Répondant à une question sur ses origines allemandes, Lars Von Trier n’a pu s’empêcher, à son habitude, de provoquer le malaise à Cannes. Déclarant lors de sa conférence de presse qu’il comprenait Hitler. «Je pense qu’il a fait de mauvaises choses mais je l’imagine assis dans son bunker à la fin. Il n’est pas ce qu’on pourrait appeler un brave type, mais j’ai un peu de sympathie pour lui. Je ne suis quand même pas pour la Seconde guerre mondiale. Je suis bien sûr pour les juifs, pas trop, car Israël nous fait chier. D’accord, je suis un nazi… »
"Oh my God", a dit Kirsten Dunst en se tournant vers Charlotte Gainsbourg, les deux héroïnes du réalisateur», tandis que la direction du festival s’est émue de ses propos. A sa demande, le roi de la provoc' un peu embêté s’est alors excusé dans un communiqué à l’AFP, se défendant d’être raciste, antisémite ou nazi.
Vaine polémique. Surtout qu’Hitler n’a rien à voir avec un très bon Melancholia, qui séduit par sa magnificence visuelle. Mieux vaut donc s’intéresser à l’œuvre, sorte de contrepoint à L’Arbre de vie de Terrence Malick. Tandis que l’Américain se penche sur les origines de l’univers, le Danois nous entraîne vers l’apocalypse.
Drame psychologique, son film commence, comme Antichrist par une ouverture. Images sublimes au ralenti, dont la beauté est encore exaltée par une musique de Wagner (Tristan et Iseut). Mais loin de choquer comme dans son opus précédant, le cinéaste poursuit en douceur. Nous invitant, dans une première partie, au mariage de la jolie Justine (Kirsten Dunst qui a remplacé Penelope Cruz) avec Michael (Alexander Skarsgard).
Mais alors qu’elle s’est imposée ce rituel pour en finir avec ses angoisses et redevenir normale, elle est incapable de faire face à sa nuit de noces. La deuxième partie la montre avec sa sœur Claire (Charlotte Gainsbourg) dans les jours qui aboutiront à la collision attendue de la planète Melancholia et la Terre.
Cette ambiance de fin du monde est une métaphore de la profonde dépression dont souffre Justine, pour qui la vie ici-bas est mauvaise et qu’il n’y en a plus pour longtemps. La jeune femme représente à l’évidence le double de Lars von Trier dans cette splendide méditation poétique sur fond de mélancolie, de neurasthénie et de drame. Les fans de l’auteur en ont fait leur Palme d’Or.
L’irrésistible ascension de Nicolas Sarkozy
Les premières scènes montrent un homme en peignoir, seul et abattu, triturant une alliance le jour de son élection à la présidence de la République française, le 6 mai 2007. Toute la journée, il a cherché à joindre sa femme Cecilia, momentanément revenue le soutenir par devoir et définitivement repartie par amour.
A la faveur d’allers et retours entre présent et passé, le réalisateur Xavier Dürringer raconte ainsi dans La Conquête, premier film sur un président en exercice en France, les cinq ans de l’irrésistible ascension de Nicolas Sarkozy. Ou l’histoire d’un homme qui a perdu sa femme en gagnant le pouvoir.
Pour nourrir son intrigue, le scénariste Patrick Rotman a dépouillé la presse de 2002 à 2007, lu une soixantaine de livres, collectionné les anecdotes et visionné une dizaine d’heures d’archives. Mais toute documentée soit-elle, La Conquête est d’abord une fiction dont il dit avoir inventé la majorité des scènes et des dialogues. L’essentiel n’étant pas d’être exact mais vraisemblable, tout se mélange selon lui, le vrai, le faux, le réel et l’imaginaire.
Analysée ligne par ligne par les avocats pour éviter un procès en diffamation, La Conquête faisait apparemment peur. A tort, il ne s’agit pas du tout d’un film à charge. Au contraire. Le principal intéressé et ses "boys" sont le plus souvent montrés à leur avantage. Les plus vilipendés sont plutôt les journalistes à leur botte.
Mais face à la force des image de DSK en provenance de New York, ce long-métrage apparaît bien fade. Même si Durringer fait dire à son héros que les hommes poltiques sont des bêtes sexuelles... Pauvre cinématographiquement de surcroît, il n’est absolument pas incarné, à l’inverse de The Queen de Stephen Frears. Enfin, tout en nous laissant pénétrer dans les coulisses de la campagne, Durringer ne nous apprend pas grand-chose, sinon que Cécilia Sarkozy n’est pas allée voter Sarko pour prouver son amour à Richard Attias.
Truffée à l’excès de petites phrases et de bons mots, La Conquête se présente donc avant tout come une comédie divertissante, façon Guignols ou revue de boîte. Avec quelques bons acteurs, à commencer par Bruno Podalydès, bluffant dans son interprétation de Sarkozy. Qu’il s’agisse de sa façon de parler, de marcher de se tenir.
Bref, plus vrai que nature, même s’il prétend s'éloigner de l’imitation. A l’image d’ailleurs de Bernard Le Coq en Chirac. Voire de Florence Pernel en Cécilia. Beaucoup moins convaincant, c’est un euphémisme, Samuel Labarthe en Villepin. Certains rôles secondaires sont également peu soignés.