1999, au soir du Nouvel-An. Sur une entrainante musique électro, des jeunes s’éclatent dans une chorégraphie très enlevée. L’avenir est à eux à l’aube du 21e siècle. Au premier rang on découvre une pétillante et séduisante jeune fille, Tao, qui adore danser et chanter. Très courtisée, on la retrouve plus tard entourée de deux garçons. Des amis d’enfance amoureux d’elle.
D’un côté Zhang Jinsheng (Zhang Yi) un garçon ambitieux en pleine ascension, de l’autre le souriant mineur Liangzi (Liang Jingdong). Les deux facettes de la Chine en somme. Pressée de choisir, Tao (Zhao Tao, muse et femme du réalisateur) choisit d’épouser l’entrepreneur, tellement décidé à faire fortune qu’il n’hésitera pas à appeler son fils Dollar….
Quinze ans plus tard, la vie des différents personnages a complètement changé. Tao et Zhang ont divorcé et Dollar vit chez son père en Australie. Il ne comprend plus sa langue maternelle et ne se souvient que vaguement de son enfance en Chine. De son côté Liangzi, ravagé par l’abandon de Tao avait décidé de partir pour ne plus revenir. La misère et la maladie en décideront autrement.
Avec Au-delà des montagnes, le Chinois Jia Zhang-ke, auteur de Still Life ou A Touch Of Sin (un gros succès international), propose un bouleversant et magnifique mélodrame dans une Chine traversée par les foudroyants changements socio-économiques, allant jusqu’à conduire une partie du pays, vivant à l’heure anglaise et où les nouveaux riches brassent des affaires à Shanghai, à l’oubli de ses racines.
Tout en racontant l’histoire du trio, le réalisateur se concentre plus particulièrement sur Tao en la montrant à trois âges de sa vie. Le film, s’étalant sur 36 ans, est ainsi composé de trois parties, hier, aujourd’hui, demain, se terminant en Australie en 2025. Pour le réalisateur, se projeter dans un futur possible est une bonne manière de prendre du recul pour mieux comprendre le présent et ses profondes mutations.
Il se livre ainsi à une fine observation de la situation du pays, du mode de vie et du comportement des gens bouleversés par l'irruption de l'argent, à une subtile analyse de leurs sentiments. Une mise en scène simple et efficace, des acteurs formidables, le tout assorti d’un regard critique, font de cet opus une petite perle à ne pas manquer.
A l’affiche à Genève et à La Chaux-de-Fonds dès mercredi 3 février.
Sorties de la Semaine - Page 232
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Grand écran: "Au-delà des montagnes" montre une Chine entre passé, présent et futur
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Grand écran: Dans "Chocolat", Omar Sy fait revivre Padilla, le clown star oublié
Inspiré du livre Chocolat, clown nègre de l'historien Gérard Noiriel, ce film retrace l’existence de Rafael Padilla (incarné par Omar Sy), premier artiste noir de cirque en France. Né à Cuba vers 1868 et vendu enfant comme esclave près de Bilbao, il s'échappe quelques années plus tard, puis gagne Paris en 1886, où il fait une rencontre qui transforme sa vie, celle de Tudor Hall, alias George Footit (James Thierrée), le fameux clown blanc.Surnommé Chocolat, Padilla devient un artiste emblématique du Montmartre, formant avec le tyrannique Footit, dont il est l’auguste souffre-douleur, l’un des duos comiques les plus célèbres de la Belle Epoque. Les deux hommes se sépareront en 1910, tentant chacun une carrière solo sans grand succès. Sombrant ensuite dans l’alcoolisme et la misère, Padilla meurt de la tuberculose à Bordeaux en 1917
Pour son quatrième long-métrage Roschdy Zem s’est lancé dans la réhabilitation de l’homme et de l'artiste oubliés. Rendant parallèlement hommage à deux compères hors norme qui ont révolutionné leur art en popularisant le couple clown blanc/auguste noir, illustré par Toulouse-Lautrec et filmé par les Frères Lumière.
