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le blog d'Edmée - Page 234

  • Grand écran: dans "L'insulte", une querelle de rue à Beyrouth finit en procès national

    cinema_-_liban_-_linsulte_-_janvier_2018.jpgUne querelle de rue a priori banale, une remarque blessante qui en provoque une autre plus triviale avant que les choses ne s’arrangent la plupart du temps, voilà qui est monnaie courante. Sauf qu’en l’occurrence nous sommes à Beyrouth et que l’altercation implique Toni (Adel Karam) un garagiste libanais chrétien et Yasser un chef de chantier palestinien (Kamel El Bacha, prix d’interprétation à la Mostra) .

    Tout part d’une d’une malencontreuse histoire de gouttière qui fuit sur le balcon de Toni, gênant les travaux de rénovation du quartier entrepris par Yasser. Il veut réparer, Toni refuse, Yasser insiste.

    Les deux s’énervent, le ton monte et le chrétien finit par insulter le Palestinien avec un "Sharon aurait dû tous vous exterminer". Une référence intolérable au massacre dans les camps palestiniens de Sabra et Chatila perpétré en 1982 par des milices chrétiennes. Yasser riposte en traitant Toni de "chien sioniste" pour avoir collaboré avec Israël, en lui balançant un coup de poing qui lui fracture deux côtes.

    L’affaire dégénère au point que les deux hommes se retrouvent au tribunal, constituant le point de départ d’un procès national, ravivant les séquelles des plaies de la guerre civile qui a déchiré le Liban entre 1875 et 1990 et causé plus de 200 000 victimes

    Avec L'insulte, film  de prétoire, genre qui contribue à rendre l'intrigue plus intéressante, le Franco-Libanais Ziad Doueiri veut désinfecter les blessures en ouvrant une voie vers la paix. Et plaide pour le rapprochement entre les deux camps comptables des souffrances endurées et infligées.

    La nécessité d’une réconciliation

    A travers ses deux protagonistes, il aborde sans manichéisme, sans prendre parti "chacun ayant ses raisons", le thème de la réconciliation dans un pays sans cesse en reconstruction. Selon un critique, il y a avant tout nécessité d’une réconciliation avec soi-même, sans laquelle il n’y en aura pas avec l’autre. « Il faut revenir au passé pour pouvoir en sortir. »

    Malgré un traitement conformiste, le réalisateur fait preuve d’originalité en proposant un point de vue féminin et jeune en la personne de l’avocate de Yasser qui se trouve être la fille du conseil de Toni et qui, à l’image de sa génération, milite pour le renoncement à la violence et à la haine. Du coup, Ziad Doueiri, auteur on le rappelle du Baron noir sur Canal + se permet de finir sur une notre optimiste. Son œuvre politique sous tension est nommée à l’Oscar du meilleur film étranger.

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 21 février.

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  • Grand écran: "Shape Water", variation sexy sur la Belle et la Bête plus prometteuse que convaincante

    screen-shot-2017-09-14-at-10-06-09-am.pngFemme de ménage dans un laboratoire gouvernemental américain ultrasecret confiné en sous-sol, Elisa mène une existence solitaire, d’autant plus isolée qu’elle est muette. Son morne quotidien bascule lorsqu’elle et sa collègue Zelda découvrent une expérience encore plus secrète que les autres…

    On est en pleine guerre froide. Le colonel Strickland, ambitieux, réactionnaire, sadique, (Michael Shannon), débarque avec son étrange prisonnier. Il s’agit d’une créature humanoïde aquatique capturée dans un fleuve d’Amérique du Sud et enfermée dans un caisson. Dotée de pouvoirs extraordinaires, c’est une arme contre les Soviétiques. Mais la façon cruelle dont est traité l’homme-poisson dans cet univers brutal où le sang coule, désole et révolte la douce Elisa (Sally Hawkins excellente) décidée à lui venir en aide.

