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  • Grand écran: "Madame" fait valser les tabous dans un émouvant double autoportrait

    Madame_Stephane_Riethauser_outplayfilms_05.jpgElle lui offre une  caméra pour Noël et il se met à la filmer à l’occasion de son 90e anniversaire. Quinze ans après sa mort, en 2004, on plonge ainsi dans l’intimité d’une incroyable relation, belle, émouvante et cash entre Caroline, une grand-mère peu banale et son petit-fils Stéphane Riethauser, réalisateur de Madame, qui leur est consacré.

    Mis à nu dans un double autoportrait, les deux se confient sur le genre, la sexualité, la domination masculine,  la condition féminine. Elle était devenue une pestiférée, lui a craint de l’être. D’un côté, on découvre une fille d’immigrés italiens promise à une vie domestique dans les années 1920, qui parvient à sortir d’un mariage forcé pour s’imposer en femme d’affaires dans un univers d’hommes.

    De l’autre, on trouve un jeune homme formaté hétéro qui s’oblige, entre doutes et mensonges, à jouer la partition du sexe fort au sein d’une famille genevoise bourgeoise. Avant de dire non au comportement machiste, au discours homophobe de droite et de faire son coming out à 22 ans. Pour militer ensuite sans relâche pour la cause.

    Stéphane Riethauser, photographe, auteur de nombreux reportages et documentaires pour la Télévision romande,  réalisateur et producteur indépendant à Berlin où il vit depuis dix ans, explore ainsi  la transmission de l’identité de genre dans un monde patriarcal hostile à la différence. Il  imagine le dur combat féminin, à travers celui de sa Madame à lui pour mener sa barque à son idée. Particulièrement en son temps. D’où un dialogue à la fois réel et fictif remettant en question les tabous, entre cette charismatique vieille dame et le bouillant activiste gay.

    Une tonne d'archives

    Objet cinématographique singulier à la fibre tragicomique, Madame tire une part de son originalité d’une tonne d’archives privées s’étalant sur trois générations. Un trésor composé de photos, de westerns que le petit Stéphane tournait dans son jardin, de journaux intimes d’images  en noir et blanc d’un film en noir  et blanc tourné par son père qui voulait être cinéaste, mais  qui est devenu expert-comptable.

    S’il a documenté son enfance, Stéphane se considère comme le descendant spirituel de son excentrique aïeule. « A sa manière, elle s’immisçait dans ma vie. Elle n’était pas toujours facile. Elle m’a même boudé quand j’ai refusé de cacher mon homosexualité. Puis nous nous sommes encore mieux retrouvés. Parce que nos destins se rejoignent. Tous les deux, on a dû lutter pour être qui on était, au risque de se faire rejeter. Mais au-delà de la volonté de préserver la mémoire, j’utilise surtout mon parcours pour raconter quelque chose de plus large sur l’éducation des enfants en forme de lavage de cerveau à l’époque ».

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 23 octobre. Avant-première au Bio, Carouge, le 22 à 20h30.

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  • Grand écran: "Fahim", l'histoire vraie d'un jeune prodige des échecs bengali émigré en France

    925480.jpgPierre-François Laval, alias Pef, ex-Robin des Bois, acteur, scénariste et réalisateur de comédies potaches comme Les Profs ou Gaston Lagaffe, change de registre.. Il s'est lancé dans le drame social, en se penchant sur l'incroyable histoire vraie de Fahim Mohammad, forcé de quitter son Bangladesh natal à 8 ans  avec son père, pour la France.

    Dès leur arrivée à Paris, ils se démènent  pour obtenir l'asile politique, avec la crainte d'être expulsés à tout moment. Génie des échecs, Fahim, (Assad Ahmed), peut heureusement entrer dans l'équipe de Créteil dirigée par Sylvain (Gérard Depardieu).. Excellent coach, l'un des meilleurs du pays, assisté de l'humaniste Mathilde (Isabelle  Nanty), il cache sa tendresse et son empathie sous des airs de prof grognon, bourru et intransigeant.

    Suite à quelques prises de bec, cet ogre imposant et cet insolent gamin  qui ne se laisse pas impressionner, vont se lier d’amitié, le premier ayant rapidement flairé  le prodigieux talent du second. Alors que le Championnat de France commence, la menace d’expulsion se précise et le petit as des échecs n’a plus qu’une seule chance pour éviter d’être mat: gagner la sélection.des moins de 12 ans..

    Fahim est adapté d’Un roi clandestin de Sophie Le Callenec et Xavier Parmentier qui se basent sur des faits réels. Au-delà de l’exil, du déracinement et des embûches dans le traitement des candidats à l’asile, Pef raconte le courage du jeune garçon en quête d’une intégration passant par sa  ténacité dans son l’entrainement aux échecs. Avec l’espoir d’une vie meilleure.

