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Sorties de la Semaine - Page 97

  • Grand écran: l'homme face à la nature dans "Viendra le feu"

    cinema_-_espagne_-_oliver_laxe_-_viendra_le_feu_-_2019.jpgL’ouverture, dans une nuit éclairée par un halo de lumière, est saisissante. D’énormes engins détruisent des eucalyptus considérés par certains comme nuisibles. Ils s’écroulent les uns après les autres. Et puis soudain un arbre immense se dresse contre les bulldozers comme pour échapper à sa funeste destinée. Un affrontement mystique lourd de menace entre les hommes et la nature, qui donne le ton à Viendra le feu.

    Le réalisateur Olivier Laxe s’intéresse ensuite à Amador Coro, un supposé pyromane ascétique au visage émacié, aux épaules tombantes et à l’expression morne. Un taiseux dur au travail, brimé, buté, un pestiféré apparemment rongé par un feu intérieur. On n’en saura pas beaucoup plus sur ce personnage énigmatique. Tout juste sorti de prison, il va se réfugier chez sa mère Benedicta dans les montagnes galiciennes.

    Sur la petite exploitation agricole, leur modeste quotidien se déroule au rythme des saisons, se limitant à allumer la gazinière ou à conduire leurs trois vaches aux champs. Jusqu’au gigantesque incendie annoncé par le titre et qui va tout détruire. Des scènes filmées au plus près des flammes, un exploit, symbolisent une nature qui se venge..

    Troisième long métrage de l’auteur, cette singulière parabole rurale minimaliste, contemplative, à la mise en scène sèche, qu’illuminent parfois des images d’une rare beauté, avait décroché prix du jury dans la section cannoise Un Certain Regard. Elle se révèle à la fois dépouillée, spectaculaire et ardente. Dommage pourtant qu'en dehors des magnifiques séquences inaugurale et finale, l’incandescence ne se propage pas à tout le récit.

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès le mercredi 27 novembre.

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  • Grand écran: "Proxima" révèle le conflit intérieur d'une mère à la conquête de l'espace

    1335229.jpgAstronaute française, Sarah s'apprête à s’envoler vers les étoiles en compagnie de deux confrères américain et russe pour une mission d’un an. Alors qu’elle suit un entraînement rigoureux, elle se prépare aussi et surtout à quitter sa fille de huit ans. Un film magnifiquement porté par Eva Green, qui se coule avec force et sensibilité dans le rôle complexe d’une mère profondément attachée à son enfant, doublée d’une super héroïne à la conquête de l’espace.

    Avec Proxima, Alice Winocour, fascinée par le sujet depuis l’enfance, propose une oeuvre métaphorique, immersive, sur la séparation, la douleur du départ, des adieux. Elle évoque, dans ce troisième long métrage, une femme qui va devoir couper le cordon ombilical la reliant à la fois à sa fille et à la Terre. Les deux sont difficiles, mais permettront également la libération, l’apaisement.

    Ce parti pris d’une émouvante et fusionnelle relation mère-fille, fait ainsi de Proxima le plus terrien des films spatiaux. Délaissant la science-fiction, Alice Winocour ne nous emmènera pas dans des planètes lointaines, préférant au voyage spectaculaire dans l’immensité galactique dont on ne verra aucune image, un parcours psychologique intime, se concentrant sur le conflit intérieur d’une mère en voie d’accomplir l’exploit d’une vie et ce qu’elle doit sacrifier pour y parvenir.

    Dans cet opus original, sobre, résolument féministe, l’auteure s’adresse ainsi à toutes les mères tiraillées, montrant comment l’idéal de la maman parfaite provoque de l’autocensure, un conditionnement social entre s’occuper de sa progéniture et réaliser ses rêves. Un obstacle qu’elles doivent franchir, les deux n’étant pas incompatibles.

    Préparation folle et machisme ambiant

    Tourné dans de vrais centres spatiaux, et donc dans des décors réels, Proxima montre par ailleurs le degré hallucinant de préparation nécessaire à une expédition hors norme, la dureté extrême de l’entraînement dans une centrifugeuse, une piscine, ce qui constitue en fait la plus grande partie de l’existence des astronautes.

    La pression est intense, surtout pour Sarah qui évolue de surcroît dans un univers d’hommes, ses consoeurs représentant un petit dix pour cent dans la profession. Elle se frotte au machisme ambiant, notamment à celui de son chef incarné par Matt Dillon. Qui se croit drôle en plaisantant lourdement au début (il changera heureusement par la suite). sur la grande chance de l’équipage d’avoir à bord une femme, Française en plus, et donc très douée… en cuisine. On lui demande aussi si elle veut continuer à avoir ses règles. Le cas échéant le poids des tampons sera déduit… Des scènes en-dessous de la réalité selon Alice Winocour.

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 27 novembre.

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  • Grand écran: "Chanson douce" vire à la ballade horrifique. Avec Karin Viard impressionnante

    chanson-doucewebok.jpgPaul et Myriam ont une fille de cinq ans, Mila et un bébé de onze mois, Adam. Ne supportant plus de rester entre ses quatre murs, Myriam souhaite reprendre son travail d’avocate. Avec son mari musicien, elle se met à la recherche d’une nounou. Après en avoir vu plusieurs, ils embauchent l’expérimentée Louise, qui gagne immédiatement l’affection des bambins. Soulagés, ils pensent avoir trouvé l’oiseau rare.

