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Sorties de la Semaine - Page 50

  • Grand écran: "Le chant du cygne" avec le magnifique et bouleversant Udo Kier

    Quelque 20 ans après les deux premiers volets Edge Of Seventeen et Gypsy 83  centrés sur de jeunes membres LGBTQI+, Todd Stephens est revenu dans sa ville de Sandusky pour boucler sa trilogie Ohio Avec Le chant du cygne (Swan Song) Il rend un vibrant hommage à Pat Pitsenbarger (remarquable Udo Kier), un extraordinaire coiffeur local.

    Plus connu sous le nom de Mister Pat au temps de sa splendeur, le figaro excentrique était un must dans la petite cité. Aujourd’hui, il plie les serviettes dans une lugubre maison de retraite. Mais, apprenant qu’une ancienne cliente (Linda Evans) souhaitait qu’il la coiffe pour ses funérailles, il s’échappe de son EMS pour accéder à sa dernière volonté.  

    Une lettre d'amour

    Cigarette au bec, habillé d’un vieux survêt, Pat quadrille la ville en quête de produits de beauté essentiels à sa mission. Présenté comme l’un des derniers gays survivants de sa génération, il croise les fantômes de son passé. Sur le chemin des pompes funèbres,  il entre dans une boutique de vêtements pour dames. Le reconnaissant, la propriétaire lui offre un joli costume safari vert tendre. Sapé à neuf, bagouse scintillante à chaque doigt, Pat retrouve d’un coup son éclat d’antan.  

    Très inspiré, Todd Stephens propose une comédie douce-amère visuellement splendide,  «une lettre d’amour à la culture gay en voie de disparition», dit-il. En même temps, il dépeint finement la façon dont elle a ouvert la voie aux homosexuels d’aujourd’hui. Il lui suffit de quelques images pour montrer l’évolution des mœurs. Par exemple celles de Pat regardant un couple de papas jouer avec leurs enfants.

    Mais si on est particulièrement touché par cet opus dédié en outre aux homosexuels morts du sida, c’est surtout grâce au héros, le légendaire Udo Kier (76 ans). Désireux de changer radicalement de personnage, l’acteur de Fassbinder ou d’Argento trouve sans doute là son meilleur rôle. Génial, fascinant avec son regard bleu acier, Il n’incarne pas, il est Mister Pat, dont il épouse magistralement l’attitude, le charme, l’humour, la flamboyance, la nostalgie, l’extravagance, les excès, la tristesse, le sens de la fête. Cerise sur ce gâteau de roi, la qualité de tous les comédiens qui l’entourent.

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 9 avril.

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  • Grand écran: "Vous ne désirez que moi" raconte les ravages d'un amour toxique. Swann Arlaud génial

    Signé Claire Simon, le film livre une série d’entretiens entre Yann Andréa, l’amant homosexuel de Marguerite Duras, et la journaliste Michèle Manceaux en 1982. En ouverture, on découvre un  jeune homme, couché sur un divan. Il écoute Capri c’est fini, le tube d’Hervé Villard. Il se lève et se penche à la fenêtre. Il attend une femme à qui il veut se confier. 

    Ce jeune homme, c’est Yann Andréa, l’amant de Marguerite Duras depuis deux ans, Il éprouve le besoin de parler Sa relation passionnelle avec l’écrivaine, de 38 ans son aînée,  ne lui laisse plus aucune liberté, Il doit mettre des mots sur ce qui l’envoûte et le torture. Il demande à une amie journaliste de l’interviewer pour y voir plus clair et décrit  avec lucidité et sincérité la complexité de leur amour et les injonctions auxquelles il est soumis.  

    En 2016, l’échange est devenu un livre  (Je voudrais vous parler de Duras) que Claire Simon a décidé de mettre en images avec la complicité de Swann Arlaud (Andréa) et Emmanuelle Devos (Manceaux). Tout se déroule au domicile de la romancière à Neauphle-le-Château. Pendant une heure trente-cinq, une personne s’épanche, l’autre écoute et enregistre, relançant de temps en temps la conversation en la recadrant. A la base il s’agit d’une simple interview filmée, mais grâce à la mise scène singulière de Claire Simon, on est immédiatement happé par l’histoire que déroule, entre bonheur et douleur, Yann Andréa sous les traits de Swann Arlaud.   

    Amour total, toxique, dévorant, destructeur

    C’est à Caen que le jeune étudiant en philosophie, rencontre Marguerite Duras à l’occasion d’une projection d’ « India Song ». Depuis qu’il est adolescent, elle a investi sa vie. Il est amoureux de son style après avoir lu « Les petits chevaux de Tarquinia ». Il lui écrit une lettre à laquelle elle ne répond pas. Cinq ans passent jusqu'au jour où ils se retrouvent à Trouville. Ils ne se quitteront plus.