    Moins craintive qu’on pourrait l’imaginer, elle entre rapidement en contact avec l’amphibien certes visqueux, pourvu de branchies, à l’épiderme phosphorescent, mais bien bâti. Elle l’apprivoise et lui donne des œufs à manger. Séduite autant qu’émue et altruiste, elle se lance alors dans une dangereuse opération de de sauvetage, aidée d’un voisin homosexuel et chômeur, une collègue noire et un espion russe.

    L’auteur livre ainsi un drôle d’objet cinématographique en forme de conte d’époque baroque surnaturel, plus prometteur que réellement convaincant. Il s’amuse à y multiplier les emprunts et les clins d’œil (Jean-Pierre Jeunet s’estimant volé de bouts de Delicatessen et d’Amélie Poulain l’a plutôt accusé de plagiat), à pasticher les films sur la guerre froide, à rendre hommage au cinéma fantastique, notamment L’étrange créature du lac noir, de Jack Arnold.

    A la frontière des genres

    Un film donc à la frontière des genres où Guillermo del Toro surfe sur le sexe, le machisme et le racisme. Mais à force de mélanger les films de monstre, les films noirs, d’espionnage, la comédie musicale, la série B, la romance, il propose un scénario tarabiscoté et perd de vue le vrai sujet dans cette variation un rien sexy de la Belle et la Bête. Une bête qu’humanise Doug Jones. 

    Au lieu de développer la relation amoureuse aussi insolite que charnelle entre ces deux êtres si dissemblables, l’auteur la réduit à quelques scènes poétiques et émouvantes, la noyant dans des scènes d’action violentes et le suspense larvé. Comme s’il craignait de choquer par sa folle audace consistant à prôner une passion inavouable.  En ce sens, il édulcore la portée de son ode à la différence dans une Amérique qui n’a pas changé en dépit de ses promesses d’alors, son plaidoyer pour l’acceptation de l’autre quel qu’il soit, laissé pour compte, gay, noir, handicapé, voire monstre, emblème définitif.

    Reste que l’oeuvre jouit d’une excellente critique des deux côtés de l’Atlantique. Par ailleurs, lauréat du Lion d'Or au Festival de Venise 2017, Shape Water a récolté 2 Golden Globes (ceux du meilleur réalisateur et de la meilleure bande originale) ainsi que 13 nominations aux Oscars. Ceci explique peut-être cela.

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 21 février.

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  • Grand écran: dans "Jusqu'à la garde", thriller familial, le divorce bascule dans l'horreur.

    garde_a.jpgPremier long métrage du Français Xavier Legrand, Jusqu’à la garde est une perle noire coup de poing qui prend aux tripes. Son auteur s’était fait remarquer par un court, Avant que de tout perdre, qui traitait de la violence conjugale. Ici, c’est plus précisément de divorce qu’il s’agit. Celui du couple Besson, Antoine et Miriam (Denis Ménochet et Léa Drucker déjà présents dans le métrage de trente minutes.

    Le divorce, un thème en soi banal. Mais l’important réside dans la manière de le traiter. Evitant l’aspect dossier, l'auteur autopsie la séparation en optant carrément pour le thriller psychologico-familial. L’histoire se met véritablement en place après un premier quart d’heure assez déroutant et inhabituel dans le bureau de la juge. Les avocates de chacun des ex en conflit plaident par le menu, quasiment en temps réel (un pari de cinéma audacieux), l’exactitude de leur version respective, en vue d’obtenir la garde de Julien, 11 ans.

    Pour le protéger d’Antoine qu’elle accuse de brutalité, Miriam demande la garde exclusive. Mais la magistrate, estimant le père bafoué, décide l’alternance et, en dépit du refus de l’adolescent qui prend le parti de sa mère, l’oblige à passer un week-end sur deux avec lui. La moindre des choses estime l’intéressé, bien décidé à récupérer le bien qu’on lui a volé et à le manipuler.

    Le malaise s’installe

    Dès lors le gamin devient un otage, un bouclier. Et il suffit qu’il grimpe pour la première fois dans la voiture paternelle, le malaise s’installe, palpable. Sans le moindre sentimentalisme, oscillant entre folie et violence tout en privilégiant une mise en scène austère, sobre, subtile, où il met tour à tour le spectateur à la place de la juge, de l’enfant et de la mère, le talentueux Xavier Legrand nous plonge dans l’ambiance étouffante, angoissante de cette famille qui se déchire et où le pire peut arriver.

