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Sorties de la Semaine - Page 51

  • Grand écran: "Petite nature", mais grande découverte avec la révélation Aliocha Reinert

    Dix ans, faussement frêle avec son irrésistible gueule d’ange, son look féminin et ses longs cheveux blonds, Johnny (Aliocha Reinert) ne s’intéresse qu’aux histoires des adultes. Dans sa cité HLM de Forbach en Lorraine, l’un de ces territoires perdus de la République, il sait jouer des poings quand il faut, s’occupe de sa petite sœur et observe avec une curiosité condescendante la vie sentimentale triste et agitée de sa mère. Aimante façon louve protégeant sa progéniture, elle est parfois dure, impitoyable et trop portée sur la bouteille.

    Astucieux, débrouillard, Johnny a soif d’ailleurs. Son but, échapper à sa condition. Et justement cette année-là, les choses semblent pouvoir changer lorsqu’il intègre le cours de Monsieur Adamski (Antoine Reinartz), venu de Lyon avec sa femme Nora (Izia Higelin), conservatrice de musée. Tout ce que le gamin idéalise. Immédiatement séduit par son savoir, ses connaissances, son statut, le sapiophile tombe amoureux de son nouvel instituteur.

    Ce n'est pas étonnant dans la mesure où ce dernier croit fermement dans le potentiel et l’intelligence de ce préado bridé par son milieu dans ses ambitions d’ascension sociale. il s’en occupe alors davantage que des autres élèves, lui ouvre les portes d’un monde différent grâce à la poésie de Blaise Cendrars et va, sans se rendre compte de son erreur, jusqu’à passer du temps avec lui en-dehors de l’école. Comme cette visite au Centre Pompidou-Metz, où Johnny découvre une œuvre symbolique de son combat de transfuge de classe.

    L'auteur un instant sur la corde raide

    Du coup, Samuel Theis marche sur la corde raide et on redoute de voir cette relation glisser sur la pente dangereuse de la pédophilie. Plus particulièrement à la faveur d’une scène dont le côté trouble est induit par Johnny, prêt à tout pour s’attirer les préférences de son mentor. Rien de tel pourtant. La fascination du gosse est à sens unique, l’instituteur lui opposant un refus catégorique. Evitant le piège, le réalisateur se sort brillamment de cette situation périlleuse en se mettant à hauteur de l’enfant et en montrant les choses à travers son regard.

    Dans ce récit d’apprentissage, son  deuxième long métrage après  Party Girl , Samuel Theis explore ainsi l’éveil confus de son héros à la sexualité, la prise de conscience de son identité, son désir d’émancipation. Subtil, fort, tendre, pudique, Petite nature est une grande réussite à laquelle contribue largement le très attachant Aliocha Reinert. Portant le film de bout en bout il est impressionnant de justesse et de charisme dans le rôle d’un personnage rebelle ambivalent. Une véritable révélation dans cette ambitieuse pépite qui avait eu les honneurs de La Semaine de la critique en juillet dernier à Cannes.

    «J’avais ce sujet en tête depuis longtemps. C’est autobiographique. Je suis même allé plus loin », nous raconte le beau Samuel Theis rencontré récemment à Genève. « Il s’agit  d’un film sur l’affirmation de soi, de son identité, alors qu’on a souvent tendance à être ce qu’on vous pousse à être. Un récit d’émancipation sur les éveils sexuel, intellectuel, affectif, social ».

    -Votre petit héros  vient d’un milieu défavorisé dont il a honte. Il veut échapper à son destin.

    -Oui, J’ai moi-même violemment ressenti cette honte. Johnny est en colère. Il se cherche, crie sa différence à la face de sa mère et des autres adultes. Toutefois, si la lutte sociale est à l’œuvre, je ne montre pas un rapport frontal entre les classes, mais  un rapport de fascination.

    -Et c’est Monsieur Adamski qui va lui ouvrir les portes de cet autre monde auquel il aspire si ardemment, déclenchant chez lui un plaisir presque charnel.Ainsi qu'un éveil sexuel comme vous le mentionniez. Mais quand cela concerne un gosse de dix ans, le traitement du sujet est plutôt casse-gueule. Vous vous y employez formidablement.

    -Comment en effet le traduire en images sans mettre le spectateur mal à l’aise. Je me suis posé la question. J’ai choisi d’être pudique en restant à hauteur d’enfant pendant tout le film, avec son regard sur le monde et non le contraire.

    -Vous brisez un tabou dans la mesure où c’est Johnny qui drague son instituteur chez lui. C’est osé.

    -Il est dans un désir de conquête avec un sentiment de toute puissance comme j’ai pu personnellement l’éprouver. La différence entre un adulte et un enfant, c'est que le premier est responsable, pas le second. Mais il ne s’agit pas d’un discours général. Je le contextualise.

    -On peut craindre un instant un glissement vers la pédophilie. Heureusement Monsieur Adamski lui oppose un non catégorique. D’une façon cruelle dans la mesure où c’est lui qui a commis l’erreur d’avoir invité le garçon en-dehors des heures de cours. A cet égard, il y a un côté piégeux à être prof aujourd’hui.

    -Je confirme! J’ai parlé parlé avec le corps enseignant dans une école de mon quartier. Il y a énormément de crispation. Le climat est anxiogène. Les adultes ne peuvent être seuls avec un enfant et les classes doivent rester ouvertes.

    -Un mot sur les comédiens. Ils sont tous parfaits, mais Aliocha Reinert est spécial. Une révélation, un acteur-né, dont il a la grâce, l'intensité. Où l'avez-vous déniché? 

