Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 2

  • Grand écran: "Un héros", gloire fugitive d'un Iranien piégé par ses mensonges et ses manipulations

    Après un détour par l’Espagne en 2018, qui nous a valu le décevant Everybody Knows, avec Javier Bardem et Penelope Cruz, l’Iranien Ashgar Farhadi est revenu dans son pays pour tourner Un héros. son neuvième long métrage Avec ce film qui a décroché le Grand Prix au dernier festival de Cannes, le cinéaste nous plonge dans un imbroglio kafkaïen plus fatigant qu’haletant.  

    Autorisé à sortir un week-end de la prison où il est enfermé pour une dette non honorée, Rahim ne sait pas comment rembourser son créancier. Il tente de le convaincre de retirer sa plainte contre le paiement d’une partie de la somme, pour échapper à un dur retour derrière les barreaux. En vain.

    Aux abois, Rahim a recours à une manipulation douteuse, qui le fait pourtant passer pour un héros. Du coup, la direction du pénitencier veut médiatiser le cas de ce détenu modèle, tenant absolument à restituer un sac rempli de pièces d’or qu’il dit avoir retrouvé par hasard. Mais c’est là que les choses commencent à se gâter. Piégé par ses mensonges, le bien peu héroïque Rahim s’enferre, compromet l'association caritative qui le soutient et se met sa famille à dos. 

    Les fans de Farhadi crient au chef d’œuvre, considérant cet opus ancré dans la société iranienne et qui devrait représenter le pays aux prochains Oscars, comme l’un des meilleurs de 2021. On adhère cependant mollement à cette fable morale en forme d’intrigue à tiroir dont le metteur en scène abuse, nuisant ainsi à l'efficacité narrative. Et cela en dépit de la prestation, de la plastique avantageuse de l’acteur principal Amir Jadidi, un vrai beau gosse, et des critiques incisives auxquelles se livre l'auteur contre le système judiciaire et carcéral, la peine de mort, la bureaucratie pesante, les réseaux sociaux, leurs trahisons et autres fake news.  

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 22 décembre. 

    Lien permanent Catégories : Sorties de la Semaine
  • Grand écran: "Drive My Car", road movie japonais envoûtant, romanesque et mystérieux

    Oto est scénariste. Elle invente des histoires que transforme  Yusuke Kafuku, acteur et metteur en scène de théâtre. Le couple, qui a perdu une fillette de 4 ans, apparaît profondément lié. Un jour pourtant, l'homme surprend sa femme faisant l’amour avec un autre. Elle ne le voit pas, il garde la chose pour lui. Jusqu’au drame dont elle sera victime.

    N’arrivant pas à se remettre de cette tragédie, Yusuke accepte de monter Oncle Vania dans un festival à Hiroshima, optant pour une version polyphonique où se répondent le japonais, le mandarin, le coréen et la langue des signes. 

    C’est alors qu’il fait la connaissance de Misaki, une jeune femme modeste et taciturne qu'on lui a assignée comme chauffeure. Le film se déroule ainsi principalement dans la voiture, une Saab  rouge. Chaque matin  Misaki emmène le dramaturge au théâtre et le raccompagne chaque soir dans sa résidence.  

    Naissance d'une amitié

    Un huis-clos propice aux confidences. Yusuke tourmenté, en quête de vérité, de rédemption et Misaki, souffrant d'une enfance douloureuse et de la perte de sa mère, apprennent à se connaître à la faveur de leurs échanges pudiques sur leur deuil respectif. L’amitié qui naît au fil de ces trajets quotidiens leur permettra de faire face ensemble à leur passé dans ce film plein de souvenirs, de secrets, de silences et de non-dits.   

    Drive my car, signé Ryusuke Hamaguchi, est adapté d’une nouvelle éponyme d’Haruki Murakami, parue dans le recueil Des hommes sans femmes. Poursuivant sa quête esthétique en proposant une mise en scène virtuose, le réalisateur japonais, récompensé du Prix du scénario à Cannes en juillet dernier, nous emporte, en compagnie de ses deux excellents protagonistes,  dans un voyage de trois heures qu'on sent à peine passer. 

    Construit sur plusieurs années, ce road movie envoûtant, romanesque et mystérieux, nous livre curieusement le générique qu’au bout de quarante-cinq minutes, suite à une accumulation de faits. Une audace un rien déroutante pour le spectateur.

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 22 décembre. 

