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Sorties de la Semaine - Page 105

  • Grand écran: avec "Les particules", Blaise Harrison se penche à son tour sur les tourments de l'adolescence

    les-4-acteurs-du-film-originaires-du-pays-de-gex-nicolas-marcant-leo-couilfort-salvatore-ferro-et-thomas-daloz-ce-dernier-interprete-le-heros-du-film-archives-le-dl-a-g-1556877853.jpgC’est l’histoire de P.A et de sa bande, des lycéens en classe terminale qui vivent dans le Pays de Gex, à proximité du LHC, l’accélérateur de particules le plus puissant de la planète, qui provoque des collisions pour en détecter d’inconnues à ce jour. Alors que l’hiver s’installe, les jeunes, plus particulièrement P.A voient le monde changer autour d’eux. Ils observent des lueurs, des phénomènes bizarres, des modifications anormales dans l’environnement, le paysage. D’abord de façon imperceptible, avant que tout bascule…

    Proposition de cinéma singulière, originale, métaphorique que Les particules, premier long-métrage du Franco-Suisse Blaise Harrison, sélectionné en mai dernier à la Quinzaine cannoise des Réalisateurs. Il fait ressortir les tourments de l’adolescence, ce plein d’énergie, d’angoisse, de passion et se déroule entre rêve et réalité dans une ambiance trouble, menaçante, triste. Il flirte avec le fantastique, ce qui nous vaut quelques effets spéciaux pas trop voyants, notamment un modeste trip à la Kubrick inspiré, CERN oblige, par l’imagerie scientifique.

    Des électrons libres qui cherchent leur place

    L'opus est radical, sobrement mis en scène, prometteur en dépit de sa longueur et de sa lenteur censée montrer l'étrangeté et détourner le spectateur de la trame narrative. Il est parfaitement interprété par des acteurs non professionnels de la région, dont le charismatique Thomas Daloz, alias P.A. Blaise Harrison filme des ados pas trop rebelles, plutôt de bons gamins un peu à côté, dont la révolte passe par l’affranchissement. Ce sont des électrons libres qui cherchent leur place dans une société pour laquelle ils ne sont pas faits et dans laquelle ils cherchent leur place.

    Lors d’une rencontre, l'auteur nous en dit plus sur lui, un solitaire, ce film qui lui ressemble (le parcours de P.A est aussi le sien) et son envie de cinéma qui remonte à très loin. A son enfance passée dans le Pays de Gex, à la campagne, en-dehors de Divonne où il est né en 1980. Il a commencé à s’intéresser à la photo, avant que le cinéma prenne le dessus, à cause du son, lorsque ses parents lui offrent une caméra super 8.

    Il a d’abord voulu essayer des choses

    En allant au cinéma à Ferney-Voltaire et au Grütli, Blaise découvre Jarmush et Kaurismaki entre 1996 et 1998. Après le lycée, il étudie à l’ECAL, sachant que le septième art est décidément sa vocation. Les particules, il y pensait depuis toujours a toujours eu envie de le réaliser, voulant raconter cet âge-là dans un coin à la fois banal et plein de mystère.

    Mais avant, il a eu besoin d’essayer des choses, comme assistant caméra, ou auteur de documentaires pour ARTE, Armand, 15 ans, l’été, vu à la Quinzaine des Réalisateurs en 2011 puis L’Harmonie (il a joué lui-même du saxophone baryton dans une fanfare), sélectionné à Locarno deux ans plus tard.

    Avec ce titre, Les particules, on pourrait croire Harrison fasciné par le CERN. "Ce n’est pas vraiment le cas. du moins pas en écrivant le film. Je voulais surtout raconter une forme d’inquiétude lorsqu’on découvre le monde, la prise de conscience de l’évanescence. La physique quantique nous dit que tout est incertain. Je trouvais beau d’envisager l’univers comme un agglomérat de particules".

