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Sorties de la Semaine - Page 99

  • Grand écran: Polanski livre un film puissant avec "J'accuse". Mais la polémique continue...

    Capture d’écran 2019-10-09 à 19.16.20.pngLe ciel est menaçant au-dessus de cette cour de l’Ecole militaire où un soldat se voit retirer ses insignes d’officier. Dégradé, humilié, il ne baisse pas la tête… Cette scène fascinante ouvre J’accuse, qui tient à la fois du thriller, du film de procès et d’espionnage avec faux coupable et contre-enquête,

    Adapté du roman D de l’écrivain britannique Robert Harris, le long métrage raconte l'une des plus grandes erreurs judiciaires de la fin du 19e siècle, avec la condamnation pour trahison du capitaine Alfred Dreyfus. Un énorme scandale mêlant déni de justice et antisémitisme qui a provoqué un séisme planétaire pendant les douze ans (1894-1906) qu’elle dura.

    Démasquer les vrais coupables

    J'accuse n’est pas pour autant un biopic sur Dreyfus (Interprété par Louis Garrel). Polanski a choisi de raconter l'affaire du point de vue du colonel Marie-Georges Picquart (Jean Dujardin). Nommé en 1895 à la tête du contre-espionnage, il découvre que les preuves contre le capitaine Alfred Dreyfus avaient été fabriquées. Antisémite, comme beaucoup à l’époque, il n’aura pourtant de cesse de démasquer les vrais coupables.

    Picquart prévient en vain sa hiérarchie. Et c’est pour défendre Dreyfus que Zola, le 13 janvier 1898, publie dans  L’Aurore la lettre ouverte: "J’accuse… ". L’écrivain y dénonce les responsables, officiers, généraux, ministres..

    D’une actualité brûlante

    Le casting est brillant, à commencer par un saisissant Jean Dujardin moustachu, sobre et dépourvu d’empathie, qu’on n’attendait pas dans un tel rôle, un Louis Garrel apparemment tout aussi exempt d’émotion, une Emmanuelle Seigner charmeuse en maîtresse très moderne de Picquart, dans la seule partition féminine importante. On citera aussi Grégory Gadebois, Melvil Poupaud, Denis Podalydès, Vincent Pérez.

    Cette œuvre d’une actualité brûlante, très personnelle voire ambiguë, où Polanski apparaît lui-même en costume d’académicien dans un salon antidreyfusard via un caméo hitchcockien, impressionne par la manière dépassionnée, implacable, froide, dont l'auteur s’attaque à l’affaire.

    Par ailleurs, cet opus à la dramaturgie puissante, à la narration riche, magistralement mis en scène, nous laisse éprouver physiquement les choses, la moisissure et l’humidité de certains lieux, l’inconfort de bureaux sombres et poussiéreux, des couloirs qui sentent mauvais…

    20b19c38bcf0783c684c35d0922f7b74704ffcc4.jpgNouvelle accusation de viol

    Incontestablement, le cinéaste livre un grand film. Mais peut-on séparer l’homme de l’artiste ? Eternelle et difficile question. Lion d’argent à Venise, il avait déjà provoqué des remous.  Le cinéaste avait notamment établi un parallèle entre lui et le capitaine Dreyfus, dans un entretien figurant dans le dossier de presse en anglais du film. Cela n'a pas dû aider.

    Et J’accuse continue à provoquer la polémique, le réalisateur ayant été rattrapé par une nouvelle accusation de viol, à cinq jours de la sortie, de la part de Valentine Monnier, une photographe française de 62 ans.

    "En1975, j’ai été violée par Roman Polanski", a-t-elle déclaré au Parisien. Elle avait alors 18 ans. Les faits aujourd’hui prescrits se seraient déroulés dans le chalet du réalisateur à Gstaad. Ils n’ont jamais fait l’objet d’une plainte. Le cinéaste  les conteste et dit réfléchir à une riposte.

    Une promotion en partie annulée

    La promotion du film a été du coup en partie annulée en France. Jean Dujardin s’est décommandé pour le 20 heures de TF1. Emmanuelle Seigner, la femme de Polanski, n'est pas allée à l'émission Boomerang prévue  sur France Inter, tandis que Pop pop pop avec Louis Garrel, n’a pas été diffusée. France 5 a également zappé le C à vous, enregistré avec le même comédien.

    Mardi, plusieurs avant-premières devaient se tenir à Paris. Une quarantaine de militantes féministes, scandant "Polanski violeur, cinémas coupables", ont bloqué l'entrée du Champo, dans le Quartier latin. Mais la principale projection, organisée au cinéma UGC Normandie sur les Champs-Elysées, en présence d’acteurs et de journalistes, s’est déroulée sans heurts. Reste maintenant à savoir si le public suivra.

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 13 novembre.

