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  • Grand écran: "Vous ne désirez que moi" raconte les ravages d'un amour toxique. Swann Arlaud génial

    Signé Claire Simon, le film livre une série d’entretiens entre Yann Andréa, l’amant homosexuel de Marguerite Duras, et la journaliste Michèle Manceaux en 1982. En ouverture, on découvre un  jeune homme, couché sur un divan. Il écoute Capri c’est fini, le tube d’Hervé Villard. Il se lève et se penche à la fenêtre. Il attend une femme à qui il veut se confier. 

    Ce jeune homme, c’est Yann Andréa, l’amant de Marguerite Duras depuis deux ans, Il éprouve le besoin de parler Sa relation passionnelle avec l’écrivaine, de 38 ans son aînée,  ne lui laisse plus aucune liberté, Il doit mettre des mots sur ce qui l’envoûte et le torture. Il demande à une amie journaliste de l’interviewer pour y voir plus clair et décrit  avec lucidité et sincérité la complexité de leur amour et les injonctions auxquelles il est soumis.  

    En 2016, l’échange est devenu un livre  (Je voudrais vous parler de Duras) que Claire Simon a décidé de mettre en images avec la complicité de Swann Arlaud (Andréa) et Emmanuelle Devos (Manceaux). Tout se déroule au domicile de la romancière à Neauphle-le-Château. Pendant une heure trente-cinq, une personne s’épanche, l’autre écoute et enregistre, relançant de temps en temps la conversation en la recadrant. A la base il s’agit d’une simple interview filmée, mais grâce à la mise scène singulière de Claire Simon, on est immédiatement happé par l’histoire que déroule, entre bonheur et douleur, Yann Andréa sous les traits de Swann Arlaud.   

    Amour total, toxique, dévorant, destructeur

    C’est à Caen que le jeune étudiant en philosophie, rencontre Marguerite Duras à l’occasion d’une projection d’ « India Song ». Depuis qu’il est adolescent, elle a investi sa vie. Il est amoureux de son style après avoir lu « Les petits chevaux de Tarquinia ». Il lui écrit une lettre à laquelle elle ne répond pas. Cinq ans passent jusqu'au jour où ils se retrouvent à Trouville. Ils ne se quitteront plus.

    Vous ne désirez que moi parle de l'amour total, toxique, des ravages d’une passion dévorante, destructrice. Il fallait un sacré bon comédien pour se glisser dans la peau de Yann Andréa, fan absolu, amant sous emprise, renonçant à tout. Swann Arlaud y parvient avec un incroyable naturel et une rare intensité. Il n'incarne pas, il est cet être démoli, bouleversant, aussi désarmant que désarmé face à cette femme qui l'absorbe tout entier. 

    Pris dans son enfer, il raconte son rapport de fascination, d'admiration,de fascination obsessionnelle à Duras qui réprime ses désirs homosexuels, ne supportant même pas qu'il puisse en avoir, et qui veut le décrèer pour le créér. En même temps il dit: "Je suis sûr que jamais personne ne m'aimera comme ça. D'une attention jusqu'à vouloir que je n'existe plus, tellement cet amour est grand".

    L'ombre de la grande Marguerite plane sur ce face-à-face passionnant. On comprend qu'elle n'est pas loin. On la voit une seconde de dos, on l'entend déambuler, se manifester par de brèves sonneries de téléphone. Par ailleurs elle apparaît dans des images d'archives, des extraits de films, ajoutant de la puissance dramatique à l'oeuvre d'une Claire Simon particulièrement inspirée.

    A l'affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 30 mars.  

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  • Grand écran: "Wet Sand", l'amour quoi qu'il en coûte face à une société pétrie de préjugés contre la diversité

    Un village géorgien, au  bord de la mer Noire. Ce soir-là, l’eau scintille, magnifiquement éclairée par la lune. Le vieil Eliko regarde du balcon les vagues se briser sur la plage, avant de s’asseoir à sa table pour enrouler mystérieusement une lettre autour ‘une bouteille de vin. Le lendemain, on apprend qu’il s’est pendu. Les habitants, apparemment de sympathiques bons vivants, révèlent pourtant leur vrai visage, en accueillant cette triste nouvelle avec une indifférence teintée d’une curieuse satisfaction. Ils n’aimaient pas ce type qui cachait sa vie privée, le trouvaient « inadapté » et le considéraient comme un étranger alors qu’il vivait là depuis des lustres.  