    «On a vu plus de 500 élèves»

    Ses acteurs sont tous des non-professionnels. "On a organisé un casting au lycée de Ferney sous forme de volontariat. On a vu plus de 500 élèves. Il fallait que mes protagonistes soient du coin. Qu’ils parlent avec leurs mots. Que le réel nourrisse la fiction et m’emmène ailleurs. Je les ai laissés tels qu’ils sont. Sauf Thomas Daloz, qui est beaucoup moins réservé et taciturne dans la vraie vie. Lui, je l’ai rencontré dans la cour. Sa façon de s’exprimer me plaisait. J'ai vraiment dû le convaincre. Il a démontré un grand talent d’acteur, se réappropriant les scènes. C’est le seul que j’ai dirigé".

    Blaise Harrison tourne des films qui lui correspondent, mais ne sait pas vraiment ce que sera le prochain. "Ce qui est sûr, c’est que j’userai de la même méthode de travail. Je pense à un personnage féminin, une adolescente. C’est un moment magnifique à filmer. Je ne vous en dirai pas davantage, mais il s’agira probablement d’une adaptation".

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 4 septembre.

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  • Grand écran: "Insoumises", avec Sylvie Testud parfaite en rebelle habillée en homme

    csm_043af7b0d40a2bd6bb50b519d5dd0ced_c89d9f2d47.pngUne nonne seule, face à la mer, au sommet d’une falaise battue par les vagues. C’est ainsi que commence  Insoumises, un film coréalisé par Laura Cazador et Fernando Perez. Il raconte l’histoire incroyable mais vraie d’Henriette Faber, née à Lausanne, où elle demeure inconnue, en 1791, Comme tant d’autres c’est une figure oubliée de l’histoire. Mais elle est devenue l’icône de la communauté lesbienne, transgenre ou encore des militants anti-esclavagistes de Cuba, son île d’adoption.

    Mariée très jeune elle se retrouve veuve à 18 ans. Déguisée en homme, elle part à Paris pour étudier la médecine à la Sorbonne avant de débarquer à Cuba en 1819. A Baracoa, dans l’est du pays, elle devient Enrique Faber, ce chirurgien blanc qui intrigue la bonne société locale, soignant indifféremment les riches et les pauvres, tout en affirmant ses convictions anti-esclavagistes.

    Un procès aussi retentissant que scandaleux

    Tombée amoureuse de Juana de Leon, une superbe sauvageonne qu’elle a sauvée d’une méchante fièvre, rejetée pour avoir perdu sa virginité (alors qu’elle a été violée par un redoutable marchand d’esclaves), elle l’épouse. Un mariage célébré à l’église, qui rend pour un temps à Juana sa dignité flétrie. Mais la frêle silhouette et le comportement peu viril du médecin finissent par poser question.

    Quand la vérité éclate, tous se liguent pour dénoncer férocement Enrique(ta) qui, maltraitée et humiliée, se retrouve au cœur d’un procès retentissant, l’un des plus scandaleux de l’île. Elle sera condamnée à l’exil par la justice cubaine, et c’est cette fois sous l’habit de nonne, dans un couvent de la Nouvelle-Orléans, qu’elle a continué à soigner les déshérités jusqu’à sa mort.

    Un rôle sur mesure

    Le rôle d’Enrique Faber a été confié à Sylvie Testud, qui avait manifesté son intérêt et appris l’espagnol pour mieux investir son personnage. C’est du sur mesure. Avec son physique androgyne, elle incarne parfaitement cette insoumise habillée en homme, à la fois froide, énigmatique, inflexible et fragile,  à l’éthique sans failles. Insensible aux faveurs que les puissants du coin  tiennent à lui dispenser, elle ne craint pas de s’insurger contre la domination blanche et d’en dénoncer les préjugés.  

    Entre oppression coloniale, rebellions d’esclaves, catholicisme espagnol et religions africaines,  les auteurs se sont, de leur côté, attachés à comprendre le contexte de cette période décadente et contradictoire de l’histoire cubaine au prix d’un très long travail de recherches, de documentation et d’écriture. Ils parviennent ainsi  à restituer, entre moiteur et végétation luxuriante, deux l'atmosphère tropicale et glauque de Baracoa, où fleurissent le commerce d'esclaves et les terribles inégalités sociales. 

