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Sorties de la Semaine - Page 108

  • Grand écran: "Papicha", les insoumises contre l'intégrisme dans l'Algérie des années 90

    maxresdefault.jpgAlger, années 90. La décennie noire, qui a fait près de 200.000 victimes sur fond de terrorisme islamique. Ce  contexte politico-social d’une rare violence a inspiré à Mounia Meddour, son premier film de fiction Papicha. Interdit de projection en Algérie, il la représentera tout de même aux Oscars en février prochain.

    Nedjma,18 ans, insolente, rebelle et farouchement indépendante, habite la cité universitaire et rêve de devenir styliste. A la nuit tombée, elle fait le mur pour rejoindre une boîte de nuit où elle vend ses créations aux «papichas», un mot utilisé en ce temps-là pour désigner les jolies et coquettes Algéroises.

    Mais cela ne suffit pas à l’insoumise. Malgré la pression des intégristes qui tentent de museler les femmes et de contrôler leur corps en le cachant, Nedjma décide, avec ses meilleures amies dont Wassila, de se battre pour leur liberté en organisant un défilé de mode. Rejetant les carcans sociaux, l’obscurantisme religieux et le bagne traditionaliste, ces jeunes femmes follement courageuses bravent ainsi  tous les interdits.

    Vouloir être belles, transgression suprême

    On pourrait reprocher à cette ode à l’émancipation des femmes à travers la mode quelques petites maladresses dans le récit, un côté un peu attendu, parfois trop démonstratif. Mais ce sont des réserves mineures en regard de la vitalité et de l’énergie que l’opus dégage. On est séduit par la passion, la sensualité, la rage de vivre et d’aimer de ces résistantes avides de modernité, de vouloir être belles, de libérer, transgression suprême, leur corps au lieu de l’enfermer. Et cela en dépit d’une oppression fondamentaliste qui se manifeste partout, chaque jour.

    Magnifiquement porté par ses comédiennes, plus particulièrement par la lumineuse Lyna Koudri (Nedjma)et l’attachante Shirine Boutella (Wassila), deux révélations, ce plaidoyer intense, aussi émouvant que nécessaire, repose sur des faits réels, monstrueux. Il salue les femmes qui n'ont cessé d'avancer malgré le danger. Et qui l’ont parfois payé de leur vie.

    000_1gj8ry.jpg«J’ai vécu un temps comme les filles du film»

    Cette reconstitution à la fois déchirante et stimulante de l’Algérie a une résonance autobiographique. Dans les années 90, sa réalisatrice Mounia Meddour y a vécu. «J’avais 18 ans et je résidais dans une cité universitaire. J’ai vécu un temps comme les filles du film », nous raconte-elle lors d’une rencontre au Festival Arte Mare de Bastia où Papicha a reçu le Prix du public. «J’ai vu la montée du radicalisme à la télévision pendant que j’étais à Alger. Mais à un moment donné, j’ai dû fuir avec ma famille, des intellos de gauche, à Paris».

    Mounia Meddour a voulu transmettre cette période. «Il m’a fallu quinze ans de maturation, cinq ans d’écriture et cinq semaines de tournage à Alger. Mais je le fais en choisissant un angle particulier. «Comme on veut couvrir le corps des femmes, la mode dévoile la féminité. C’est un exutoire, un élément révélateur, fédérateur. Les filles se retrouvent autour de ce défilé avec énormément de courage».

    Un film de résistance 

    Féministe et universel, Papicha, cri de colère, est surtout un film de résistance. «Tout était très compliqué, très dur pour elles d’exister dans l’espace public. En fait elles n’existaient pas du tout. C’était une période terriblement sombre. Certaines étaient attaquées à l’acide ou ont été tuées parce qu’elles refusaient de mettre le voile. C’est à toutes celles qui se battaient, qui ne s’avouaient pas vaincues, que je rends hommage »

    Sélectionné dans la section Un Certain regard au dernier Festival de Cannes, Papicha, qui a été ovationné («c’était énorme!») figure, comme on l'a déjà dit plus haut, sur la liste pour l’Oscar du film étranger. Mounia Meddour ne se fait toutefois guère d’illusions. «Cela flatte l’ego, mais la concurrence est trop rude. Je ne cours pas dans la même catégorie que Parasite. Et ce n’est qu’un exemple».

    Voilà qui n’empêche pas la réalisatrice de réfléchir à un prochain film sur le milieu de la danse à Alger, dans le contexte politique actuel cette fois. «Ce sera très proche du réel».   

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 14 octobre.

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  • Grand écran: "La fameuse invasion des ours en Sicile", une perle graphique pleine de magie et de poésie

    Projection-Lorenzo-Mattoti.pngTonio, le fils de Léonce, le roi des ours, est enlevé par des chasseurs dans les montagnes siciliennes et vit désormais chez les humains. Alors que la rigueur de l'hiver menace son peuple de famine, Léonce part à sa recherche et décide d’envahir le territoire des hommes. Avec l’aide de son armée et d’un magicien, il réussit à vaincre et finit par retrouver Tonio. Mais tout n'est pas gagné pour autant. 

    Ce film très personnel, qui ne doit rien à  l’animation américaine ou japonaise, est signé par le génial illustrateur italien Lorenzo Mattoti. Coécrit avec Jean-Luc Fromental et Thomas Bidegain, il est tiré de La fameuse invasion des ours en Sicile de Dino Buzzati, un roman pour enfants publié en 1945. Le réalisateur livre une  perle graphique, pleine de naïveté, de magie, de poésie, de féérie, sublimée par  de flamboyantes couleurs.