    Lien permanent Catégories : Sorties de la Semaine
  • Grand écran: le Roumain Radu Jude dénonce l'obscénité publique dans son "Porno barjo"

    Réalisateur roumaIn récompensé d’un Ours d’or à la dernière Berlinale, Radu Jude s’attache à raconter l’histoire de son pays au passé ou au présent. Et comme toujours, il ne craint pas de choquer. Dans Bad Luck Banging or Loony Porn (qui peut se traduire en français par Baise malchanceuse ou  porno barjo), il propose une réflexion à la fois humoristique et répulsive sur la société à l’heure d’internet, dont il stigmatise l’hypocrisie et  la vulgarité. Précisons que l’auteur a tourné en pleine pandémie avec des acteurs portant des masques du début à la fin.

    Structuré en trois chapitres distincts au montage audacieux et un rien déconcertant, le film ouvre sur une sextape, montrant dans leur intégralité la plus crue les ébats d’Emi (Katia Pescariu), enseignante d’histoire, avec son mari. On retrouve la prof plus tard tandis qu’elle traverse Bucarest pour se rendre à son lycée. Elle voit alors sa carrière et sa réputation menacées, en découvrant que ce porno amateur, posté par une personne déloyale sur les réseaux sociaux, est devenu viral. 

    Profitant de la déambulation de son héroïne dans les différents quartiers, Radu Jude oppose la prétendue obscénité de la vidéo à celle, autrement plus toxique et inquiétante d’une ville laide, durement frappée par la pandémie, peuplée de cinglés incivils, injurieux et de mâles sexistes. En colère, il brosse un portrait au vitriol d’un Etat misogyne et violent.

    Tribunal populaire

    Dans la troisième partie en forme de tragi-comédie, Emi gagne tête basse son école où l’attendent ses collègues et des parents d’élèves. Se déclarant scandalisés par son comportement, ils s’érigent en tribunal populaire dans la cour de l’établissement, en brandissant hypocritement les valeurs de la nation. 

    Puritains bourgeois ridicules s’indignant faussement, ils rivalisent de bêtise, d’outrance  et de mauvaise foi pour la sanctionner. Mais Emi refuse de céder à la pression de ces juges de pacotille  exigeant son renvoi pour une simple baise entre adultes consentants. Et se met à les questionner avec causticité sur la véritable indécence régnant dans nos sociétés. La comédienne Katia Pescariu livre une remarquable performance dans ce rôle difficile. 

    Un morceau philosophico-loufoque

    Entre ces deux segments  Radu Jude, se référant à Godard, son modèle, nous propose un abécédaire sociétal et analytique, en superposant des images d’archives historiques. Une énumération philosophico- loufoque où, entre humour, ésotérisme et excès, l’auteur parle de sexisme, de viol, de guerre, de religion, de consumérisme, d’exactions sous l’ère Ceaucescu, de totalitarisme, de populisme et de néo-libéralisme échevelé. 

    De passage à Genève, Radu Jude nous en dit plus sur son film parti de faits divers parus dans la presse tabloïde sur le licenciement de professeurs pour des motifs relatifs à leur vie privée. «Des histoires superficielles mais à la profondeur cachée», relève-t-il.

    -Sous prétexte de farce, vous vous livrez à une satire virulente, mi-sociale, mi-politique.

    -En Roumanie, on ne sait pas ce qui est le plus mauvais à éviter. Il n’y a pas trop d’espoir. Le pays est devenu classiste. Il existe une grosse différence de conditions sociales. Actuellement l’extrême-droite monte. 

    -Vous vous montrez provocateur en dénonçant l’obscénité publique. 

    -J’avais même imaginé un autre titre. Essai sur l’obscénité. Mais je le trouvais un peu prétentieux. Pour tout vous avouer, j’ai  du mal à définir mon film. C’est un mélange. Il est économico-politique dans le fond, expérimental dans la forme. Il est aussi poétique. Mais à la Malraux. Il disait que la poésie a une relation causale aux choses. Quant au côté provocateur, je suis avant tout quelqu’un qui essaye de penser le monde en utilisant les outils du cinéma.

    -Ce qui est logique pour un fou de septième art comme vous.

    -En effet. J’aime lire et manger, mais le cinéma est le centre de mon existence. Etre réalisateur c’est opérer des connections. Le cinéma est un concentré de vie. Il y est intimement lié. Donc on doit avoir une vie  pour parler des choses qui s’y passent. 

    -Dans la mesure où vous avez tourné pendant la crise sanitaire, tous vos acteurs portent des masques. Souvent avec des slogans complètement décalés.

    -Je les ai choisis comme des costumes. Le masque chirurgical devient un symbole du masque social. En même temps, cela rend le film plus austère, plus protestant.

    -Vous avez remporté l’Ours d’or. Pensiez-vous que c'était possible?

    -Si c’est un succès, j’ai un jour pour fêter, me disais-je. Sinon, j’ai un jour pour pleurer. Et puis, dans les deux cas, je me remets au boulot...

    A l'affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 15 décembre.

    Lien permanent Catégories : Sorties de la Semaine