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  • Grand écran: "La fameuse invasion des ours en Sicile", une perle graphique pleine de magie et de poésie

    Projection-Lorenzo-Mattoti.pngTonio, le fils de Léonce, le roi des ours, est enlevé par des chasseurs dans les montagnes siciliennes et vit désormais chez les humains. Alors que la rigueur de l'hiver menace son peuple de famine, Léonce part à sa recherche et décide d’envahir le territoire des hommes. Avec l’aide de son armée et d’un magicien, il réussit à vaincre et finit par retrouver Tonio. Mais tout n'est pas gagné pour autant. 

    Ce film très personnel, qui ne doit rien à  l’animation américaine ou japonaise, est signé par le génial illustrateur italien Lorenzo Mattoti. Coécrit avec Jean-Luc Fromental et Thomas Bidegain, il est tiré de La fameuse invasion des ours en Sicile de Dino Buzzati, un roman pour enfants publié en 1945. Le réalisateur livre une  perle graphique, pleine de naïveté, de magie, de poésie, de féérie, sublimée par  de flamboyantes couleurs.

    Dans cette fable écologique et métaphorique, un peu pessimiste, racontée par une petite fille et un ménestrel et où il s’est fait plaisir en interprétant un ogre, Lorenzo Mattoti évoque à la fois l’obsession du pouvoir, la corruption politique, la relation père-fils, l’adaptation à une autre culture, l’acceptation de l’autre et de la différence. Pour un ours, voir son fils grandir comme un homme n’est pas facile…

    Un gros défi

    Grand admirateur de Dino Buzzati, un auteur phare qui l’a toujours influencé dans ses dessins, Lorenzo Mattoti s’est lancé un gros défi pour son premier long-métrage, en adaptant l’œuvre réputée inadaptable de l’écrivain. Il l’évoque dans l’entretien qu’il nous a accordé lors de son passage à Genève.

    «Le livre est  compliqué, particulièrement riche. Il y a une foule de personnages étranges, des fantômes des dragons. Plein de petits poèmes aussi. C’était difficile de respecter la structure, car l’histoire est illogique, part dans tous les sens. On a dû inventer des situations pour la justifier, nettoyer un peu, sacrifier des idées. Le rythme est également singulièrement différent entre la lecture et le cinéma. Comme par exemple la danse des ours qu’il a fallu transposer. Ce n’était pas une mince affaire.»

    Vous aviez envie d’introduire un personnage féminin. Pourquoi ?

    Parce qu’aujourd’hui on ne peut plus raconter une histoire sans femmes! Mais surtout cette petite fille est tellement attachante. Très active de surctoît, elle constitue un lien et rend le récit plus fluide. C'était indispensable.

    Il y a un mélange d’aventure et de commedia dell’arte

    On a travaillé avec des masques. J’ai toujours pensé au théâtre dans la mise en scène.

    L’esthétique est originale, en 2 et 3 D. Cela vous a-t-il posé des problèmes ?

    Non je viens d’un monde d’images. Pour moi, le plus ardu a été le traitement, le découpage. J’y ai passé cinq à six ans. Mais cela valait la peine parce que je désirais réaliser un film à grand spectacle pour les jeunes, tout en provoquant une réflexion, en leur parlant de la complexité des choses. Sans les cacher, mais en les disant de manière poétique.

    La langue originale est française. Pour quelle raison?

    Parce que les producteurs et toute l’équipe sont français. En Italie, cela aurait été beaucoup plus dur. Principalement en raison de l'absence de bonnes écoles et donc de grand savoir-faire dans le domaine -

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 9 octobre.

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  • Grand écran: "Joker", un grand film porté par un Joaquin Phoenix magistral

    maxresdefault.jpgApprenti comédien dans les années 80, Arthur Fleck veut faire du stand up. Au début du film on le voit se maquiller en clown. Devant le miroir, il étire de ses doigts les coins de la bouche, se plaquant sur le visage un sourire forcé. Avant d’affronter la violence de la rue où, pour attirer l’attention, il se tient avec sa pancarte.

    Une bande de jeunes décide alors de la lui voler et le jette à terre, s’acharnant sur lui et le rouant de coups. Le début du basculement dans la folie pour Fleck qui, de plus en plus méprisé, humilié, bafoué de tous devient le Joker, un dangereux tueur psychopathe.

    Avec ce récit des origines du personnage culte, ennemi juré de Batman le plus dingue des super vilains de Gotham City, Todd Phillips, justement récompensé par le Lion d’Or à Venise signe une grande œuvre, très loin des codes des films de super-héros classiques. L’histoire, implacable, brutale, est servie par une réalisation stylée, froide, précise, sans effets inutilement spectaculaires, en dépit de scènes barbares.

    Arthur Fleck vit avec sa mère (qui le surnomme Happy) dans un vieil appartement d’une ville au bord du chaos, malgré les promesses de Thomas Wayne, candidat à la mairie. Todd Phillips décrit une situation où les pauvres, traités comme des parias, sont écrasés par les riches dans un système pourri, cautionné par des médias se cantonnant dans le divertissement futile.

    Todd Phillips évoque l’impunité dans laquelle se croient les puissants face aux faibles. Jusqu’à l’inévitable révolte. Socialement très actuel à l’heure où le fossé s’agrandit entre le peuple et les élites, le propos est manifestement destiné à favoriser l’empathie du spectateur pour ce clown triste, personnage hors norme.

