Unique en Suisse romande Il a vu le jour en 2010 et fête cette année son dixième anniversaire. Dès aujourd'hui 6 octobre et pendant dix jours , Everybody’s Perfect vibre au rythme de la culture LGBTIQ+ Basé sur l’ouverture et l’inclusion, s’adressant à tous les publics, il a évolué au fil des ans, passant à une cadence annuelle depuis que Sylvie Cachin en a pris les commandes en 2018.
La directrice artistique a vu augmenter la fréquentation, le financement, la reconnaissance des partenaires, les rapports, la collaboration avec les distributeurs et les autres festivals en Europe et aux Etats-Unis. Elle note également un changement de ton et de contenu.
"Au début, beaucoup de films mettaient le doigt sur la souffrance, la lutte, les droits humains. Ou sur la difficulté du coming out, dont ils ne parlent plus aujourd’hui. Je tente de sélectionner des œuvres avec une énergie positive. J’en vois l’effet sur les gens qui se sentent plus concernés, plus valorisés. Le festival offre également une visibilité plus grande de la communauté, dont découle une forme de banalisation du queer en général. Cela donne de la force aux artistes locaux".
Des films des cinq continents
Petit bémol. En mai dernier à Cannes, la représentation moindre des thématiques LGBTQI+ dans les diverses sections par rapport à 2022, a laissé craindre une baisse de la production dans le domaine, faute de soutien suffisant. Pour Sylvie Cachin, qui a invité le créateur de la Queer Palm Franck Finance-Madureira et le programmateur du Teddy Award berlinois Bartholomew Sammut à en débattre, il n’y a certes pas eu de hausse spectaculaire. « Mais l’offre ne s’est pas réduite. Elle est devenue plus qualitative, impliquant davantage de personnes désireuses de raconter leur histoire. En tout cas, je n’ai pas eu de peine à trouver des films ».
C’est ce que veut prouver la programmation éclectique de cette édition 2023 avec 28 longs métrages divisés en quatre parties, mêlant fictions de tous genres et documentaires. Ils proviennent de Chine,. Russie, Australie, Afrique Etats-Unis, Philippines, Brésil, Argentine, France Espagne, Allemagne, Angleterre, Suisse. Sans oublier le nombre impressionnant 36 courts métrages, dont le curieux western de Pedro Almodovar Strange Way Of Life..
Trois oeuvres au chapitre Trans Joy
Au sein de ce riche menu., on retiendra plus particulièrement un chapitre intitulé « Trans Joy » composé de trois oeuvres où les cinéastes s’emparent de leur vécu. A commencer par Orlando, ma biographie politique de Paul B. Preciado, projeté en ouverture .du festival. Pour son premier passage derrière la caméra, l’auteur s’inspire du roman de Virginia Woolf. Publié en 1928, il évoque les aventures d’un noble anglais. Né garçon, il se réveille un beau matin femme au milieu du récit. Près d’un siècle plus tard, Preciado envoie une lettre à la célèbre écrivaine, pour lui apprendre qu’Orlando est devenu une réalité. Et livre un témoignage poétique, drôle, inventif, montrant toutes les possibilités d’exister dans un univers contemporain en mutation.
Kokomo City nous invite, lui, à découvrir le monde et le quotidien de travailleuses du sexe, très vulnérables, les femmes trans noires. Premier documentaire en noir et blanc de D Smith, elle-même trans afro-américaine, il navigue sans misérabilisme, entre les témoignages bouleversants et les propos percutants de quatre protagonistes. De New York à Atlanta, elles se confient sans fausse pudeur et à visage découvert en dépit des dangers encourus. A l’image de leurs clients, souvent des hommes cisgenres , mariés, qui expliquent avec franchise leur attirance pour les femmes trans.
De son côté, le réalisateur trans serbo-chilien Vulk-Lungulov-Klotz propose Mutt. Comédie dramatique prometteuse et émouvante, elle suit Fena, ado latino-américain en pleine transition né Fernanda. En l’espace de 24 heures à New York, il va croiser son ex-amoureux hétéro , sa demi-sœur de 13 ans, son père chilien, et tenter de faire la paix avec son passé et son présent. Tout en montrant les difficultés du personnage face aux aléas du quotidien, Mutt explore ses relations avec son entourage au fil d’un scénario bien documenté..
De Blue Jean à Little Richard
Parmi les points forts de la sélection, Blue Jean (photo ci-dessus) de Georgia Oakley. Militant, sous haute tension, le film nous plonge dans la Grande-Bretagne de Margaret Thatcher avec le portrait de Jean, professeure d’éducation physique. Nous sommes en 1988, l’année où le gouvernement de la Dame de fer promulgue une loi interdisant la promotion de l’homosexualité dans le système éducatif, accusé de prôner l’acceptation de la différence. Des manifestations s’étendent dans le pays alors que Jean cache son homosexualité de peur d’être découverte et renvoyée.
Ambiance électrique garantie par ailleurs en clôture avec Little Richard : I Am Everything,, le documentaire musical de l’Américaine Lisa Cortés. Icône rock qui a inspiré les plus grands de Presley aux Beatles, Little Richard est effectivement tout : noir, gay, chrétien et outé très tôt.
On discute et on s’amuse
A découvrir enfin des œuvres importantes sur l’intersexuation, longtemps considérée comme une anomalie à soigner par une médecine souhaitant normer les individu-e-s ou représentée tel un mythe par les arts et la littérature. La question donnera lieu à une table ronde, ainsi que Le cinéma queer sous les projecteurs. Le public aura également droit à des rencontres suivant les projections. Elle se dérouleront en présentiel, ou en visioconférence à l’image de la masterclass de Manuela Kay, pionnière et figure incontournable de la scène queer berlinoise depuis les années 1980.,
Et bien sûr, pas de festival sans fiesta. En ouverture, à La Gravière, en clôture à La Paillette. Entre deux, des verrées, la Fête lesbienne, queer, féministe et l’envahissement des Bains de l’Est, avec jacuzzi, sauna, tapas, DJ et performances.
Genève, du 6 au 15 octobre, Maison des arts du Grütli. Pour plus de renseignemants : everybodysperfect.ch.