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  • Grand écran: "Divines", l'électrisante révélation de Cannes. Sa réalisatrice, Houda Benyamina, raconte

    abenyamia.jpgDans un ghetto où se côtoient trafics et religion, Dounia la "bâtarde", adolescente menue, énervée et rebelle qui habite dans un camp de Roms avec sa mère alcoolique, et son contraire, Mamounia, la douce mais super baraquée fille de l’iman, sont amies à la vie à la mort.

    Ces deux pétroleuses poussées par la rage de vivre rêvent de s’élever dans un monde qui les rejette. Décidée à gagner beaucoup d’argent pour s’offrir ce qu’elle désire, Dounia se met à travailler pour Rebecca, redoutable dealeuse, plongeant ainsi dans l’univers glauque et dangereux de la petite pègre locale. Sa rencontre avec Djigui, un jeune danseur sensuel, va bouleverser son quotidien.

    Signé de la réalisatrice Houda Benyamina (photo), réalisatrice marocaine de 35 ans, révélation du dernier Festival de Cannes en raflant la Caméra d’or, Divines nous embarque dans une tragédie électrisante virant parfois au comique, à la frontière des genres entre chronique sociale et polar. Avec une dimension spirituelle notamment dans la thématique, les conversations avec Dieu ou le choix de la musique sacrée.

    Souvent comparé à L’esquive d’ Abdellatif Kechiche ou à Bande de filles de Céline Sciamma, l’opus dégage par ailleurs la folle énergie de son auteur, qui nous l’a prouvé dans son discours enflammé lors du palmarès cannois, en lançant à Edouard Waintrop, délégué général de la Quinzaine des réalisateurs qui l'avait sélectionnée, un vibrant et culotté "Waintrop, t’as du clito"!

    Le théâtre la mène au cinéma

    "Non seulement il s’en est remis, mais il est plus fort maintenant qu’il en a", remarque Houda en riant lors d’une rencontre à Genève. "En ce qui concerne mon énergie, j’ai du mal à mentir, à jouer, à prétendre. On m’a vue telle que j’étais à cette remise de prix. J’étais contente, je l’ai dit, je l’ai hurlé. C’était un cri d’amour".

    Après la découverte du théâtre grâce à un instituteur, Houda Benyamina s’est rendu compte qu’elle était mieux faite pour le cinéma. "Le théâtre, c‘est comme le golf, il faut les moyens, un espace pour le pratiquer. Pour le cinéma, une caméra suffit".

    divinesimage.jpgA l’origine de son premier long-métrage qui lui a pris quatre ans de sa vie entre l’écriture et son passage sur la Croisette, la colère, l’inégalité. "J’ai toujours été sensible à l’injustice. A l’école, je ne trouvais pas ma place. Mon film est né des émeutes de 2005 en banlieue parisienne que j’ai vécues de l’intérieur. J’ai eu envie de tout défoncer mais rien n’a changé. Et je me suis demandée pourquoi".

    Pour vous Divines est toutefois un constat, pas une forme de révolte.

    Parce qu’il n’y a pas eu de révolte justement. Nous n’avons pas pris les armes. La mienne c’est le cinéma. J’avais envie de parler des pauvres, des désaxés, des gens en marge, d’évoquer s’absence d’idéal, de repères, la toute-puissance de l’argent, le manque de spiritualité qui dépasse les religions. Bien que musulmane, je me sens proche des enseignements de Jésus. Et tout cela je le traite par le biais de l’humain en quête de reconnaissance, de dignité.

    Pour autant, vous n’avez pas de message à délivrer.

    Je ne me sens pas prophète. Je suis une cinéaste, qui donne son regard avec sensibilité. Je crois en l’homme, en la femme. Je pose des questions et je veux toucher le cœur. D’abord l’émotion, ensuite le verbe.

    Ce n’est pas le premier film sur la banlieue, mais vous amenez quelque chose de neuf.

    Sans doute parce que j’étais libre dans le sens que je voulais raconter, à travers une histoire d’amitié. C’est un film réaliste, mais il y a du lyrisme, du romantisme du rêve. Par ailleurs j’inverse les schémas traditionnels, je casse les codes de la banlieue. Je la montre telle que je la vois. C’est cela ma singularité.

    Par exemple le caïd pour qui Dounia travaille est une femme, une flambeuse aux postures viriles qui joue de son pouvoir.

