Grand écran: "Madame" fait valser les tabous dans un émouvant double autoportrait (22/10/2019)

Madame_Stephane_Riethauser_outplayfilms_05.jpgElle lui offre une  caméra pour Noël et il se met à la filmer à l’occasion de son 90e anniversaire. Quinze ans après sa mort, en 2004, on plonge ainsi dans l’intimité d’une incroyable relation, belle, émouvante et cash entre Caroline, une grand-mère peu banale et son petit-fils Stéphane Riethauser, réalisateur de Madame, qui leur est consacré.

Mis à nu dans un double autoportrait, les deux se confient sur le genre, la sexualité, la domination masculine,  la condition féminine. Elle était devenue une pestiférée, lui a craint de l’être. D’un côté, on découvre une fille d’immigrés italiens promise à une vie domestique dans les années 1920, qui parvient à sortir d’un mariage forcé pour s’imposer en femme d’affaires dans un univers d’hommes.

De l’autre, on trouve un jeune homme formaté hétéro qui s’oblige, entre doutes et mensonges, à jouer la partition du sexe fort au sein d’une famille genevoise bourgeoise. Avant de dire non au comportement machiste, au discours homophobe de droite et de faire son coming out à 22 ans. Pour militer ensuite sans relâche pour la cause.

Stéphane Riethauser, photographe, auteur de nombreux reportages et documentaires pour la Télévision romande,  réalisateur et producteur indépendant à Berlin où il vit depuis dix ans, explore ainsi  la transmission de l’identité de genre dans un monde patriarcal hostile à la différence. Il  imagine le dur combat féminin, à travers celui de sa Madame à lui pour mener sa barque à son idée. Particulièrement en son temps. D’où un dialogue à la fois réel et fictif remettant en question les tabous, entre cette charismatique vieille dame et le bouillant activiste gay.

Une tonne d'archives

Objet cinématographique singulier à la fibre tragicomique, Madame tire une part de son originalité d’une tonne d’archives privées s’étalant sur trois générations. Un trésor composé de photos, de westerns que le petit Stéphane tournait dans son jardin, de journaux intimes d’images  en noir et blanc d’un film en noir  et blanc tourné par son père qui voulait être cinéaste, mais  qui est devenu expert-comptable.

S’il a documenté son enfance, Stéphane se considère comme le descendant spirituel de son excentrique aïeule. « A sa manière, elle s’immisçait dans ma vie. Elle n’était pas toujours facile. Elle m’a même boudé quand j’ai refusé de cacher mon homosexualité. Puis nous nous sommes encore mieux retrouvés. Parce que nos destins se rejoignent. Tous les deux, on a dû lutter pour être qui on était, au risque de se faire rejeter. Mais au-delà de la volonté de préserver la mémoire, j’utilise surtout mon parcours pour raconter quelque chose de plus large sur l’éducation des enfants en forme de lavage de cerveau à l’époque ».

A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 23 octobre. Avant-première au Bio, Carouge, le 22 à 20h30.

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