarché où il travaille et il est viré séance tenante par le directeur qui n’est autre que le père de Léo. Du coup c’est l’affrontement entre la famille modeste de Nora et celle, bourgeoise de Léo. Chacune s’oppose à la liaison entre leurs enfants qui, eux, refusent de voir leur passion naissante brisée par des origines familiales et sociales différentes qui ne sont prétextes à une guerre absurde. C’est malgré tout l’embrasement.
Avec 16 ans, le réalisateur de Paris-Brest, Welcome, Ne t’en fais pas je vais bien, ou Le fils de Jean revient à la genèse de la célébrissime tragédie, en proposant une excellente et émouvante relecture moderne. Qu’il s’agisse de la mise en scène réaliste, du scénario captivant et de l’interprétation particulièrement convaincante des comédiens Sabrina Levoye (Nora) et Teilo Azaïs (Léo), qui ont l’âge de leur rôle respectif.
"C'est plus une inspiration qu'une adaptation"
Lors d’une rencontre à Genève, Philippe Lioret évoque le petit événement qui l’a poussé à réaliser ce film. « Il s’agit d’un projet né de ma rencontre à deux ou trois reprises avec un jeune couple dans un abri bus. Ils pleuraient tout le temps et j’ai alors appris qu’ils avaient des problèmes avec leur famille. Cela m’a habité pendant 15 ans ».
Et puis un jour, le cinéaste se rappelle ces deux là et trouve le moyen de rendre Roméo et Juliette contemporain. «Je suis parti d’un matériau brut. Ce n’est pas vraiment une adaptation, mais une inspiration. J’ai écrit tout le film en me souvenant de mes 16 ans. De l’exquise première fois».
Vous décrivez un amour fou au premier regard, mais il s’agit de le garder, en dépit de l’adversité.
Absolument. A leur âge, les deux jeunes amants s’en foutent des différences sociales. Mais cela reste un combat contre les autres et soi-même. Il faut un niveau d’intensité dingue pour que la passion dure.
C’est un film à suspense. Il y a une tension dans le récit, dans l’implication des personnages.
C’est vrai car toutes ces dissensions se produisent tout le temps en raison de détails insignifiants qui mènent à la tragédie
Il y a du machisme dans le film. Une certaine emprise du frère, du père sur Nora. Est-ce une dénonciation du patriarcat?
Pas du tout. Le fils veut juste se venger d’une injustice. Mais Nora ne se laisse pas faire.
Comment s’est déroulé le casting ?
Une vraie chasse au trésor. J’avais 80 Roméo et 50 Nora. L’élu, Teilo Azaïs, avait déjà fait de petites choses. Il avait ce naturel incroyable, cette décontraction. J’ai été aidé par le fait qu’il est arrivé aux auditions alors que j’avais déjà choisi Nora (Sabrina Lovoye) Elle avait un truc que d’autres ne possédaient pas. J’ai cru voir chez elle un charisme suffisant pour qu’elle embrasse un premier rôle. Avec raison. Quand ils se sont trouvés face à face c’était du tout cuit, du pain bénit
16 ans, A l’affiche dans les salles de Suisse romande depuis mercredi 4 janvier.