    -J’ai beaucoup prospecté. Au départ, je voulais qu’il soit de Forbach. Mais cela n’a pas été possible. J’ai étendu mes recherches jusqu’à Metz, puis Nancy. C’est là que je l’ai trouvé. Il faisait de la danse. Il était saisissant avec son physique angélique. Pour moi, il ressemble à Tadzio (Björn Andrèsen) l’adolescent androgyne à la beauté éthérée de Mort à Venise.  

    -Comment l’avez-vous convaincu? C’est quand même un rôle peu banal...  

    J’y suis allé progressivement. J’ai bien raconté l’histoire à ses parents qui ont décidé de le laisser choisir. Aliocha m’a demandé quelques jours de réflexion  avant de me dire qu’il était partant. Sur le tournage, c’était un vrai collaborateur. Il a compris qu’il était moi à son âge. 

     Petite nature, à l'affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 23 mars.

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  • Grand écran: avec "Notre-Dame brûle", Jean-Jacques Annaud nous plonge au coeur du gigantesque brasier

    15 avril 2019. Des voisins remarquent une fumée au-dessus de Notre-Dame. Aucun départ de feu n’est détecté. Mais alors qu’il vient de commencer sa première journée de travail, le nouvel agent de sécurité des lieux découvre que l’alarme incendie s’est déclenchée dans les combles. En début de soirée la sirène retentit dans une caserne parisienne. Une frénétique course contre la montre est désormais lancée pour circonscrire le catastrophique sinistre. 

    Près de trois ans après, le long métrage spectaculaire en forme de thriller de Jean-Jacques Annaud, reconstitue heure par heure l’incroyable événement. Sous tension, il célèbre l’héroïsme des pompiers qui, au péril de leur vie, vont tenter de sauver les tours de la cathédrale, joyau culturel universel ravagé par les flammes, sous les yeux de millions de Français et des projecteurs du monde entier.. 

    Avec cette immersion prenante au cœur du gigantesque brasier, le réalisateur a surtout voulu raconter l’odyssée humaine de ses courageux protagonistes. C’est réussi. On ne cesse de trembler pour eux au long d’une lente progression dans la fournaise, ponctuée de scènes toutes plus oppressantes et dangereuses les unes que les autres. 

    Pour la reconstitution ambitieuse de cet incendie dantesque, Jean-Jacques Annaud a recréé les scènes en studio, utilisé des effets spéciaux de synthèse. Il a aussi lancé un appel à contribution pour recueillir des milliers de vidéos d'embouteillages dans Paris le soir de l'incendie, ou de foules regardant, dans les capitales étrangères, le drame à la télévision.

    Dans son hommage certes vibrant aux soldats du feu, l’auteur aurait toutefois pu éviter une grandiloquence accentuant le style pompier du film, ainsi que certaines séquences censées provoquer de l’émotion, comme celles de la dame et son chat sur le point de tomber du toit,  de la fillette qui veut absolument allumer un cierge, ou de la larme coulant sur le visage d’une statue de la vierge. 

    On notera enfin que l’auteur s’est entouré d’acteurs professionnels comme le Genevois Samuel Labarthe et d’amateurs. On découvre même Anne Hidalgo dans son propre rôle de maire de Paris. Mais comme j’ai justement pu le lire, il lui sera difficile de se reconvertir dans le cinéma après la présidentielle...

    A l‘affiche dans les salles de Suisse romande depuis mercredi 16 mars.

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  • Grand écran: "A plein temps", drame social haletant avec une formidable Laure Calamy

     

    Avec A plein temps, Eric Gravel, réalisateur franco-canadien, propose un drame social réaliste, sous forme de thriller. Haletant, oppressant, il raconte la lutte de ces nombreuses femmes obligées de tout mener de front, quotidiennement, sans répit. Comme Julie. Mère courage dont l’ex ne paie pas la pension, elle se démène comme elle peut pour élever ses deux enfants en banlieue très éloignée de Paris, et garder son travail de première femme de chambre dans un palace de la capitale.  

    Quand elle obtient enfin un entretien pour un poste correspondant davantage à ses aspirations, une grève générale éclate, paralysant les transports. L’équilibre de Julie, déjà sur le fil, vacille. Entre son boulot, aussi exigeant qu’épuisant, la garde précaire des enfants, ses soucis bancaires,  sa voiture en panne, sans oublier l’organisation de l’anniversaire de son fils, son emploi du temps calculé au plus juste s’en trouve complètement bouleversé. 

    En grande difficulté, contrainte de s’absenter pour courir à son entretien d’embauche qui la force de surcroît à dissimuler certaines parties de sa vie pour espérer décrocher un meilleur job, elle se met en danger face à sa hiérarchie. Tout en mouillant ses collègues quand elle leur demande de mentir pour l’aider. Mais même à bout de souffle, cernée de partout par les problèmes qui s’accumulent, elle refuse de baisser les bras et continue à se battre, nous entraînant dans une course de plus en plus effrénée, apparemment sans espoir et sans fin...   

    Bouleversante et particulièrement crédible maman solo d’une énergie folle, forte et fragile à la fois, Laure Calamy porte de bout en bout avec talent ce film sous haute tension, édifiant, précis, évoquant sans fioritures ou temps mort, l’authenticité et la violence des situations dans lesquelles elle est constamment à deux doigts de se noyer. Son étonnante performance lui a valu le prix Orrizonti de la meilleure actrice à la Mostra de Venise en septembre dernier. De son côté Eric Gravel a décroché la médaille du meilleur réalisateur dans cette même section. 

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 16 mars.

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