    Dévouée, bienveillante, consciencieuse, toujours prête à rendre service, Louise ne tarde pas à occuper une place qui ne doit pas être la sienne au sein de la famille et du couple, pénétrant dans leur intimité. Comme une araignée, elle tisse sa toile, étend son emprise. Et progressivement, se révèle toujours plus inquiétante sous sa quasi perfection.

    Chanson douce de Louise Borleteau est adapté du roman éponyme de Leïla Slimani, lauréate du Prix Goncourt en 2016. Il est lui-même basé sur un tragique fait divers survenu à New-York en 2012. Au tout début, on pense curieusement à La main sur le berceau bien qu’en réalité l’oeuvre n’ait rien à voir avec le film de Curtis Hanson. En fait, avec cette folie qui s’installe, créatrice d’une tension extraordinairement palpable, il s’apparente plutôt à La cérémonie de Claude Chabrol et au Locataire de Roman Polanski. Deux références pleinement revendiquées  par la réalisatrice.

    Sur un scénario coécrit par l’acteur Jérémie Elkaïm, Lucie Borleteau, auteur de Fidelio, L’odyssée d’Alice, en fait un opus un peu hybride, au carrefour des genres, chronique sociale, drame, tragédie psychologique, thriller, en plongeant le spectateur dans le cauchemar. Evitant soigneusement le sensationnalisme.

    L’angoisse vient du fait que tout est vrai. La cinéaste reproduit la force du roman, bien qu’elle ait décidé de ne pas en respecter l’ordre chronologique. Elle augmente ainsi le suspense et le sentiment d’horreur qui atteint un paroxysme que l’on redoute sans vouloir y croire.

    1045740.jpgLa réussite de Chanson douce tient également évidemment à ses comédiens, Leïla Bekti, de plus en plus présente sur grand écran, Antoine Reinartz et surtout Karine Viard, remarquable dans le rôle de cette femme toxique, complexée, névrosée et glaçante, délaissée, en proie à la solitude, en manque d’affection, vivant dans une sorte de taudis. On découvre une partie de son quotidien sordide dans des scènes de train qui ne figurent pas dans le roman, mais que Lucie Borleteau a imaginées afin de donner un ancrage sociologique à son héroïne.

    C'est d'ailleurs Karin Viard qui a voulu acheter les droits, comme elle le dit dans divers interviews. Après avoir lu le livre, elle a appelé un producteur pour qu’il les achète pour elle. Quand Lucie Borleteau a remplacé Maïwenn, désireuse d’adapter le roman mais s’était finalement retirée de l’aventure, Karin a suivi toutes les étapes d’écriture et précise qu’elle a notamment donné son avis sur les scènes où Louise est en-dehors de l’appartement familial.

    De passage à Genève lors du GIFF, Lucie Borleteau nous en dit plus sur cette Chanson douce qui vire inéluctablement à la ballade horrifique. "Adapter un prix Goncourt, c'était un gros défi. Surtout celui-ci. A dire vrai, c’est mon producteur qui me l’a fait lire. J’ai donc commencé dans l’optique d’en faire un film. Je l’ai dévoré d’une traite. Ce livre est un conte maléfique et magnétique qui m’a laissé une forte sensation de vertige, l’idée d’un puits sans fond que j’ai essayé de retranscrire à l’écran. Jérémie Elkaïm a fait des choix radicaux, condensés. Je suis partie de son texte et j’ai rajouté des choses qui m’avaient marquées et me manquaient".

    278346.jpg-c_215_290_x-f_jpg-q_x-xxyxx.jpgVous avez trahi la chronologie du roman en plaçant la scène du début à la fin.

    Ce fut un choix très long. Je ne me fermais aucune porte. Mais si je restais fidèle au livre en l’occurrence, le film devenait un chemin de croix. Or, en-dehors du suspense que cela provoquait en procédant inversement, je voulais qu’on soit dans l’empathie avec tous les personnages. Y compris Louise, qui n’est pas qu’une tueuse d’enfants.

    Karin Viard se révèle d'une rare évidence en baby-sitter très dérangée.

    Pour elle c’était un désir puissant. Elle n’avait jamais incarné de personnage de ce genre. Ce qui l’intéressait c’était l’humiliation sociale, très présente aujourd’hui dans nos sociétés qui excluent les marginaux. Cette donnée est au cœur du film.

    Paul et Myriam ne savent pas trop comment faire avec cette femme apparemment si parfaite.

    Effectivement. Ils n’arrivent pas à se comporter en patrons vis-à-vis d’une simple employée. Non seulement Myriam est impressionnée, mais en plus elle retrouve une liberté grâce à elle. En outre le fait qu’elle s’occupe des enfants implique une relation affective et c’est cela qui permet à Louise de prendre petit à petit une place centrale au sein de ce foyer. Au point que le couple, perdant de vue la distance qu’il devrait conserver, lui propose de venir en vacances. Ce sont ces vacances qui représentent le moment de bascule vers la folie.

    "Chanson douce" à l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 27 novembre.

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