    Une prestation flippante et poignante

    Le réalisateur nous invite à une plongée dérangeante dans l’âme tourmentée et torturée d’Arthur Fleck. Même s’il le dépeint comme un psychopathe auteur de crimes affreux, il en fait aussi une icône, un homme attachant, touchant, séduisant, charismatique, glorifiant carrément ses actions abominables, dont le meurtre d’une mère maltraitante. Nous le montrant comme le sauveur de la classe ouvrière de Gotham City, il nous pousse à plaindre cet être immoral.

    Joker est porté de bout en bout par un Joaquin Phoenix magistral, à la fois sinistre, effrayant, humain, monstrueux, provoquant. Indéniablement sur la route de l’Oscar, faute de ne pas avoir pu être sacré meilleur comédien à la Mostra, l'opus ayant déjà reçu la médaille suprême.

    Grimaçant, mentalement dérangé, décharné, la peau sur les os (il a perdu 25 kilos), sujet à des crises de folie et un rire incontrôlable, symbolique de son mal-être provoqué par une lésion cérébrale, il livre une prestation hallucinante, démente, flippante, perturbante, bluffante, déchirante.

    Sa performance extraordinaire a tendance à occulter celle des autres protagonistes. A commencer par celle, pourtant excellente, de Robert De Niro. Sobre, il offre le contrepied parfait à la folle interprétation de Joaquin Phoenix, dans le rôle de Murray Franklin célèbre animateur de talk show, magnat du petit écran proche du personnage incarné par Jerry Lewis dans La valse des pantins de Martin Scorsese.

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 9 octobre.

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  • FIFF de Namur: polar remarquable, "Roubaix, une lumière" décroche le Bayard d'Or

    B9720745537Z.1_20190831172657_000+G26EBP3PU.1-0.jpgIl avait été  ignoré par le jury cannois en mai dernier. Sous la présidence d’André Téchiné, celui du FIFF (Festival international du film francophone) dont la 34e édition vient de se tenir à Namur, a réparé cette incompréhensible oubli. Il a en effet décerné on ne peut plus logiquement son Bayard d’Or du meilleur long-métrage en compétition officielle à Roubaix, une lumière, d’Arnaud Desplechin.

    C’est la première fois que le fer de lance du cinéma d’auteur français s’attaque au polar. Il livre avec Roubaix, une lumière, un film noir, métaphysique, singulier, sublimé par le face-à-face entre Roschdy Zem, Léa Seydoux et Sara Forestier. Les trois se révèlent impressionnants dans cette affaire à la Simenon, à la fois sinistre et banale. Plus particulièrement Roshdy Zem, qui  compose un policier taiseux tenant à la fois du prêtre, de l’assistant social et du psychanalyste. (Voir aussi notre critique du 20 août dernier)

    Le Bayard de la meilleure interprétation est revenu à Fantine Harduin et Thomas Gioria pour leurs rôles dans le film Adoration de Fabrice Du Welz, qui avait eu en août dernier les honneurs de la célèbre Piazza Grande tessinoise. Paul, un jeune garçon solitaire, rencontre Gloria, la nouvelle patiente de la clinique psychiatrique où travaille sa mère. Tombé amoureux fou Paul va s’enfuir avec elle, loin du monde des adultes.

    camille-ffa2019-film-boris-lojkine.jpgLe Prix du meilleur scénario a été attribué à Boris Lojkine et Bojina. Panayotova pour Camille. Cette histoire vraie évoque avec émotion le destin de Camille Lepage (Nina Meurisse, photo), jeune photojournaliste partie en Centrafrique couvrir la guerre civile qui se prépare. Egalement projeté à Locarno, il avait remporté le prix du public.

    Virginie Surdej a décroché le prix de la meilleure photographie pour By the Name of Tania de Bénédicte Liénard et Mary Jiménez. Qui se penchent sur les horreurs vécues par une adolescente péruvienne, forcée de devenir une esclave sexuelle. Cet opus a été également récompensé d’un prix spécial, tandis que la Québécoise Myriam Verreault a reçu une mention spéciale pour Kuessipan. Elle propose une vision réalistico-poétique, aussi originale qu’intéressante, de la jeunesse innue d’Uashat, une réserve de la Côte-Nord.

    Dans la compétition Première oeuvre de fiction, on est moins séduit par le choix du jury Emile Cantillon (composé de cinq étudiants en cinéma âgés de 18 à 25 ans) qui a récompensé Perdrix, une comédie loufoque d’Erwan Le Duc. En revanche Mamadou Dia mérite bien à notre avis le Prix découverte pour son premier long métrage Le père de Nafi. Il imagine une petite ville du Nord du Sénégal qui tombe peu à peu dans l’extrémisme religieux.

    lola.jpgOn signalera encore parmi les nombreux autres prix, Lola vers la mer du Belge Laurent Micheli, qui livre un film bouleversant sur la transidentité à travers l’affrontement douloureux d’une adolescente et d’un père brisé par la mort de sa femme.

    S’obstinant à l’appeler Lionel, son nom de garçon, il la rejette, n’acceptant ni ne comprenant la transition. L'auteur crée ainsi une situation familiale diamétralement opposée à celle du fameux Girl de Lukas Dhont. 

    Le rôle principal de Lola est interprété par la jeune transgenre Mya Bollaers (photo), une révélation. Elle donne la réplique à un très convaincant Benoît Magimel, qu’on retrouve avec un vrai plaisir.

    Avec sa programmation variée de 139 longs et de courts métrages, beaucoup d’œuvres à sujet reflétant la vie et ses problèmes, d’opus engagés, inédits, poétiques, drôles, inédits ou vus dans d'autres festivals, le FIFF a rempli sa mission dans ce cru 2019, en présence de 250 invités et de 340 journalistes: rendre compte une nouvelle fois de la diversité du cinéma.

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