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  • Grand écran: "The Irishman", passionnante fresque mafieuse de Scorsese. Avec le trio De Niro, Pacino, Pesci

    sciorsese.jpegAprès vingt-cinq ans, Robert de Niro opère un retour remarqué devant la caméra de Martin Scorsese, qui pour son vingt-cinquième long-métrage annoncé et attendu depuis dix ans, revient au film de mafieux. Le genre a fait sa légende, de Mean Streets à Gangs Of New York, en passant par Casino et Les infiltrés.

    Finalement produit par Netflix à hauteur de 175 millions de dollars, suite à d‘interminables difficultés financières, The Irishman est visible en exclusivité au Cinérama Empire de Genève, à raison de deux séances par jour, avant sa diffusion sur la célèbre plateforme de streaming le 27 novembre.

    Basé sur le livre de Charles Brandt I Heard You Paint Houses (titre en référence au meurtre de quelqu’un), le film se penche sur Franck Sheeran (Robert de Niro). Démobilisé en 1945, la vie de ce chauffeur de camion d’origine irlandaise change après une rencontre fortuite avec Russel Bufalino (Joe Pesci), un parrain de Pennsylvanie.

    Ce dernier l’introduit auprès de Jimmy Hoffa (Al Pacino, nouveau venu dans la famille Scorsese), pratiquement considéré à l’époque comme le deuxième homme le plus puissant du pays après le président. On le prétendait par ailleurs aussi populaire qu’Elvis Presley et les Beatles. Dirigeant corrompu des Teamsters, le syndicat des routiers, il avait mystérieusement disparu en 1975. Alors que Sheeran aurait avoué l’avoir tué avant sa mort en 2003, Scorsese règle la question.

    Petite histoire de la mafia et grande histoire de l'Amérique

    Cette fresque en forme de requiem étiquetée chef-d'oeuvre, ouvre sur le vieux Franck assis dans un fauteuil roulant. De son EMS, il évoque son ascension dans la pègre, faisant défiler une période de son existence s’étalant sur une trentaine d’années. Elle mêle la petite histoire de la mafia avec ses gangsters, ses vengeances sanglantes, ses meurtres au coin des rues, l’univers de Little Italy, à la grande histoire de l’Amérique, notamment celle de la famille Kennedy et de JFK, son illustre représentant, La baie des cochons et l’affaire du Watergate.

    Ce récit en flashback nous emmène parallèlement dans un road trip avec les couples Sheeran et Bufalino, qui se rendent au mariage de la fille de ce dernier. Le voyage est prétexte à quelques séquences comiques, un humour qui se retrouve dans une autre balade en voiture, dont l’abracadabrantesque, irrésistible et déjà culte scène du poisson...

    Entre action et méditation, mélancolie contemplative, souvenirs, regrets, exploration de thèmes inattendus en l’occurrence, universels, dépassant le milieu du crime organisé, le réalisateur livre un opus minutieusement structuré, méticuleux dans les détails, fluide dans son scénario et sa narration. Du scorsésien pur sucre où on retrouve le ton caustique de l’auteur, les incessants bavardages, le côté kitsch parfaitement assumé.

    Un rajeunissement numérique relativement réussi

    image.jpgCette fresque séduit et émeut aussi évidemment par son casting cinq étoiles. On salue la volonté de Scorsese de redonner un (ultime?) grand rôle à des acteurs dont certaines dernières apparitions à l’écran peinaient à convaincre. Ils nous touchent avec leurs gueules de truands, la retenue de De Niro le disputant aux explosions de Pacino (photo) et à la malignité de Joe Pesci. Sans oublier Harvey Keitel.

    Mais s’ils se révèlent au top, on a quelques réserves à propos de leur rajeunissement numérique. Un procédé très coûteux choisi par Martin Scorsese pour permettre à ses héros d’être crédibles en traversant les décennies. Le résultat est relativement réussi, à cause du décalage entre les visages déridés et les corps fatigués qui révèlent leur âge dans leur comportement et leur démarche.

    Dans la course aux Oscars

    Mais on finit par s’y habituer, et de toutes façons l’essentiel est qu’on ne s’ennuie pas une seconde pendant les 3 heures 28 d’un film où les intrigues s’enchaînent et se croisent tambour battant. Ce rythme d’enfer précipite tout droit The Irishman dans la course aux Oscars. Il fait déjà figure de favori dans les catégories de Meilleur film et Meilleur réalisateur. Pour autant que l’industrie hollywoodienne accepte de le récompenser! 

    De son côté De Niro pourrait rafler la statuette de l’acteur (attention tout de même à Joaquin Phoenix impérial dans Joker), tandis que Pacino et Pesci seraient en concurrence pour celle du second rôle. Au cas où, il s’agirait d’un nouveau triomphe pour Netflix, qui a déjà vu Roma d’Alfonso Cuaron remporter le Lion d’Or à la Mostra de Venise en 2018. Un nouveau pied de nez qui fait encore davantage frémir la profession.