    Je ne l'ai pas inventée. Il y en a de plus en plus. Je me suis inspirée de la réalité. Rebecca, je l’ai rencontrée. J’ai pas mal de réseaux dans le banditisme. Je suis aussi allée dans les quartiers, chez les Roms. J’ai fréquenté les commissariats. Les flics se sont montrés coopératifs.

    Pour rester dans l’inversion, la note de féminité est donnée par Djigui un garçon passionné de danse, dont Dounia est amoureuse.

    La grâce peut être masculine. Et puis surtout, selon moi, tout le monde danse On commence dans le ventre de sa mère. Djigui est l’alter ego de Dounia, en recherche comme elle de dignité et d’élévation mais par une voie spirituelle. Son but est de vivre de son art. A travers les scènes de danse, je dis l’importance de la culture qui offre une possibilité de s’en sortir autrement qu’avec l’argent.

    aouloaya.jpgLes comédiens sont formidables. Un mot sur Oulaya Amamra, votre petite sœur qui interprète Dounia.

    Je l’ai formée depuis l’âge de 12 ans. Mais au début, je ne la voyais pas dans cette fille. Elle manquait de sauvagerie, de rudesse. Ce n’était pas une bagarreuse. Elle l’est devenue dans la mesure où elle s’est beaucoup battue pour décrocher le rôle. 

    Vous travaillez sur un autre long-métrage. Le fait d’avoir obtenu la Caméra d’or est-il  un peu inhibant ?

    Non, au contraire. C'est un début, une étape. Je suis très critique avec moi-même. Divines a plein de défauts, je vois tout ce que je peux améliorer. Le prochain aura plus d’ampleur, même si je suis obsédée par la même problématique, le combat que nous menons contre nous-même, entre l’extérieur et l’intérieur. Je suis sur un grand terrain de jeu où je cherche Dieu, le sens de la vie le pourquoi on est là. Le tournage pour moi, c’est un pèlerinage.

    Et où va vous emmener votre deuxième film ?

    Historique, il couvrira une période de trente ans pendant laquelle il y aura la guerre. Il parlera d’amour, de liberté et de trahison.

    A l'affiche dans les salles de Suisse romande depuis depuis mercredi 7 août.
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  • US Open: une étoile est née. Française évidemment...

    aapouille.jpgExceptionnel, prodigieux, colossal, géant, titanesque, monumental, phénoménal, en un mot: énorme. Cette collection de superlatifs, c’est pour saluer l’exploit de Lucas Pouille, qui a fini au bout du bout d’un suspense de plus de quatre heures par décorner le taureau de Manacor en cinq sets.
     
    Loin de moi l’idée de nier la réelle performance du talentueux garçon, fort sympathique et que toute le monde adore aujourd'hui. Mais il faudrait un peu raison garder. Et relativiser en se souvenant de prouesses de loin plus extraordinaires. 
     
    Quand je songe à Wilander, Chang ou Becker, tous trois vainqueurs d’un Grand Chelem à 17 ans, ou à Federer numéro un mondial à 22 ans et cinq mois, il y a en effet quelque chose de pathétique dans cette folle agitation hexagonale autour d’un jeune homme pratiquement du même âge, qui se retrouve dans... le top 20 après avoir battu Rafael Nadal en…  huitièmes de finale à l’US Open. 
     
    Un Nadal moins saignant qu’auparavant de surcroît. La preuve c’est que le brave Pouille prive à nouveau le champion espagnol d’un quart de finale de grand Chelem qui lui échappe depuis Roland-Garros 2015. Et le pauvre a subi d'autres crève-coeurs. Le Belge Steve Darcis l’avait atomisé dès le premier tour en trois sets en 2013 à Wimbledon (l’Espagnol venait pourtant de gagner Roland-Garros), et il en avait fallu un petit de plus à l’Allemand Dustin Brown, pour lui jouer gazon maudit deux ans plus tard.
     
    Que je sache, les Français n’en avaient alors pas fait un tel plat. Bien que ces deux joueurs étaient mal classés, Brown pointant même au 102e rang. Tandis que le Tricolore occupait le 24e à l’entame de son match. En outre, il me suffit de penser que le modeste Helvète Marco Chiudinelli a été à deux points d’éliminer la nouvelle étoile  hexagonale en trois manches au second tour pour me donner une idée de la forme pas franchement flamboyante du pitbull ibère. Contrairement à ce que nous assurent avec force et conviction les spécialistes français, histoire de donner un gros surplus de panache  à la "victoire de légende" de leur poulain. Je sais, on me rétorquera que c'est différent. Mais je ne vois pas vraiment en quoi.
     