Grandeur et décadence
Prenant des libertés (fort regrettables selon les connaisseurs) avec la réalité historique, l’auteur s’inspire de la vie de Padilla, dont il évoque la fulgurante ascension et la descente aux enfers, mettant l’accent sur sa relation avec Footit sur et en-dehors de la piste. Une amitié finalement impossible, pourrie par la célébrité, l’argent le jeu et la discriminations
Réalisation, image, décors et costumes soignés dans ce film où Roschdy Zem propose quelques numéros imaginés d’après les saynètes originales et modernisés par le petit-fils de Charlie Chaplin James Thierrée, danseur, acrobate, musicien et metteur en scène.Entre magie du cirque, satire politique, mélodrame, fable un peu moralisatrice dans la vision parfois manichéenne de ses héros, Zem évoque la dimension raciale et l’exploitation d’un être humain à travers les humiliations faussement rigolotes subies par le clown noir.
Le tandem dominant-dominé faisait la joie d’un public conquis, hurlant de rire en voyant leur nègre adulé se faire botter le cul tous les soirs. Des situations rappelant un peu la Vénus noire d’Abdellatif Kechiche, Hottentote exhibée telle une bête de foire en Europe. La répétition à la longue douloureuse de ces scènes dégradantes pousse Chocolat à s’émanciper et à se lancer dans le théâtre.
Le film a été écrit pour Omar Sy, excellent, charismatique, presque trop célèbre pour parvenir à s’effacer devant Padilla, comme le réussit le moins connu James Thierrée devant Footit. Reste qu'ils forment un bon duo complice. A noter à leurs côtés Olivier Gourmet, Noémie Lvovsky, redoutable mégère et Clotilde Hesme dans le rôle (détourné) de Marie Grimaldi, qui fut la compagne de Chocolat pendant plus de 30 ans.
A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 3 février. -
Grand écran:" The Danish Girl" raconte la vie du premier transgenre de l'Hstoire
Plébiscité en 2011 pour Le discours d’un roi qui l’a révélé au grand public, le réalisateur britannique Tom Hooper s’est replongé dans l’époque avec The Danish Girl. Il retrace cette fois la singulière histoire vraie des peintres danois Gerda Wegener et Lili Elbe, née Einar Wegener, le premier à voir subi, en 1930, une opération chirurgicale pour changer de sexe. A l’origine de cette décision périlleuse, une demande de Gerda qui, pressée de terminer un tableau en l’absence de son modèle, prie son mari d’enfiler ses bas, ses chaussures et sa robe.
L'épisode marque le début d’une longue transformation. Troublé par cette expérience, Einar découvre qu’il se sent davantage lui-même en Lili et éprouve de plus en plus le besoin d’affirmer cette identité féminine. Il permet par ailleurs à Gerda, jusque-là portraitiste mondaine convenue et peu inspirée, de mieux exprimer sa créativité. Mais le couple, qui poursuit sa relation amoureuse, est rapidement confronté à l’opprobre et aux interdits d’une société conservatrice.
Tous deux quittent le Danemark pour Paris en 1912, en espérant y vivre plus librement. Gerda se fait un nom grâce à ses illustrations sensuelles, érotiques, provocatrices, révélant souvent une belle et mystérieuse créature…. En 1930, Lili se rend en Allemagne pour son opération. Mais les dangers de la chirurgie étant alors très élevés, elle meurt un an plus tard après cinq interventions et un rejet de greffe d’utérus.
Eddie Redmayne (photo) se glisse avec talent dans la peau du personnage. On pourrait lui reprocher une gestuelle maniérée et une affectation excessive, si ses minauderies ne cachaient pas avec justesse la gêne et le malaise d’une identité sexuelle ardemment souhaitée mais aussi difficile à investir pleinement qu’à assumer, surtout en public. Nominé, le comédien vise l’Oscar du meilleur acteur, tandis que l’émouvante Suédoise Alicia Vikander, alias Gerda, prétend au second rôle féminin.
En lice pour deux autres statuettes, Tom Hooper s’est inspiré du récit romancé de David Ebershoff et de la réalité pour raconter cette histoire d’amour liée à la quête irrépressible d'un homme d’être une autre. A voir pour ce fait hors du commun, même si la joliesse, le chic et le classique de la mise en scène ne soient pas vraiment à la hauteur de la gravité du sujet.A l’instar du traitement, certes sérieux et sans esbroufe mais qui, tendant à gommer la violence d’un parcours qu’on imagine tragique, confine parfois à la mièvrerie en dépit de son côté poignant. Comme si le réalisateur se retenait, de crainte de déplaire ou de choquer. Voilà qui n’a pas empêché le Qatar d’interdire le film, ridiculement qualifié de "dépravé".
A l'affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 20 janvier.