Ce n’était peut-être pas du jamais vu, mais presque. Pas un seul applaudissement pour saluer l’arrivée, à la conférence de presse, de Jodie Foster qui présente hors compétition The Beaver (Le complexe du castor). Elle débarquait de surcroît sans son acteur principal, Mel Gibson, en principe retenu à Los Angeles. Il devait rejoindre sa réalisatrice et partenaire pour la montée des marches.
Rien d’étonnant à cette froideur, cette comédie dramatique n’est pas bonne. Elle évoque Walter, un mari déprimé, qui touche le fond. Patron d’une entreprise de jouets au bord de la faillite, chassé par sa femme, il retrouve à la fois du goût à l’existence et sa famille, en s’exprimant à travers une marionnette de castor qu’il a enfilée sur son bras gauche. Renonçant à se suicider, il se balade avec sa peluche parlante partout, qu’il se douche, fasse l’amour, du repassage ou son jogging. Jusqu’au jour où il lui faudra bien se débarrasser de cet encombrant outil de communication et de survie.
Pour Jodie Foster revenue pour la troisième fois en vingt ans derrière la caméra, il s’agit en quelque sorte d’une double thérapie. Pour elle qui avance dans sa vie en réalisant des films «ma manière de faire face à mes sentiments et mes émotions», et surtout pour Mel Gibson, après la période difficile qu’il vient de traverser suite à ses déboires conjugaux et judiciaires. «Se glisser dans la peau de cet individu en dépression a été très important pour cet homme réservé qui dit soudain aux autres: voici ce que je suis».
Malheureusement, la méthode se révèle plutôt inefficace sur le spectateur. Et le choix du comédien a sans doute contribué aux mauvaises critiques en Amérique du Nord. Ce que Jodie Foster conteste. «L’essentiel est de se demander qui est le bon acteur pour le rôle.. Je pense que Mel était le seul à bien comprendre le combat intérieur du personnage, son obligation de l’ancrer dans la réalité. Si The Beaver n’a pas été encensé, c’est parce qu’il ne s’adresse pas à tout le monde, qu’il navigue entre deux genres. Cela perturbe les Américains. Mais je réalise des films parce que je les aime et non en fonction des goûts du public».
Aki Kaurismäki touche en plein coeur
Contrairement à Jodie Foster, l’iconoclaste Finlandais Aki Kaurismaki a été ovationné par les journalistes pour Le Havre. Ce conte social en compétition qui touche en plein cœur suit, sur fond de crise économique et de sort indigné réservé aux immigrés, l’étonnant Marcel Marx. Ex-écrivain bohème, amoureux fou de sa femme Arletty, il s’est volontairement reconverti dans le cirage de chaussures.
Le métier est peu lucratif, mais le rapproche de ses semblables avec qui il aime boire un verre au bistrot du coin. Un beau matin, il tombe sur un jeune Gabonais, qui a réussi à berner la police lors de la découverte d’un container rempli de réfugiés. Optimiste à tout crin malgré la grave maladie d’Arletty, Marcel va affronter l’Etat aveugle. Aidé par les habitants du quartier, il tente tout pour aider le gamin à rejoindre sa mère en Angleterre.
Cette désarmante fable surréaliste qui détourne une réalité noire, est un véritable hymne à la bonté, à la solidarité, à la fraternité, à la générosité. Elle met en scène l’irrésistible André Wilms, l’actrice fétiche du réalisateur Kati Outinen et Jean-Pierre Darroussin, carrément échappé d’un polar de Melville. On aimerait bien retrouver l’opus au palmarès.
Hommage à Jean-Paul Belmondo
Le festival rend hommage au comédien qui n’avait pas foulé le tapis rouge depuis dix ans. Ce retour sur la Croisette est marqué par la projection de Belmondo, Itinéraire, signé Vincent Perrot et Jeff Domenech. Il s’agit d’un documentaire qui retrace les cinquante ans de carrière de l’un des acteurs préférés des Français.