    amonfils.jpgMonfils et Tsonga, autres formidables pépites
     
    A part ça, Lucas Pouille n‘est pas le seul à les mettre en transes. Il y a aussi Gaël Monfils, crack grandiose, véritable terreur du circuit. Doté d'un fabuleux coup d’œil, c’est lui qui anticipe le mieux, qui marche impitoyablement sur ses adversaires, les obligeant constamment à produire le coup de plus, sinon de trop, qui lui permet de gagner se matches les doigts dans le nez. Et que dire de l’éblouissant et puissant Tsonga, redoutable au service et à la volée et dont les balles supersoniques fuient sadiquement les relanceurs. Lui aussi avait flanqué la pâtée à Nadal en… 2008  à Melbourne.
     
    Je veux bien croire que tout cela soit vrai. En même temps, j'aimerais  qu’on m’explique pourquoi Jo-Wilfried n’a toujours pas été fichu de remporter un Grand Chelem a passé trente ans. Sans parler du galactique Gaël, dont le plus retentissant succès consiste à avoir enfin remporté cette année… l’ATP 500 de Washington, après quatre misérables tournois 250 au cours de sa longue carrière.
     
    Pour couronner le tout, le fameux trio se retrouve, c’est historique (!), en quarts de finale à Flushing Meadows. Et un Français sera forcément dans le dernier carré, puisque Pouille doit affronter Monfils. Du coup, il est envisageable que l’un d’eux puisse être sacré roi de New York. Je n’ignore pas le méga-tsunami médiatique, assorti de perpète, qu’implique cette éventualité pour les habitants de la planète dépourvus de sang bleu. Mais il serait temps qu'une victoire vienne corroborer ces tonitruantes professions de foi! 
     

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  • Grand écran: "Le fils de Jean" à la recherche du père. Emouvant petit polar familial

    ajean.jpgCadre commercial parisien divorcé de 33 ans, Mathieu reçoit un matin un coup de fil inattendu du Canada l'informant de la mort de son père, médecin à Montréal dont il ne savait rien. L’appel vient d'un nommé Pierre, le meilleur ami du défunt, qui lui apprend qu’il s’appelait Jean, qu’il était patron d’une clinique de chirurgie esthétique et qu’il a laissé deux grands fils.

    L’enterrement devant avoir lieu quelques jours plus tard, Mathieu, lui-même père d’un petit garçon, est poussé par le besoin de découvrir ses racines. Il décide aussitôt de se rendre au Québec pour rencontrer Sam et Ben, ses demi-frères qui, de leur côté, ignorent tout de lui. Il va apprendre à mieux les connaître au bord d’un lac au cours d’un week-end où, également en compagnie de Pierre, ils sont partis à la recherche du corps de Jean. Apparemment celui-ci s‘est noyé, victime d’un infarctus… 

    Le huitième long-métrage de Philippe Lioret est très librement inspiré du roman de Jean-Paul Dubois Si ce livre pouvait me rapprocher de toi. A travers la quête d’identité de Mathieu, ce fils sans père qui s’en cherche un, l’auteur livre un récit intimiste dans un beau film simple, sensible et émouvant, en travaillant ses thèmes chers.

    Drame modeste mais impeccablement tenu, il joue sur le secret en empruntant les codes du polar. Il y a le souvenir d’un lointain amour parisien entre la mère de Mathieu et le dénommé jean. Un coup d’un soir lui avait-elle dit, sans vouloir en révéler davantage. Il y a aussi la disparition mystérieuse de cet homme, menant à une enquête au sein de la famille.

    Sans oublier l’interdiction étrange faite par Pierre à Mathieu. Il lui enjoint de dissimuler qui il est, sous prétexte que la présence d’un fils illégitime ne peut que perturber davantage la famille en deuil. Mais si le réalisateur se sert de cette trame policière, c’est pour nous emmener ailleurs. Misant sur les dits et non-dits, les émotions contradictoires,  il organise subtilement le rapprochement entre les personnages, plus particulièrement entre Mathieu et Pierre.

    Caractères centraux, ils sont interprétés par d’excellents acteurs. Pierre Deladonchamps (photo), César du meilleur espoir masculin pour L’inconnu du lac d’Alain Guiraudie est parfait dans le rôle de Mathieu se rêvant une famille et impatient d'en faire partie. Comme Gabriel Arcand dans celui de Pierre, oncle ombrageux, à fleur de peau, ours mal léché et taiseux dissimulant une mystérieuse souffrance.

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande depuis mercredi 3 août.

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