    Dans cette fable écologique et métaphorique, un peu pessimiste, racontée par une petite fille et un ménestrel et où il s’est fait plaisir en interprétant un ogre, Lorenzo Mattoti évoque à la fois l’obsession du pouvoir, la corruption politique, la relation père-fils, l’adaptation à une autre culture, l’acceptation de l’autre et de la différence. Pour un ours, voir son fils grandir comme un homme n’est pas facile…

    Un gros défi

    Grand admirateur de Dino Buzzati, un auteur phare qui l’a toujours influencé dans ses dessins, Lorenzo Mattoti s’est lancé un gros défi pour son premier long-métrage, en adaptant l’œuvre réputée inadaptable de l’écrivain. Il l’évoque dans l’entretien qu’il nous a accordé lors de son passage à Genève.

    «Le livre est  compliqué, particulièrement riche. Il y a une foule de personnages étranges, des fantômes des dragons. Plein de petits poèmes aussi. C’était difficile de respecter la structure, car l’histoire est illogique, part dans tous les sens. On a dû inventer des situations pour la justifier, nettoyer un peu, sacrifier des idées. Le rythme est également singulièrement différent entre la lecture et le cinéma. Comme par exemple la danse des ours qu’il a fallu transposer. Ce n’était pas une mince affaire.»

    Vous aviez envie d’introduire un personnage féminin. Pourquoi ?

    Parce qu’aujourd’hui on ne peut plus raconter une histoire sans femmes! Mais surtout cette petite fille est tellement attachante. Très active de surctoît, elle constitue un lien et rend le récit plus fluide. C'était indispensable.

    Il y a un mélange d’aventure et de commedia dell’arte

    On a travaillé avec des masques. J’ai toujours pensé au théâtre dans la mise en scène.

    L’esthétique est originale, en 2 et 3 D. Cela vous a-t-il posé des problèmes ?

    Non je viens d’un monde d’images. Pour moi, le plus ardu a été le traitement, le découpage. J’y ai passé cinq à six ans. Mais cela valait la peine parce que je désirais réaliser un film à grand spectacle pour les jeunes, tout en provoquant une réflexion, en leur parlant de la complexité des choses. Sans les cacher, mais en les disant de manière poétique.

    La langue originale est française. Pour quelle raison?

    Parce que les producteurs et toute l’équipe sont français. En Italie, cela aurait été beaucoup plus dur. Principalement en raison de l'absence de bonnes écoles et donc de grand savoir-faire dans le domaine -

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 9 octobre.

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  • Grand écran: "Joker", un grand film porté par un Joaquin Phoenix magistral

    maxresdefault.jpgApprenti comédien dans les années 80, Arthur Fleck veut faire du stand up. Au début du film on le voit se maquiller en clown. Devant le miroir, il étire de ses doigts les coins de la bouche, se plaquant sur le visage un sourire forcé. Avant d’affronter la violence de la rue où, pour attirer l’attention, il se tient avec sa pancarte.

    Une bande de jeunes décide alors de la lui voler et le jette à terre, s’acharnant sur lui et le rouant de coups. Le début du basculement dans la folie pour Fleck qui, de plus en plus méprisé, humilié, bafoué de tous devient le Joker, un dangereux tueur psychopathe.

    Avec ce récit des origines du personnage culte, ennemi juré de Batman le plus dingue des super vilains de Gotham City, Todd Phillips, justement récompensé par le Lion d’Or à Venise signe une grande œuvre, très loin des codes des films de super-héros classiques. L’histoire, implacable, brutale, est servie par une réalisation stylée, froide, précise, sans effets inutilement spectaculaires, en dépit de scènes barbares.

    Arthur Fleck vit avec sa mère (qui le surnomme Happy) dans un vieil appartement d’une ville au bord du chaos, malgré les promesses de Thomas Wayne, candidat à la mairie. Todd Phillips décrit une situation où les pauvres, traités comme des parias, sont écrasés par les riches dans un système pourri, cautionné par des médias se cantonnant dans le divertissement futile.

    Todd Phillips évoque l’impunité dans laquelle se croient les puissants face aux faibles. Jusqu’à l’inévitable révolte. Socialement très actuel à l’heure où le fossé s’agrandit entre le peuple et les élites, le propos est manifestement destiné à favoriser l’empathie du spectateur pour ce clown triste, personnage hors norme.

    Une prestation flippante et poignante

    Le réalisateur nous invite à une plongée dérangeante dans l’âme tourmentée et torturée d’Arthur Fleck. Même s’il le dépeint comme un psychopathe auteur de crimes affreux, il en fait aussi une icône, un homme attachant, touchant, séduisant, charismatique, glorifiant carrément ses actions abominables, dont le meurtre d’une mère maltraitante. Nous le montrant comme le sauveur de la classe ouvrière de Gotham City, il nous pousse à plaindre cet être immoral.

    Joker est porté de bout en bout par un Joaquin Phoenix magistral, à la fois sinistre, effrayant, humain, monstrueux, provoquant. Indéniablement sur la route de l’Oscar, faute de ne pas avoir pu être sacré meilleur comédien à la Mostra, l'opus ayant déjà reçu la médaille suprême.

    Grimaçant, mentalement dérangé, décharné, la peau sur les os (il a perdu 25 kilos), sujet à des crises de folie et un rire incontrôlable, symbolique de son mal-être provoqué par une lésion cérébrale, il livre une prestation hallucinante, démente, flippante, perturbante, bluffante, déchirante.

    Sa performance extraordinaire a tendance à occulter celle des autres protagonistes. A commencer par celle, pourtant excellente, de Robert De Niro. Sobre, il offre le contrepied parfait à la folle interprétation de Joaquin Phoenix, dans le rôle de Murray Franklin célèbre animateur de talk show, magnat du petit écran proche du personnage incarné par Jerry Lewis dans La valse des pantins de Martin Scorsese.

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 9 octobre.

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