Cohue sur la Croisette où les voitures roulent pare-choc contre pare-choc. Les badauds stagnent devant le Majestic, les stars squattent les murs de la ville et des palaces, l’affiche de 22 mètres sur 26, représentant Joanne Woodward et Paul Newman sur le tournage de « A new kind Of Love » a été déployée sur le fronton du Palais, le fameux tapis rouge posé. C’est parti pour douze jours de cinéma, de paillettes, de glamour. Et de clinquant façon Canal + où le Grand Journal attend fébrilement Nabila, nouvelle vedette planétaire à l’origine du buzz le plus naze du web…
Avant de monter les 24 marches mythiques Leonardo DiCaprio, héros de « Gatsby le Magnifique » dont la projection officielle donnait mercredi soir le véritable coup d’envoi à la 66e édition de la plus médiatique grand-messe annuelle de la pellicule, avait sans surprise rameuté la méga foule, provoquant un véritable vent de folie.
Journalistes rendus à l’état sauvage
L’horizon bouché par une forêt de caméras et une queue interminable servent de prétextes aux journalistes pour retourner à l’état sauvage, se bousculant et se piétinant férocement les petons dans l’espoir vain de décrocher un siège.
Cette agitation extrême, carrément bordélique à l’extérieur du Palais, contrastait singulièrement avec l’accueil glacial de la critique lors de la projection matinale et les maigres applaudissements récoltés par l’équipe du film à son apparition dans le saint des saints du jour plein à craquer.
En revanche le public a trouvé géniale cette quatrième et ambitieuse adaptation du roman culte de Scott Fitzgerald, paru en 1926. Logique, l'opus était parfait pour inaugurer ce raout où se presse le gotha de la branche ou s’imaginant tel. D’autant que l’auteur l’avait écrit à quelques kilomètres de Cannes, dans un hôtel de Juan-les-Pins.
Le monde de Gatsby, mystérieux millionnaire
Il raconte l’histoire de Nick Carraway, apprenti écrivain, débarqué à New York pour faire fortune à Wall Street et qui finit par s’étourdir dans le monde de ces richissimes parvenus qui le fascinent. Un monde où règne Jay Gatsby, mystérieux millionnaire amoureux fou de la belle Daisy (Carey Mulligan) et célèbre pour ses somptueuses fêtes.
Les thèmes, la musique, la réalisation éclatante, les costumes fastueux, les comédiens, à commencer par l’excellent Leonardo DiCaprio, craquant, attachant et troublant Gatsby, tout promettait un film grandiose, à la hauteur du talent de Baz Luhrmann.
Mais en dépit de quelques scènes sublimes, le cinéaste déçoit par une délirante surenchère visuelle. Cédant à la superficialité, il sacrifie un témoignage du déclin de l’empire américain ainsi qu’une histoire d’amour hors norme doublée d’une tragédie épique, à d’extravagants, sinon parfois triviaux excès d’opulence. A noter enfin l’inutilité, comme souvent, de l’utilisation de la 3D
L'auteur et sa star satisfaits d'eux
La fraîche réception de la critique n’a pas empêché l’auteur et son protagoniste vedette de se montrer très contents du job et de leur prestation respective. Leonardo DiCaprio, reconnaissant envers son metteur en scène d’avoir sorti le meilleur de lui-même grâce à son enthousiasme contagieux, n'exclut pas d'avoir quelque chose de Gatsby en lui.
"En fait il nous fascine tous. En découvrant le livre à l’école, je m’étais un peu reconnu dans ce personnage. Mais quand Baz Luhrmann m’a proposé le rôle, je l’ai relu et il a pris une signification différente. La tragédie de cet homme rêvant de devenir un Rockfeller en cherchant une signification à sa vie m’a ému. Cela laisse la place à d’innombrables interprétations" .
De son côté le réalisateur remarque que DiCaprio était le seul à pouvoir incarner Gatsby, avant d’expliquer qu’il a été inspiré par une révélation datant de dix ans. " J’étais dans un train avec deux livres dont l’un était Gatsby. Et je me suis aperçu que je ne le connaissais pas vraiment. La façon de Scott Fitzgerald de mettre des mots sur ce que les gens m’a passionné. Et j’ai été marqué par ce grand roman américain écrit à trente kilomètres de Cannes, alors que sa femme le trompait sur la plage… "
Nouveau film à l’affiche dans les salles romandes.