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  • Grand écran: "Fuocoammare", l'autre regard de Gianfranco Rosi sur les migrants à Lampedusa

    afuoccoammare.jpgImmergé pendant un an dans l’île aujourd'hui tristement célèbre de Lampedusa, point européen le plus proche de l’Afrique, port d’accueil d’un flux continu de gens débarqués, quand ils ont de la chance, de bateaux de fortune, Gianfranco Rosi a tiré de son séjour Fuocoammare, un documentaire souvent glaçant de deux heures. 

    A l’exception d’un assistant, il tourne seul avec sa caméra pour mieux s’approcher des personnages et gagner leur confiance. Sans mise en scène, sans autre voix que celle des différents protagonistes, il confronte au terrible quotidien des migrants, celui des habitants menant une vie en quelque sorte parallèle. S’il suit plus particulièrement Samuel, un fils de pêcheur de 12 ans qui chasse les oiseaux au lance-pierres, il s’invite chez une grand-mère préparant le repas en écoutant la radio, où un animateur compatissant livre le compte quotidien des arrivées et des morts entre un morceau de jazz ou une vieille rengaine italienne.

    Rosi rencontre aussi Bartolo, un médecin qui ne parvient pas à s’habituer aux cadavres tout en montrant des hommes en combinaisons blanches pris dans un cycle aussi infernal qu’ininterrompu de recherches en mer, d’abordages, de sauvetages, d’identifications des victimes.

    Portant un autre regard sur la crise, confronté à la souffrance, à la survie, à la mort, Rosi, tout en évitant de délivrer un message, crée une prise de conscience par des images fortes, dérangeantes, ne cachant rien, évoquant la gigantesque tombe qu’est devenue la Méditerranée en quinze ans, avec ses 20.000 corps gisant par le fond. Un témoignage indispensable auquel le jury de la Berlinale a été sensible, puisqu’elle a décerné l’Ours d’or au cinéaste italien.

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 28 septembre.

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  • Grand écran: le tourbillon Soko éclipse Lily-Rose Depp dans "La danseuse"

    adanseuse.jpgRien ne destine Loïe Fuller, fille de ferme originaire de l’Ouest américain, de devenir l’icône de la belle Epoque admirée par Mallarmé, Rodin ou Lautrec, et de se produire à l'Opéra de Paris. Dans son premier film La danseuse, la réalisatrice française Stéphanie Di Giusto se penche sur le destin de celle qui subjugua le public avec sa "danse serpentine", devint une star avant de tomber dans l’oubli et d’être beaucoup plus tard redécouverte comme l’une des pionnières de la danse contemporaine.

    Enveloppée dans des mètres et des mètres de soie blanche, les bras prolongés par de longues et lourdes baguettes de bois, la silhouette sculptée par les faisceaux de dizaines de projecteurs, elle créait de magnifiques et virevoltantes formes lumineuses, en tournoyant sur un carré de verre éclairé par-dessous. Un numéro qui lui brise le dos, lui abîme les yeux, qu’elle perfectionne chaque jour dans la douleur, mais qui tient d’abord de la performance.

    C’est là sa faiblesse fatale. Loïe Fuller, esprit libre et conceptrice visionnaire n’est pas une danseuse dans son acception académique. A l’inverse d’Isadora Duncan, mythique prodige américain avide de gloire, qui la fascine et dont elle tombe amoureuse pour son malheur. Alors qu’elle est au sommet de son art, sa rivale précipite sa chute en la détruisant dans sa propre compagnie.

    Véritable boule d’énergie, Soko lancée à corps perdu dans un rôle qui lui colle à la peau (photo), se révèle particulièrement convaincante en Loïe Fuller aux côtés de Lily-Rose Depp. En mai dernier à Cannes, l’idée de découvrir la fille de Johnny Depp et de Vanessa Paradis avait suffi à faire le buzz. Mais la jeune actrice ne s’est pas franchement montrée à la hauteur de l’énorme intérêt suscité par sa présence dans La danseuse

    Le film au casting cinq étoiles emporte l’adhésion dans la mise en scène inspirée des chorégraphies et la sublimation de leur beauté. En revanche, il déçoit dans l’affrontement quelconque entre les deux femmes et le curieux escamotage, développé par Mediapart, de l’homosexualité de Loïe Fuller. Réduisant sa préférence à un baiser donné à Isadora suivi d’une scène humiliante, ainsi qu’à des regards furtifs et des soupirs de sa compagne Gabrielle Bloch (Mélanie Thierry) avec qui elle vivait ouvertement, mais devenue sa collaboratrice chez Stéphanie Di Giusto. Qui propose en outre une relation hétérosexuelle fantasmée entre Fuller et un personnage inventė, interprété par Gaspard Ulliel.

