Grand écran: "Vous ne désirez que moi" raconte les ravages d'un amour toxique. Swann Arlaud génial (30/03/2022)
Signé Claire Simon, le film livre une série d’entretiens entre Yann Andréa, l’amant homosexuel de Marguerite Duras, et la journaliste Michèle Manceaux en 1982. En ouverture, on découvre un jeune homme, couché sur un divan. Il écoute Capri c’est fini, le tube d’Hervé Villard. Il se lève et se penche à la fenêtre. Il attend une femme à qui il veut se confier.
Ce jeune homme, c’est Yann Andréa, l’amant de Marguerite Duras depuis deux ans, Il éprouve le besoin de parler Sa relation passionnelle avec l’écrivaine, de 38 ans son aînée, ne lui laisse plus aucune liberté, Il doit mettre des mots sur ce qui l’envoûte et le torture. Il demande à une amie journaliste de l’interviewer pour y voir plus clair et décrit avec lucidité et sincérité la complexité de leur amour et les injonctions auxquelles il est soumis.
En 2016, l’échange est devenu un livre (Je voudrais vous parler de Duras) que Claire Simon a décidé de mettre en images avec la complicité de Swann Arlaud (Andréa) et Emmanuelle Devos (Manceaux). Tout se déroule au domicile de la romancière à Neauphle-le-Château. Pendant une heure trente-cinq, une personne s’épanche, l’autre écoute et enregistre, relançant de temps en temps la conversation en la recadrant. A la base il s’agit d’une simple interview filmée, mais grâce à la mise scène singulière de Claire Simon, on est immédiatement happé par l’histoire que déroule, entre bonheur et douleur, Yann Andréa sous les traits de Swann Arlaud.
Amour total, toxique, dévorant, destructeur
C’est à Caen que le jeune étudiant en philosophie, rencontre Marguerite Duras à l’occasion d’une projection d’ « India Song ». Depuis qu’il est adolescent, elle a investi sa vie. Il est amoureux de son style après avoir lu « Les petits chevaux de Tarquinia ». Il lui écrit une lettre à laquelle elle ne répond pas. Cinq ans passent jusqu'au jour où ils se retrouvent à Trouville. Ils ne se quitteront plus.
Vous ne désirez que moi parle de l'amour total, toxique, des ravages d’une passion dévorante, destructrice. Il fallait un sacré bon comédien pour se glisser dans la peau de Yann Andréa, fan absolu, amant sous emprise, renonçant à tout. Swann Arlaud y parvient avec un incroyable naturel et une rare intensité. Il n'incarne pas, il est cet être démoli, bouleversant, aussi désarmant que désarmé face à cette femme qui l'absorbe tout entier.
Pris dans son enfer, il raconte son rapport de fascination, d'admiration,de fascination obsessionnelle à Duras qui réprime ses désirs homosexuels, ne supportant même pas qu'il puisse en avoir, et qui veut le décrèer pour le créér. En même temps il dit: "Je suis sûr que jamais personne ne m'aimera comme ça. D'une attention jusqu'à vouloir que je n'existe plus, tellement cet amour est grand".
L'ombre de la grande Marguerite plane sur ce face-à-face passionnant. On comprend qu'elle n'est pas loin. On la voit une seconde de dos, on l'entend déambuler, se manifester par de brèves sonneries de téléphone. Par ailleurs elle apparaît dans des images d'archives, des extraits de films, ajoutant de la puissance dramatique à l'oeuvre d'une Claire Simon particulièrement inspirée.
A l'affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 30 mars.
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