    Vous ne désirez que moi parle de l'amour total, toxique, des ravages d’une passion dévorante, destructrice. Il fallait un sacré bon comédien pour se glisser dans la peau de Yann Andréa, fan absolu, amant sous emprise, renonçant à tout. Swann Arlaud y parvient avec un incroyable naturel et une rare intensité. Il n'incarne pas, il est cet être démoli, bouleversant, aussi désarmant que désarmé face à cette femme qui l'absorbe tout entier. 

    Pris dans son enfer, il raconte son rapport de fascination, d'admiration,de fascination obsessionnelle à Duras qui réprime ses désirs homosexuels, ne supportant même pas qu'il puisse en avoir, et qui veut le décrèer pour le créér. En même temps il dit: "Je suis sûr que jamais personne ne m'aimera comme ça. D'une attention jusqu'à vouloir que je n'existe plus, tellement cet amour est grand".

    L'ombre de la grande Marguerite plane sur ce face-à-face passionnant. On comprend qu'elle n'est pas loin. On la voit une seconde de dos, on l'entend déambuler, se manifester par de brèves sonneries de téléphone. Par ailleurs elle apparaît dans des images d'archives, des extraits de films, ajoutant de la puissance dramatique à l'oeuvre d'une Claire Simon particulièrement inspirée.

    A l'affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 30 mars.  

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  • Grand écran: "Wet Sand", l'amour quoi qu'il en coûte face à une société pétrie de préjugés contre la diversité

    Un village géorgien, au  bord de la mer Noire. Ce soir-là, l’eau scintille, magnifiquement éclairée par la lune. Le vieil Eliko regarde du balcon les vagues se briser sur la plage, avant de s’asseoir à sa table pour enrouler mystérieusement une lettre autour ‘une bouteille de vin. Le lendemain, on apprend qu’il s’est pendu. Les habitants, apparemment de sympathiques bons vivants, révèlent pourtant leur vrai visage, en accueillant cette triste nouvelle avec une indifférence teintée d’une curieuse satisfaction. Ils n’aimaient pas ce type qui cachait sa vie privée, le trouvaient « inadapté » et le considéraient comme un étranger alors qu’il vivait là depuis des lustres.  

    Il  n’y a qu’Amnon, le patron du Wet Sand, le bar du coin, et la jeune serveuse Fleshka, elle aussi « antisociale », pour manifester de la compassion. Débarque alors de la capitale Tbilissi Moe, la petite-fille d’Eliko, pour organiser les funérailles. Grande, mince, cheveux courts, tatouée, pas conforme non plus, elle se heurte rapidement à la méfiance, aux mensonges, à la trahison, à l’intolérance. Un rejet qui la pousse à se rapprocher d’Amnon. Il va lui révéler sa relation avec Eliko, son amant secret avec qui il a partagé, dans la crainte constante d’être découvert, les 22 dernières années de sa vie. Il lui offrira le sacrifice suprême.  

    Une histoire porteuse d’espoir

    Si le film superbement photographié d’Elene Naveriani parle à ceux qui n’ont pas pu et ne peuvent toujours pas vivre leur amour, il est également porteur d’espoir. Les douloureuses  confidences d’Amnon et cette version inédite de Roméo et Juliette vont pousser Moe dans les bras de Fleshka. Contrairement aux anciens, elles ne se cacheront pas mais oseront montrer leurs désirs, affirmer leur identité, refuser la discrimination.

    La réalisatrice géorgienne, qui a décroché le Prix de Soleure, livre un mélodrame poétique, mélancolique, profond, d’autant plus bouleversant que les sentiments, mesurés, sont exprimés sans artifice. Elle brosse ainsi le portrait intelligent, sensible et nuancé d’une population étroite d’esprit, sectaire, pétrie de préjugés contre une diversité vue comme une anomalie à traiter d’urgence, nous confrontant ainsi à une réalité qui n’est hélas pas propre à son pays.  

    Comme un symbole,  Wet Sand fait par ailleurs écho à l’actualité, se déroulant sur fond d’événements socio-politiques, de catastrophes environnementales, de célébration modeste  (pour cause de pandémie) du jour de la Famille, créée dans le but de s'opposer à la Journée  internationale contre l'homophobie et la transphobie. On y repère également des articles de presse indiquant des droits de l’Homme bafoués, plus particulièrement ceux de la communauté LGBTIQ+.

    A l'affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 30 mars.

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