    Ce modeste récit d’une volonté farouche de réussite envers et contre tout donne un feel good movie susceptible de plaire à tous les publics. Certes lisse, plein de bons sentiments et sans surprise, il n'évite pas les clichés. Mais Gérard Depardieu et le jeune Assad Ahmed pourraient faire des miracles....

    A l'affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 16 octobre.

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  • Grand écran: "Papicha", les insoumises contre l'intégrisme dans l'Algérie des années 90

    maxresdefault.jpgAlger, années 90. La décennie noire, qui a fait près de 200.000 victimes sur fond de terrorisme islamique. Ce  contexte politico-social d’une rare violence a inspiré à Mounia Meddour, son premier film de fiction Papicha. Interdit de projection en Algérie, il la représentera tout de même aux Oscars en février prochain.

    Nedjma,18 ans, insolente, rebelle et farouchement indépendante, habite la cité universitaire et rêve de devenir styliste. A la nuit tombée, elle fait le mur pour rejoindre une boîte de nuit où elle vend ses créations aux «papichas», un mot utilisé en ce temps-là pour désigner les jolies et coquettes Algéroises.

    Mais cela ne suffit pas à l’insoumise. Malgré la pression des intégristes qui tentent de museler les femmes et de contrôler leur corps en le cachant, Nedjma décide, avec ses meilleures amies dont Wassila, de se battre pour leur liberté en organisant un défilé de mode. Rejetant les carcans sociaux, l’obscurantisme religieux et le bagne traditionaliste, ces jeunes femmes follement courageuses bravent ainsi  tous les interdits.

    Vouloir être belles, transgression suprême

    On pourrait reprocher à cette ode à l’émancipation des femmes à travers la mode quelques petites maladresses dans le récit, un côté un peu attendu, parfois trop démonstratif. Mais ce sont des réserves mineures en regard de la vitalité et de l’énergie que l’opus dégage. On est séduit par la passion, la sensualité, la rage de vivre et d’aimer de ces résistantes avides de modernité, de vouloir être belles, de libérer, transgression suprême, leur corps au lieu de l’enfermer. Et cela en dépit d’une oppression fondamentaliste qui se manifeste partout, chaque jour.

    Magnifiquement porté par ses comédiennes, plus particulièrement par la lumineuse Lyna Koudri (Nedjma)et l’attachante Shirine Boutella (Wassila), deux révélations, ce plaidoyer intense, aussi émouvant que nécessaire, repose sur des faits réels, monstrueux. Il salue les femmes qui n'ont cessé d'avancer malgré le danger. Et qui l’ont parfois payé de leur vie.

    000_1gj8ry.jpg«J’ai vécu un temps comme les filles du film»

    Cette reconstitution à la fois déchirante et stimulante de l’Algérie a une résonance autobiographique. Dans les années 90, sa réalisatrice Mounia Meddour y a vécu. «J’avais 18 ans et je résidais dans une cité universitaire. J’ai vécu un temps comme les filles du film », nous raconte-elle lors d’une rencontre au Festival Arte Mare de Bastia où Papicha a reçu le Prix du public. «J’ai vu la montée du radicalisme à la télévision pendant que j’étais à Alger. Mais à un moment donné, j’ai dû fuir avec ma famille, des intellos de gauche, à Paris».

    Mounia Meddour a voulu transmettre cette période. «Il m’a fallu quinze ans de maturation, cinq ans d’écriture et cinq semaines de tournage à Alger. Mais je le fais en choisissant un angle particulier. «Comme on veut couvrir le corps des femmes, la mode dévoile la féminité. C’est un exutoire, un élément révélateur, fédérateur. Les filles se retrouvent autour de ce défilé avec énormément de courage».

    Un film de résistance 

    Féministe et universel, Papicha, cri de colère, est surtout un film de résistance. «Tout était très compliqué, très dur pour elles d’exister dans l’espace public. En fait elles n’existaient pas du tout. C’était une période terriblement sombre. Certaines étaient attaquées à l’acide ou ont été tuées parce qu’elles refusaient de mettre le voile. C’est à toutes celles qui se battaient, qui ne s’avouaient pas vaincues, que je rends hommage »

    Sélectionné dans la section Un Certain regard au dernier Festival de Cannes, Papicha, qui a été ovationné («c’était énorme!») figure, comme on l'a déjà dit plus haut, sur la liste pour l’Oscar du film étranger. Mounia Meddour ne se fait toutefois guère d’illusions. «Cela flatte l’ego, mais la concurrence est trop rude. Je ne cours pas dans la même catégorie que Parasite. Et ce n’est qu’un exemple».

    Voilà qui n’empêche pas la réalisatrice de réfléchir à un prochain film sur le milieu de la danse à Alger, dans le contexte politique actuel cette fois. «Ce sera très proche du réel».   

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 14 octobre.

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