Invitée quasi permanente sur la Croisette, la pluie fait le bonheur des vendeurs de parapluie agglutinés aux abord du Palais et le malheur des festivaliers au bord de la crise de nerfs. Car c’est une chose de battre la semelle par beau temps et une autre que de poireauter des plombes sous des trombes d’eau.
Heureusement, il y a de quoi se remonter le moral dans les salles obscures, où les bons films se succèdent en compétition ou hors concours depuis le début du grand rendez-vous cannois. A commencer par Le passé de l’Iranien Asghar Farhadi, Ours d’Or à Berlin en 2011 avec Une séparation acclamé partout depuis. Le passé ne devrait pas échapper à l’engouement général.
Il raconte l’histoire d’Ahmad, débarqué de Téhéran à Paris quatre ans après s’être séparé de sa femme française Marie et venu la rejoindre pour officialiser le divorce. Il découvre la relation conflictuelle que Marie entretient avec sa fille Lucie et lève le voile sur un drôle de secret en tentant, souvent maladroitement, d’améliorer la situation.
Un excellent film, parfaitement mis en scène et formidablement interprété. Notamment par la ravissante et intelligente Bérénice Bejo (photo). Après avoir triomphé il y a deux ans aux côtés de Jean Dujardin dans The Artist, muet en noir et blanc césarisé et oscarisé de Michel Hazanavicius, elle nous bluffe complètement en se glissant dans la peau de Marie.
Genre marmite à vapeur, toujours dans l'action contrairement aux mâles un peu lâches et fuyants, elle se démène, prend les décisions, s’énerve, pose les questions qui fâchent, exige des réponses. Bérénice a aimé chez cette femme le fait qu’elle ne lui ressemble absolument pas. «Quel bonheur de pouvoir jouer un personnage aussi éloigné de soi. En tant qu’actrice, j’ai vécu des moments exceptionnels».
Elle partage l’affiche avec le craquant Tahar Rahim, magnifique acteur dans l’inoubliable Audiard Un prophète qui ne démentira pas ses propos, bien au contraire. Toujours aussi bon et très demandé, il a également un des rôles principaux dans Grand Central signé Rebecca Zlotowski, en compagnie de Léa Seydoux, l’héroïne de la Suissesse Ursula Meier dans L’enfant d’en-haut. Sur fond de redoutables dangers nucléaires, le film raconte une grande histoire d’amour. Le film est en compétition dans la section Un certain regard.
En lice pour la Palme d’Or, on a également beaucoup aimé Tel père, tel fils, le long-métrage du Japonais Kore-Eda Hirokazu. A partir d’une idée d’enfants échangés à la naissance, le réalisateur analyse subtilement les réactions de deux familles. Plus particulièrement celle d’un architecte obsédé par la réussite professionnelle et dont les repères volent en éclats lorsque la maternité lui apprend que le garçon qu’il élève depuis six ans n’est pas le sien. Et que son fils biologique a grandi dans un milieu beaucoup plus modeste.
Un opus plein de finesse, d’émotion, de tendresse et d’humour, qui sait ne pas tomber dans le pathos. Une vraie réussite qui tient évidemment aussi à la remarquable interprétation de tous les acteurs, dont les enfants.
Le passé est à l'affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 22 mai.