Festival de Cannes: Terrence Malick divise avec son "Odyssée 2011" (16/05/2011)
Dans les couloirs du Palais, la télévision du Festival passe en boucle des images de DSK menotté dans le dos, le regard perdu, pénétrant dans une voiture encadré par deux policiers en civil, écoutant au tribunal la lecture des faits qu’on lui reproche, parlant avec son avocat. Comme toujours la réalité dépasse la fiction. De quoi pirater le dernier-né de Terrence Malick L’Arbre de vie (The Tree Of Life).
Applaudissements et sifflets plus ou moins mous saluent la prestation. Et pourtant il était attendu comme le messie, comme destiné à une inévitable Palme d’Or après s’être fait désirer pendant un an. Eût-il été là, le génie reclus du septième art aurait été déçu. Mais il a choisi comme toujours de briller par son absence, laissant le soin à son acteur principal Brad Pitt de le représenter à la conférence de presse. Inutile de dire que la star a provoqué l’hystérie.
L’arbre de vie, à qui on ne donnera pas la médaille, montre une famille pieuse dans le Texas des années 50, où règnent le non-dit, la violence et la rancune. Jack grandit entre un père terriblement autoritaire et une mère aimante et protectrice. La naissance de ses deux frères l’oblige à partager cet amour inconditionnel, puis à affronter l’individualisme d’un père obsédé par la réussite de ses enfants. Jusqu'au jour où se produit un tragique événement.
Atomisant la chronologie, le cinéaste tourne autour de ce traumatisme en se faisant plaisir. Cela donne un voyage halluciné et hallucinant qui rappelle, en moins réussi, Stanley Kubrick et sa psychédélique Odyssée 2001. Dans sa version 2011, Malick y questionne aussi la vie, la mort, l’origine du monde, l’histoire de l’humanité, tout en filmant la nature et ses éléments déchaînés.
On retiendra surtout de cette symphonie poético-délirante nunuche sur les bords, son extraordinaire côté formel, le réalisateur proposant des plans d’une et d’une grâce sidérantes. Mais pas sûr que les inconditionnels reconnaissent vraiment leur idole dans cette avalanche d’images à la Yann Arthus-Bertrand mâtiné d’Haroun Tazieff avec un zeste de Jurassic Park. Le tout sur fond biblique, cosmique, métaphysique et contemplatif.
Côté comédiens, à noter la présence de Jessica Chastain et une modeste participation de Sean Penn, invisible lui aussi et fâché paraît-il avec le réalisateur.
Ces lieux où rôde le démon
Faisant en quelque sorte écho au démiurge américain, le Français Bruno Dumont, double lauréat du Grand Prix de Cannes pour L’Humanité (1999) et Flandres (2006), propose Hors Satan dans Un certain regard. On souhaiterait aimer davantage l’histoire de ce drôle d’individu qui habite un campement de fortune dans le pas de Calais, près de Boulogne sur Mer. Là où rôde le démon…
Donnant brutalement à voir la nature et les corps, il privilégie les plans larges et les gros plans. Offrant son cinéma intense, rude et sensuel, qui fait place à l’extraordinaire dans l’ordinaire. Filmant notamment un miracle. Comme il le dit lui-même, « le cinéma permet de laisser percevoir ce qu’il y a de divin chez les humains et de l’éprouver».
A son habitude, le cinéaste n’a pas fait appel à des vedettes pour illustrer son propos. Tandis qu’il avait donné des rôles secondaires à son héros David Dewaele dans ses deux opus précédents, il ne connaissait pas du tout sa partenaire, Alexandra Lematre, qu’il a rencontrée par hasard dans un café de Bailleul. «On a fait des essais, elle était très bien. J’ai aimé sa pudeur et sa manière d’avoir du mal à partager ses sentiments».
Souvenirs de la maison close
Retour à la compétition pour un autre film un peu décevant et qui divise également les festivaliers. Signé Bertrand Bonello, L’Apollonide, souvenirs de la maison close, les malheurs des prostituées dans un bordel parisien de luxe à l’aube du XXe siècle.
Son film s’articule autour d’une prostituée défigurée par un client. Sa bouche est prolongée d’une affreuse cicatrice qui lui vaut le surnom de la femme qui rit. Un massacre sur lequel l’auteur revient aussi inutilement que complaisamment.
Bertrand Bonello s’est inspiré du livre de Laure Adler Les maisons closes 1830-1930, pour opérer sa plongée dans ce lieu de fantasmes masculins,dirigé de main de fer par une patronne impitoyable. Les règles sont strictes et les filles croulent sous des dettes qu’elles ne pourront jamais payer, restant ainsi dans cette communauté qui devient leur prison.
On retiendra surtout de cette chronique longuette et déprimante le côté pictural et de jeunes beautés comme Hafsia Herzi, Adèle Haenel ou Céline Sallette.
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