    A l’affiche à Genève dès le 27 août et ailleurs en Suisse romande dès le 28 août. 

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  • Grand écran: "Roubaix, une lumière", un polar brillant et troublant. Avec un trio de choc

    Lea-Seydoux-Claude-Roschdy-Zem-commissaire-Daoud-Roubaix-lumiere-dArnaud-Desplechin_0_729_487.jpgUne nuit de Noël à Roubaix. La commune la plus pauvre de France confrontée à un chômage de masse, au délabrement et à la désespérance.  Insomniaque solitaire, le commissaire Daoud (Roshdy Zem) sillonne la ville. Véhicule incendié, bagarres, plaintes, interpellations, fouilles, tentatives inlassables de démêler le vrai du faux, les affaires courantes d’un quotidien policier laborieux sans cesse recommencé.

    Mais rapidement une enquête va prendre le dessus. En compagnie de Louis (Antoine Reinartz), un bleu qui vient de débarquer, féru de Levinas mais avide de faire ses preuves, le calme et chevronné Daoud va devoir résoudre le meurtre d’une vieille dame esseulée.

    Ses voisines Claude et Marie (Léa Seydoux et Sara Forestier), un couple de lesbiennes d’une trentaine d’années, sont rapidement suspectées. Alcooliques, toxicomanes et sans le sou, elles vont finir par avouer avoir tué Lucette, 83 ans, dans son lit. Un crime sordide pour un butin dérisoire, une télévision, des produits à vaisselle et de la nourriture pour chiens.

    Un changement de registre très réussi

    C’est la première fois qu’Arnaud Desplechin, adepte du romanesque, revenu pour l’occasion dans sa ville natale et désireux de filmer le réel, s’attaque au polar. Le changement de registre est très réussi, même s’il n’a pas convaincu le jury du dernier Festival de Cannes qui a laissé le réalisateur repartir les mains vides..

    Notamment inspiré par Hitchcock et Dostoïevsky, le fer de lance du cinéma d’auteur français livre avec Roubaix, une lumière, un polar noir, métaphysique, singulier, sans suspense, principalement centré sur l’investigation, les témoignages, les interrogatoires, les dépositions, la reconstitution du crime avec des versions passées au crible. C’est la force de ce film réaliste, basé sur une garde à vue authentique ayant déjà fait l’objet d’un documentaire en 2002, Roubaix, commissariat central.

    Entre le prêtre, l'assistant social et le psy

    Cette version fictionnelle, chronique de la misère ordinaire à la mise en scène stylisée qui sonde les profondeurs de l’âme des victimes et des coupables, est par ailleurs sublimée par le face à face entre Roschdy Zem, Léa Seydoux et Sara Forestier. Les trois se révèlent impressionnants dans cette affaire à la Simenon, à la fois sinistre et banale. Plus particulièrement Roshdy Zem, qui  compose un policier taiseux  façon Lino Ventura, empathique, tenant à la fois du prêtre, de l’assistant social et du psychanalyste.

    Daoud est une sorte de personnage utopique à la bonté absolue. Apparemment marqué par un passé douloureux, jamais dans le jugement, il veut comprendre, amener les deux femmes à la dérive à se confesser par le dialogue et la douceur. Il ne demande pas pourquoi, mais comment, cherchant ainsi à ramener Claude et Marie hébétées, perdues, sur le plan de l’humain. Brillant, troublant, émouvant.

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 21 août.

    Sortie également de "Diego Maradona", passionnant documentaire d'Afsia Kapadia sur la gloire et la décadence du mythique footballeur, vénéré comme un dieu à Naples avant de devenir un pestiféré. Lire notre chronique du 15 août, à l'occasion de la projection au Festival de Locarno, sur la Piazza Grande. 

     

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