    Il  n’y a qu’Amnon, le patron du Wet Sand, le bar du coin, et la jeune serveuse Fleshka, elle aussi « antisociale », pour manifester de la compassion. Débarque alors de la capitale Tbilissi Moe, la petite-fille d’Eliko, pour organiser les funérailles. Grande, mince, cheveux courts, tatouée, pas conforme non plus, elle se heurte rapidement à la méfiance, aux mensonges, à la trahison, à l’intolérance. Un rejet qui la pousse à se rapprocher d’Amnon. Il va lui révéler sa relation avec Eliko, son amant secret avec qui il a partagé, dans la crainte constante d’être découvert, les 22 dernières années de sa vie. Il lui offrira le sacrifice suprême.  

    Une histoire porteuse d’espoir

    Si le film superbement photographié d’Elene Naveriani parle à ceux qui n’ont pas pu et ne peuvent toujours pas vivre leur amour, il est également porteur d’espoir. Les douloureuses  confidences d’Amnon et cette version inédite de Roméo et Juliette vont pousser Moe dans les bras de Fleshka. Contrairement aux anciens, elles ne se cacheront pas mais oseront montrer leurs désirs, affirmer leur identité, refuser la discrimination.

    La réalisatrice géorgienne, qui a décroché le Prix de Soleure, livre un mélodrame poétique, mélancolique, profond, d’autant plus bouleversant que les sentiments, mesurés, sont exprimés sans artifice. Elle brosse ainsi le portrait intelligent, sensible et nuancé d’une population étroite d’esprit, sectaire, pétrie de préjugés contre une diversité vue comme une anomalie à traiter d’urgence, nous confrontant ainsi à une réalité qui n’est hélas pas propre à son pays.  

    Comme un symbole,  Wet Sand fait par ailleurs écho à l’actualité, se déroulant sur fond d’événements socio-politiques, de catastrophes environnementales, de célébration modeste  (pour cause de pandémie) du jour de la Famille, créée dans le but de s'opposer à la Journée  internationale contre l'homophobie et la transphobie. On y repère également des articles de presse indiquant des droits de l’Homme bafoués, plus particulièrement ceux de la communauté LGBTIQ+.

    A l'affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 30 mars.

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  • Grand écran: "Petite nature", mais grande découverte avec la révélation Aliocha Reinert

    Dix ans, faussement frêle avec son irrésistible gueule d’ange, son look féminin et ses longs cheveux blonds, Johnny (Aliocha Reinert) ne s’intéresse qu’aux histoires des adultes. Dans sa cité HLM de Forbach en Lorraine, l’un de ces territoires perdus de la République, il sait jouer des poings quand il faut, s’occupe de sa petite sœur et observe avec une curiosité condescendante la vie sentimentale triste et agitée de sa mère. Aimante façon louve protégeant sa progéniture, elle est parfois dure, impitoyable et trop portée sur la bouteille.

    Astucieux, débrouillard, Johnny a soif d’ailleurs. Son but, échapper à sa condition. Et justement cette année-là, les choses semblent pouvoir changer lorsqu’il intègre le cours de Monsieur Adamski (Antoine Reinartz), venu de Lyon avec sa femme Nora (Izia Higelin), conservatrice de musée. Tout ce que le gamin idéalise. Immédiatement séduit par son savoir, ses connaissances, son statut, le sapiophile tombe amoureux de son nouvel instituteur.

    Ce n'est pas étonnant dans la mesure où ce dernier croit fermement dans le potentiel et l’intelligence de ce préado bridé par son milieu dans ses ambitions d’ascension sociale. il s’en occupe alors davantage que des autres élèves, lui ouvre les portes d’un monde différent grâce à la poésie de Blaise Cendrars et va, sans se rendre compte de son erreur, jusqu’à passer du temps avec lui en-dehors de l’école. Comme cette visite au Centre Pompidou-Metz, où Johnny découvre une œuvre symbolique de son combat de transfuge de classe.

    L'auteur un instant sur la corde raide

    Du coup, Samuel Theis marche sur la corde raide et on redoute de voir cette relation glisser sur la pente dangereuse de la pédophilie. Plus particulièrement à la faveur d’une scène dont le côté trouble est induit par Johnny, prêt à tout pour s’attirer les préférences de son mentor. Rien de tel pourtant. La fascination du gosse est à sens unique, l’instituteur lui opposant un refus catégorique. Evitant le piège, le réalisateur se sort brillamment de cette situation périlleuse en se mettant à hauteur de l’enfant et en montrant les choses à travers son regard.

