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Sorties de la Semaine - Page 103

  • Grand écran: "And Then We Danced", émancipation sexuelle entre rivalité et désir irrésistible

    And-Then-We-Danced.jpgA priori la danse folklorique géorgienne et la discipline de fer qu’impose un maître intransigeant à l’un de ses meilleurs adeptes ne sont pas de nature à provoquer un fol enthousiasme. C’est compter sans le talent de Levan Atkin, réalisateur suédois d’origine géorgienne, qui nous touche et nous séduit avec son troisième long métrage, And Then We Danced, récit d’une émancipation sexuelle sur fond de culture et de politique dans un Etat orthodoxe peu favorable à la liberté des mœurs.  

    Depuis qu’il sait marcher, Merab (l’excellent et lumineux comédien-danseur Levan Gelbakhiani) s’est formé avec rigueur à la pratique traditionnelle des sauts, kartuli, kandjlouri et autres khevsourouli. Avec une fougue qui ne trompe pas sur la volonté farouche de ce garçon mince et musclé au physique androgyne d’atteindre les sommets, en réalisant son rêve d’intégrer le prestigieux Ballet National.

    Humilié par son professeur

    On le découvre en studio où, avec Mary son amie de toujours, il recommence  inlassablement ses pas et ses mouvements, tendant à leur apporter un peu de renouveau entre fluidité et rigidité. Mais ce n’est pas gagné, son entraîneur ne cessant de l’humilier, lui assénant qu’il est trop mou, aboyant, sans qu’il ose le contredire, qu’il n’y a pas de faiblesse dans la danse géorgienne. Elle requiert une hyper masculinité s’opposant à la candeur virginale des filles, lui répète-t-il.

    C’est alors que débarque le charismatique et magnétique Irakli (Baschi Valishvili) à la boucle d’oreille. Mais si ce garçon décomplexé face au prof se pose en grand rival, il devient aussi le plus cher désir de Merab, qui finit par l’emporter sur la compétition. Cette forte attirance se manifeste lors d’un de ces week-ends alcoolisés, où Merab et ses amis cherchent à s’évader d’un quotidien dominé par la promiscuité familiale, le manque lancinant d’argent et la  perspective désespérante d’un avenir bouché.  

    Si l’éveil sexuel de ce personnage aussi attachant que désarmant, commence avec Irakli, il ne se prolongera pas avec lui, l’intéressé disparaissant un jour sans prévenir. L’important n’est toutefois pas seulement une romance gay contrariée, par ailleurs dénoncée comme contre-nature, mais le parcours intérieur de Merab, la découverte de son identité, la manière dont le cinéaste filme les corps, captant l’érotisme masculin en mêlant sensualité, intensité, délicatesse et tendresse.

    And Then We Danced, qui représentera la Suède aux Oscars, est le premier film LGBT en Géorgie, tourné à Tbilissi, la capitale. On rappellera que même si une loi a été promulguée pour protéger les minorités sexuelles, leur situation reste précaire dans le pays, comme l’évoque l’œuvre. Sélectionné à la dernière Quinzaine des réalisateurs à Cannes, Levan Atkin avait d’ailleurs rendu hommage aux personnes attaquées dans ce qui devait être la première Gay Pride en 2013.

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 4 décembre.

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  • Grand écran: dans "Le regard de Charles", Aznavour se dévoile, homme derrière la star

    image.jpg«Vous m’avez beaucoup vu. C’est votre regard qui m’a fait. Mais ce que vous ne savez pas c’est que moi aussi je vous ai regardés et ça m’a fait quelque chose. Ma caméra m’a ramené vers vous …. »  

    Ces mots, Charles Aznavour les prononce au début du documentaire émouvant et singulier réalisé par Marc Di Domenico et qui sort à l’occasion du premier anniversaire de la mort du célèbre chanteur-acteur le 1er octobre 1918. Il réunit des images que l’artiste aux 1000 chansons, aux 180 millions d’albums et à la soixantaine de rôles, a lui-même filmées au fil des ans. Elles sont entrecoupées d'archives télévisuelles. 

    Quelques mois avant sa disparition, Aznavour décide d’en faire un film, Le regard de Charles et donne à Marc Di Domenico accès à une masse de matériel, entreposé depuis des décennies dans une pièce de sa résidence provençale et immortalisé par une petite caméra offerte par Edith Piaf en 1948.