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 28 septembre.

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  • Grand écran: des couples racontent leur amour dans "Loves Me, Loves Me Not"

    aabramovich.jpgAprès Dieu sait quoi en 2004, où elle interrogeait des retraités sur le sens de la vie dans un grand parc parisien, Liens de sang en 2008 où elle explorait les rapports parents-enfants dans l’immeuble genevois des Stroumpfs, Fabienne Abramovich propose un nouveau documentaire, Loves Me, Loves Me Not.

    On est à Paris. La nuit est tombée et des centaines de gens se rassemblent le long du canal de l’Ourcq. Jeunes ou un peu moins, ils viennent s’asseoir au bord de l'eau, se mêlent, se passent le pain, tissent des liens informels, se retrouvent le lendemain. Pour parler quasi exclusivement d’amour.

    Fabienne Abramovich livre ainsi un métrage qui se veut un peu rohmérien, teinté de marivaudage, en filmant des couples qui racontent leur façon d'aimer, d'une ou de toutes sortes de manières. Une oeuvre intemporelle, singulière, hors mode black, sexe et banlieue. Un sujet casse-gueule où il fallait éviter les clichés, comme l'auteure le dit elle même, à l’occasion d’une rencontre où elle explique sa démarche.

    Elle a débuté  en 2010. L’écriture, essentielle, lui a pris deux ans et le tournage quatre. "Je ne pouvais filmer qu’en été, en majeure partie la nuit entre 21h30 et au mieux deux ou trois heures du matin. En tout quatre fois trois semaines". Elle a commencé des entretiens avec des jeunes gens et, petit à petit, a testé un dispositif extrêmement sommaire et précis. "J’ai travaillé presque seule, en choisissant, c'était primordial un temps et un lieu donné, à Paris. Et il me fallait l'eau pour le travail de l'image. J’ai compris que tous ces individus sur les berges représentaient mon Woodstock à moi".

    Comment avez-vous trouvé vos protagonistes ?

    Jalovesme.jpge faisais des repérages en me promenant avec une charrette, vêtue d’un habit de pêcheur et coiffée d’une casquette. Je voyais des gens, on buvait un verre, j’expliquais ce que je voulais. L’idée, c’était de les laisser échanger entre eux, en étant eux-mêmes, dans l’instant.

    Ils ont une incroyable facilité d’élocution. Quelle est la part de l’improvisation ?

    Ce n’est que de l’impro. Evidemment, comme ils se répétaient, j’ai beaucoup coupé. Je n’ai rien changé à leurs mots, à leurs phrases, mais j’ai construit les séquences, restructuré les conversations pour qu’elles soient audibles. J’ai écouté, tamisé, cadré. Un gros travail. C’est la raison pour laquelle je n’ai filmé qu’un couple à la fois, chacun d’eux me prenant environ quatre heures.

    Il y a une chose qui surprend, ces couples middle class, jeunes pour la plupart et qui évoquent leur amour,  sont pratiquement tous blancs. Ce qui ne paraît pas représentatif de la société actuelle.

    Il ne s’agissait pas de faire du Benetton… En même temps, pour moi, le multiculturalisme est présent à travers notamment quatre jeunes Beurs qui certes sortent un peu du cadre, mais libèrent très vivement et assez crûment la parole, avec des Arabes passant en djellabah, avec la musique syrienne, des Blacks qui chantent. Ces derniers ne vont pas d'ailleurs pas volontiers s’asseoir au bord de l’eau. Ce n’est pas leur culture.

    A l'affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 21 septembre. 

     

     

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