    The Irishman, à l’affiche au Cinérama Empire dès mercredi 13 novembre et bientôt au Bellevaux à Lausanne. A noter que l’exploitant de la salle genevoise, Didier Zuchuat, montrera dans la foulée deux autres productions Netflix, "Marriage Story" de Noah Baumbach et "The Two Popes" de Fernando Meirelles.

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  • Grand écran: "Au nom de la terre" tire la sonnette d'alarme et fait un carton en France. Avec Guillaume Canet

    maxresdefault.jpgAu début des années 80, Pierre Jarjeau, tout juste débarqué des Etats-Unis, hérite de la ferme familiale. Croulant bientôt sous le travail, endetté jusqu’au cou après s’être mis à l’élevage intensif de poulets, Pierre, à bout, tombe dans la dépression et finit par se suicider.

    Avec Au nom de la terre, son premier long métrage, le réalisateur Edouard Bergeon, 37 ans, rend compte de  sa vie, en racontant avec réalisme, émotion, sensibilité, mais sans pathos, l’histoire de Christian, son propre père, mort à 45 ans en ingérant des pesticides. Comme dans le film.

    La fin tragique de cet agriculteur, épuisé moralement et physiquement, dit toute la difficulté, les problèmes, les transformations, les contraintes et surtout la souffrance, la détresse d’un monde en grand danger. Celui des paysans français vulnérables, sous pression, broyés par le système. En 2019, chaque jour, l’un d’eux se suicide.

    Pour incarner ce père décédé il y a vingt ans, l'auteur a choisi Guillaume Canet, qui s’est jeté avec passion dans cette rude aventure aux accents loachiens et au petit parfum de western. Autour de lui, s'est construite une famille crédible, composée de l’actrice belge Veerle Baetens, du jeune Anthony Bajon et de Rufus dans les rôles respectifs de la femme de Pierre Jarjeau, (qui travaille à l’extérieur et s’occupe de la comptabilité de la ferme), de son fils et de son père. 

    5390602.jpg"Je fais bouger les lignes"

    Récemment rencontré à Genève, Edouard Bergeon (photo), journaliste dont la terre colle à ses baskets de Parisien, auteur de sujets de société à la TV, notamment sur le monde agricole, nous en dit plus sur la genèse de l’œuvre qui fait un carton en France.

    "En 2011, j’avais tourné un documentaire Les fils de la terre, où je racontais le terrible combat d’un éleveur, très proche de celui de mon père. Le producteur Christophe Rossignon le voit. Fils et frère de paysan lui-même, il est bouleversé et m’appelle. On se rencontre et il me propose une adaptation. J’ai sauté sur l’occasion et ensemble, on a décidé d’en faire un long métrage de fiction".

    C’est alors que rentre dans l’affaire Guillaume Canet, également très touché par le documentaire. "Lui aussi veut l’adapter mais le mien était déjà en préparation, Très déçu il demande alors qui va jouer. Il se voit très bien le faire. Il me parle de sa jeunesse, il aime les chevaux, faire les foins. Le scénario lui plaît. Il me pousse à aller plus loin dans l’autobiographie. Du coup, je me nourris de tout ce que je connais. Pour moi, c’est plus qu’un film. Je fais bouger les lignes. Il devient un outil, un phénomène".

    Pensez-vous qu’il y aura une prise de conscience?

    Je l’attends. J’ai tout donné en le faisant. J’ai participé à des dizaines de présentations-débats. Je l’ai montré à l’Assemblée nationale, à Emmanuel Macron et à sa femme. Je pense qu’il a été touché. Il a pris quelques engagements. Mais après, il faudra un débat, du soutien.

    En tout cas, le public adhère à fond. Côté entrées, c’est un triomphe.

    J’ai reçu une foule de messages qui me disent, c’est nous, c’est notre vie. Si le film plaît tellement, c’est parce que je ne suis ni dans le jugement ni dans l’accusation. Je travaille sur des choses que je connais, que j’ai vécues.

    Vous pensez aux générations suivantes.

    Au nom de la terre est un coup de poing dans la gueule, mais s’il est dur, il n’appelle que de l’optimisme. Je me bats effectivement pour les nouvelles générations. Pour moi, tout passe par l’éducation, la santé publique. Et l’alimentation. A cet égard la balle est principalement dans le camp des consommateurs qui peuvent changer les choses en achetant des produits de saison, en circuits de proximité. C’est un vrai débat de société.

    Pour Edouard Bergeon, Au nom de la terre n’est qu’un début. Il planche sur un thriller lié aux grands enjeux environnementaux et climatiques et un autre concernant l’alimentation. Il  y a fort à parier qu’on retrouvera Guillaume Canet dans les deux.

    A l’affiche dans les salles de cinéma romandes dès mercredi 6 novembre. 

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