    Un regard multiple

    Jusqu’en 1982, elle ne quittera plus le chanteur, légende mondiale, qui posait sur son existence et celle des autres un oeil de cinéaste. Il l’emportait partout avec lui, filmant son quotidien, ses voyages, ses succès, enregistrant des instants de vie, les lieux qu’il traverse, les gens qu'il rencontre et, comme dit sa chanson, ses amis, ses amours, ses emmerdes.

    Le-Regard-de-Charles-11-950x520.jpgCar le regard de Charles est multiple. Il y a celui qu’il portait sur le monde lors de ses voyages en Afrique, en Asie, en Amérique latine, où il filmait le peuple, les anonymes, qu'il préférait aux monuments. Il y a le regard de l’amoureux sur Micheline, Edith ses deux premières épouses et évidemment sur Ulla (photo), la femme de sa vie qu’il a épousée en 1967.

    Il y a aussi son regard sur ses parents, émigrants arméniens dont il est si fier. Ou encore celui heureux du père comblé de quatre enfants et celui, douloureux, du père tourmenté par la mort de son fils Patrick d’une overdose à 25 ans.
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    En découvrant ce que Charles a filmé, Marc Di Domenico tombe sous le charme, comme il nous le dit lors d’une récente rencontre à Genève en compagnie de Mischa, le cadet de la famille. «J’ai trouvé des choses inattendues, non conventionnelles, un parcours initiatique, la vision d’un homme sur l’altérité, sa volonté de réussir sa vie, Par ailleurs, les images n’étaient pas celles d’un simple touriste, elles étaient composées. Ce qui n’a rien d’étonnant, Charles ayant toujours voulu être réalisateur».

    Construit comme un album

    L’opus, dont le texte est dit par le comédien Romain Duris, un excellent choix, est construit comme un album avec des chansons qui structurent un texte évoquant les voyages, les femmes, la carrière. «J’avais envie de relater un journal à la fois intime et universel. Une traversée du siècle et en même temps des choses qui sont communes à beaucoup de gens».

    Tous les aspects de la personnalité de Charles sont abordés, dont son goût pour les relations dévastatrices, pour l’argent. «J’ai joui d’une totale liberté à cet égard. Par exemple de qu’il y a eu avant Ulla n’a pas été censuré. Comme l’abandon de sa première femme quand il part au Canada, la mort de Patrick, le fait qu’il aimait l’argent. J’en avais, j’étais content de moi, dit-il. Pour moi, cela ne fait qu’humaniser davantage un homme qui a dû se battre pour imposer son physique et sa voix. Il a construit sa formidable relation avec le public contre les médias».

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande depuis le 27 novembre.

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  • Grand écran: l'homme face à la nature dans "Viendra le feu"

    cinema_-_espagne_-_oliver_laxe_-_viendra_le_feu_-_2019.jpgL’ouverture, dans une nuit éclairée par un halo de lumière, est saisissante. D’énormes engins détruisent des eucalyptus considérés par certains comme nuisibles. Ils s’écroulent les uns après les autres. Et puis soudain un arbre immense se dresse contre les bulldozers comme pour échapper à sa funeste destinée. Un affrontement mystique lourd de menace entre les hommes et la nature, qui donne le ton à Viendra le feu.

    Le réalisateur Olivier Laxe s’intéresse ensuite à Amador Coro, un supposé pyromane ascétique au visage émacié, aux épaules tombantes et à l’expression morne. Un taiseux dur au travail, brimé, buté, un pestiféré apparemment rongé par un feu intérieur. On n’en saura pas beaucoup plus sur ce personnage énigmatique. Tout juste sorti de prison, il va se réfugier chez sa mère Benedicta dans les montagnes galiciennes.

    Sur la petite exploitation agricole, leur modeste quotidien se déroule au rythme des saisons, se limitant à allumer la gazinière ou à conduire leurs trois vaches aux champs. Jusqu’au gigantesque incendie annoncé par le titre et qui va tout détruire. Des scènes filmées au plus près des flammes, un exploit, symbolisent une nature qui se venge..

    Troisième long métrage de l’auteur, cette singulière parabole rurale minimaliste, contemplative, à la mise en scène sèche, qu’illuminent parfois des images d’une rare beauté, avait décroché prix du jury dans la section cannoise Un Certain Regard. Elle se révèle à la fois dépouillée, spectaculaire et ardente. Dommage pourtant qu'en dehors des magnifiques séquences inaugurale et finale, l’incandescence ne se propage pas à tout le récit.

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès le mercredi 27 novembre.

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