Grand écran: "Joker", un grand film porté par un Joaquin Phoenix magistral (08/10/2019)

maxresdefault.jpgApprenti comédien dans les années 80, Arthur Fleck veut faire du stand up. Au début du film on le voit se maquiller en clown. Devant le miroir, il étire de ses doigts les coins de la bouche, se plaquant sur le visage un sourire forcé. Avant d’affronter la violence de la rue où, pour attirer l’attention, il se tient avec sa pancarte.

Une bande de jeunes décide alors de la lui voler et le jette à terre, s’acharnant sur lui et le rouant de coups. Le début du basculement dans la folie pour Fleck qui, de plus en plus méprisé, humilié, bafoué de tous devient le Joker, un dangereux tueur psychopathe.

Avec ce récit des origines du personnage culte, ennemi juré de Batman le plus dingue des super vilains de Gotham City, Todd Phillips, justement récompensé par le Lion d’Or à Venise signe une grande œuvre, très loin des codes des films de super-héros classiques. L’histoire, implacable, brutale, est servie par une réalisation stylée, froide, précise, sans effets inutilement spectaculaires, en dépit de scènes barbares.

Arthur Fleck vit avec sa mère (qui le surnomme Happy) dans un vieil appartement d’une ville au bord du chaos, malgré les promesses de Thomas Wayne, candidat à la mairie. Todd Phillips décrit une situation où les pauvres, traités comme des parias, sont écrasés par les riches dans un système pourri, cautionné par des médias se cantonnant dans le divertissement futile.

Todd Phillips évoque l’impunité dans laquelle se croient les puissants face aux faibles. Jusqu’à l’inévitable révolte. Socialement très actuel à l’heure où le fossé s’agrandit entre le peuple et les élites, le propos est manifestement destiné à favoriser l’empathie du spectateur pour ce clown triste, personnage hors norme.

Une prestation flippante et poignante

Le réalisateur nous invite à une plongée dérangeante dans l’âme tourmentée et torturée d’Arthur Fleck. Même s’il le dépeint comme un psychopathe auteur de crimes affreux, il en fait aussi une icône, un homme attachant, touchant, séduisant, charismatique, glorifiant carrément ses actions abominables, dont le meurtre d’une mère maltraitante. Nous le montrant comme le sauveur de la classe ouvrière de Gotham City, il nous pousse à plaindre cet être immoral.

Joker est porté de bout en bout par un Joaquin Phoenix magistral, à la fois sinistre, effrayant, humain, monstrueux, provoquant. Indéniablement sur la route de l’Oscar, faute de ne pas avoir pu être sacré meilleur comédien à la Mostra, l'opus ayant déjà reçu la médaille suprême.

Grimaçant, mentalement dérangé, décharné, la peau sur les os (il a perdu 25 kilos), sujet à des crises de folie et un rire incontrôlable, symbolique de son mal-être provoqué par une lésion cérébrale, il livre une prestation hallucinante, démente, flippante, perturbante, bluffante, déchirante.

Sa performance extraordinaire a tendance à occulter celle des autres protagonistes. A commencer par celle, pourtant excellente, de Robert De Niro. Sobre, il offre le contrepied parfait à la folle interprétation de Joaquin Phoenix, dans le rôle de Murray Franklin célèbre animateur de talk show, magnat du petit écran proche du personnage incarné par Jerry Lewis dans La valse des pantins de Martin Scorsese.

A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 9 octobre.

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