    Dans ce récit d’apprentissage, son  deuxième long métrage après  Party Girl , Samuel Theis explore ainsi l’éveil confus de son héros à la sexualité, la prise de conscience de son identité, son désir d’émancipation. Subtil, fort, tendre, pudique, Petite nature est une grande réussite à laquelle contribue largement le très attachant Aliocha Reinert. Portant le film de bout en bout il est impressionnant de justesse et de charisme dans le rôle d’un personnage rebelle ambivalent. Une véritable révélation dans cette ambitieuse pépite qui avait eu les honneurs de La Semaine de la critique en juillet dernier à Cannes.

    «J’avais ce sujet en tête depuis longtemps. C’est autobiographique. Je suis même allé plus loin », nous raconte le beau Samuel Theis rencontré récemment à Genève. « Il s’agit  d’un film sur l’affirmation de soi, de son identité, alors qu’on a souvent tendance à être ce qu’on vous pousse à être. Un récit d’émancipation sur les éveils sexuel, intellectuel, affectif, social ».

    -Votre petit héros  vient d’un milieu défavorisé dont il a honte. Il veut échapper à son destin.

    -Oui, J’ai moi-même violemment ressenti cette honte. Johnny est en colère. Il se cherche, crie sa différence à la face de sa mère et des autres adultes. Toutefois, si la lutte sociale est à l’œuvre, je ne montre pas un rapport frontal entre les classes, mais  un rapport de fascination.

    -Et c’est Monsieur Adamski qui va lui ouvrir les portes de cet autre monde auquel il aspire si ardemment, déclenchant chez lui un plaisir presque charnel.Ainsi qu'un éveil sexuel comme vous le mentionniez. Mais quand cela concerne un gosse de dix ans, le traitement du sujet est plutôt casse-gueule. Vous vous y employez formidablement.

    -Comment en effet le traduire en images sans mettre le spectateur mal à l’aise. Je me suis posé la question. J’ai choisi d’être pudique en restant à hauteur d’enfant pendant tout le film, avec son regard sur le monde et non le contraire.

    -Vous brisez un tabou dans la mesure où c’est Johnny qui drague son instituteur chez lui. C’est osé.

    -Il est dans un désir de conquête avec un sentiment de toute puissance comme j’ai pu personnellement l’éprouver. La différence entre un adulte et un enfant, c'est que le premier est responsable, pas le second. Mais il ne s’agit pas d’un discours général. Je le contextualise.

    -On peut craindre un instant un glissement vers la pédophilie. Heureusement Monsieur Adamski lui oppose un non catégorique. D’une façon cruelle dans la mesure où c’est lui qui a commis l’erreur d’avoir invité le garçon en-dehors des heures de cours. A cet égard, il y a un côté piégeux à être prof aujourd’hui.

    -Je confirme! J’ai parlé parlé avec le corps enseignant dans une école de mon quartier. Il y a énormément de crispation. Le climat est anxiogène. Les adultes ne peuvent être seuls avec un enfant et les classes doivent rester ouvertes.

    -Un mot sur les comédiens. Ils sont tous parfaits, mais Aliocha Reinert est spécial. Une révélation, un acteur-né, dont il a la grâce, l'intensité. Où l'avez-vous déniché? 

    -J’ai beaucoup prospecté. Au départ, je voulais qu’il soit de Forbach. Mais cela n’a pas été possible. J’ai étendu mes recherches jusqu’à Metz, puis Nancy. C’est là que je l’ai trouvé. Il faisait de la danse. Il était saisissant avec son physique angélique. Pour moi, il ressemble à Tadzio (Björn Andrèsen) l’adolescent androgyne à la beauté éthérée de Mort à Venise.  

    -Comment l’avez-vous convaincu? C’est quand même un rôle peu banal...  

    J’y suis allé progressivement. J’ai bien raconté l’histoire à ses parents qui ont décidé de le laisser choisir. Aliocha m’a demandé quelques jours de réflexion  avant de me dire qu’il était partant. Sur le tournage, c’était un vrai collaborateur. Il a compris qu’il était moi à son âge. 

     Petite nature, à l'affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 23 mars.

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