    Permanente, la tension ne cesse de monter dangereusement entre les personnages exacerbés, au fil d’une intrigue haletante, singulière, efficace, éprouvante, aussi dramatique qu’explosive, basculant dans une horreur à la Shining. Une influence parfaitement assumée par le réalisateur.

    La grande réussite de l’œuvre tient également à ses comédiens, tous excellents. l’imposant Denis Ménochet impressionne dans son rôle de père hargneux, possessif, sous pression. on le sent constamment à deux doigts de craquer. Tout comme la bouleversante Léa Drucker, les nerfs à vif, mais dont la force vient de sa détermination farouche à empêcher Antoine de nuire. Et on n’oubliera évidemment pas Thomas Gioria qui devient plutôt qu’il n’incarne le jeune Julien. Une vraie révélation

    legrand.jpgVenu du théâtre, Xavier Legrand, 40 ans, admirateur d’Hitchcock, d’Haneke et de Chabrol, a été deux fois primé à la Mostra (meilleure mise en scène et meilleure première œuvre). Jusqu’à la garde s’inscrit dans la continuité de son court métrage Au risque de tout perdre, comme il nous l’explique lors d’une récente rencontre à Genève. « Au départ je voulais faire une trilogie de courts. Et puis je me suis décidé pour un seul long en reliant les deux thématiques de la violence conjugale et du divorce. 

    Comment vous y êtes-vous pris ?

    Je me suis livré à de nombreuses recherches pendant trois ans. J’ai rencontré , rencontré des avocats, des policiers, des psychologues, une juge aux affaires conjugales, assisté à des groupes de parole pour hommes violents, rencontré des femmes qui m’ont parlé de ce qu’elles ont subi.

    Pourquoi avoir choisi le thriller pour raconter l’histoire de ce divorce qui bascule dans l’horreur?

    Le genre est Induit par les témoignages des victimes. Mais il est surtout là pour donner une dimension cinématographique, faire éprouver les choses d’une autre manière, sensibiliser le public, le faire participer en jouant avec son intelligence, avec ses nerfs. J’ai toutefois veillé à ne pas tomber dans le spectaculaire.

    Votre film montre le combat d’une femme tentant de protéger son enfant en échappant à un mari violent. Pour vous est-ce un acte politique ?

    Je me suis basé sur des chiffres terribles. Une femme meurt tous les deux jours et demi sous les coups de son compagnon. Alors si le film peut nourrir le débat en apportant une conscience supplémentaire pour la parole des, femmes, j’en serais très heureux.

    La justice reste sourde aux appels de la mère. Ne fait-elle pas son travail ?

    Elle est humaine. Je ne suis pas là pour dénoncer le travail de la juge. C’est très difficile de trancher. En général, la violence est dirigée vers le conjoint. L’enfant n’est pas en danger, dans la mesure où un mauvais mari peut faire un bon père.

    Léa Drucker et Denis Ménochet, qui jouaient déjà dans le court métrage sont à nouveau formidables.

    En effet. Denis incarne parfaitement pervers narcissique jaloux, dépressif, détruit, manipulateur prêt à tout, menace permanente pour ses proches qu’il met sans cesse sous tension. Quant à Léa, elle devient véritablement cette femme battue, toujours en alerte, à l’affût du drame qui peut se produire à chaque instant.

    Il y a aussi le jeune Thomas Gioria. Une révélation. 

    C’est difficile de choisir un enfant. Cela commence par le casting des vrais parents qui sont là pendant le tournage. En l’occurrence la maman de Thomas était prodigieuse. Quant à lui à lui, c’est un acteur né. Il a un vrai talent, un vrai désir de cinéma.

    Vous avez dit que le sujet des violences conjugales était clos pour vous. Autre chose en préparation ?

    Oui mais cela reste un secret. Pour l‘instant, je vais jouer dan un film d’Emmanuel Hamon, Dans la gueule du requin. Le titre peut changer.

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 21 février.

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