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Sorties de la Semaine - Page 196

  • Grand écran: "Le ciel attendra" montre des jeunes filles piégées par Daech. Bouleversant et indispensable

    aciel.jpgComment et pourquoi une jeune fllle, aujourd’hui, peut avoir envie de partir en Syrie? C’est ce qu'explique Le ciel attendra en mettant en scène deux d'entre elles. Mélanie et Sonia. Mélanie a 16 ans. Elle vit avec sa mère Sylvie, aime l’école et ses copines, joue du violoncelle et veut changer le monde. Mais l'irréparable se profile lorsqu’elle rencontre son "prince" sur internet, en tombe amoureuse et se fait petit à petit prendre dans les filets de Daech. Un piège qui a aussi failli se refermer sur Sonia, 17 ans, pour "garantir à sa famille une place au paradis".

    Un film intelligent, lucide, indispensable, analysant ce moment où les ados sont contre tout ce qui représente l'autorité, explorant parallèlement l’intimité et la psychologie de deux filles qui ont basculé, ou vont le faire, dans le fanatisme. L’opus montre aussi la façon dont les proies sont repérées grâce aux réseaux sociaux, après avoir posté des messages avec des mots-clés qui permettent d'établir le contact. Il y a enfin la douleur, la colère, le courage de parents qui tentent de comprendre et se sentent coupables de n'avoir rien vu venir.

    Le ciel attendra est signé de la réalisatrice scénariste et productrice française Marie-Castille Mention-Schaar. "Partie de questions que je me posais, j’ai commencé à rencontrer des journalistes couvrant le sujet, un frère parti sur les traces de sa sœur. Ensuite j'ai fait beaucoup de recherches, vu des reportages, lu des articles, regardé des heures de vidéo de propagande dont certaines sont juste insoutenables, pour mieux saisir l'emprise des rabatteurs".

    Grâce aux contacts de Dounia Bouzar

    Toutefois, le plus important pour Marie-Castille Mention Schaar était d’entrer en contact avec des adolescentes qui ont été, sont encore dans la radicalisation. Et cela grâce à Dounia Bouzar, anthropologue française qui a fondé en 2014 le Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l’islam.

    "Elle a accepté que je la suive pendant trois mois avec son équipe partout en France. Et j’ai découvert la réalité du processus d’embrigadement en parlant notamment avec une jeune fille passée par là. Avec leur soif d’absolu, de pureté, de romantisme, leur besoin d’être utiles, elles succombent plus facilement. Les prédateurs les ciblent en leur assurant que leur existence va avoir un autre sens que dans cette société pourrie, dépourvue de spiritualité, uniquement attirée par la consommation, le succès. Ce qu’on leur promet, c’est la vie après la vie, un monde où il n’y a pas d’injustice, de pauvreté et où tout est beau".

    Clotilde Courau particulièrement impliquée

    Ce long-métrage est porté par quatre comédiennes très convaincantes. Outre Noémie Merlant et Naomi Amarger qui incarnent parfaitement les deux filles, la réalisatrice a fait appel à Sandrine Bonnaire et Clotilde Courau. "Sandrine devait mais n’a pas pu jouer dans Les Héritiers, mon précédent film. Suite à ce rendez-vous manqué, j’étais contente de la retrouver car elle me paraissait évidente dans le rôle de l’une des mères. En ce qui concerne Clotilde Courau, l’autre maman, c’est son agent qui m’en a parlé. J’ai regardé L'ombre des femmes de Philippe Garrel et j'ai été séduite par sa volonté d'implication dans l'histoire".

    "Quand Marie-Castille m’a proposé de participer à l’aventure, j’ai été frappée par l’intelligence du propos", nous dit Clotlide. "J’avais eu l’occasion d’aller à Tunis lors de l’explosion au Musée national du Bardo et je me sentais concernée. J’ai.écouté des témoignages, lu des ouvrages sur Daech, qui applique le même principe que les sectes. Isoler les gens, les couper de leur famille, de leurs émotions. Et bien sûr, je me suis plongée dans les problématiques de l’adolescence".

    Evoquant son rôle, Clotilde Courau relève à quel point elle l’a trouvé bouleversant. "Incarner ce genre de personnage c’est m’interroger sur cette femme qui se retrouve dans une solitude absolue, à laquelle s’ajoute une terrible culpabilité, c’est questionner mon identité de parent qui veut comprendre, mais n’a rien vu venir. Pour le jouer, j’ai surtout pensé à toutes les mères qui ont vécu ce drame. En espérant être à la hauteur»

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 5 octobre.

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  • Grand écran: "Fuocoammare", l'autre regard de Gianfranco Rosi sur les migrants à Lampedusa

    afuoccoammare.jpgImmergé pendant un an dans l’île aujourd'hui tristement célèbre de Lampedusa, point européen le plus proche de l’Afrique, port d’accueil d’un flux continu de gens débarqués, quand ils ont de la chance, de bateaux de fortune, Gianfranco Rosi a tiré de son séjour Fuocoammare, un documentaire souvent glaçant de deux heures. 

    A l’exception d’un assistant, il tourne seul avec sa caméra pour mieux s’approcher des personnages et gagner leur confiance. Sans mise en scène, sans autre voix que celle des différents protagonistes, il confronte au terrible quotidien des migrants, celui des habitants menant une vie en quelque sorte parallèle. S’il suit plus particulièrement Samuel, un fils de pêcheur de 12 ans qui chasse les oiseaux au lance-pierres, il s’invite chez une grand-mère préparant le repas en écoutant la radio, où un animateur compatissant livre le compte quotidien des arrivées et des morts entre un morceau de jazz ou une vieille rengaine italienne.

    Rosi rencontre aussi Bartolo, un médecin qui ne parvient pas à s’habituer aux cadavres tout en montrant des hommes en combinaisons blanches pris dans un cycle aussi infernal qu’ininterrompu de recherches en mer, d’abordages, de sauvetages, d’identifications des victimes.

    Portant un autre regard sur la crise, confronté à la souffrance, à la survie, à la mort, Rosi, tout en évitant de délivrer un message, crée une prise de conscience par des images fortes, dérangeantes, ne cachant rien, évoquant la gigantesque tombe qu’est devenue la Méditerranée en quinze ans, avec ses 20.000 corps gisant par le fond. Un témoignage indispensable auquel le jury de la Berlinale a été sensible, puisqu’elle a décerné l’Ours d’or au cinéaste italien.

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 28 septembre.

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  • Grand écran: le tourbillon Soko éclipse Lily-Rose Depp dans "La danseuse"

    adanseuse.jpgRien ne destine Loïe Fuller, fille de ferme originaire de l’Ouest américain, de devenir l’icône de la belle Epoque admirée par Mallarmé, Rodin ou Lautrec, et de se produire à l'Opéra de Paris. Dans son premier film La danseuse, la réalisatrice française Stéphanie Di Giusto se penche sur le destin de celle qui subjugua le public avec sa "danse serpentine", devint une star avant de tomber dans l’oubli et d’être beaucoup plus tard redécouverte comme l’une des pionnières de la danse contemporaine.

    Enveloppée dans des mètres et des mètres de soie blanche, les bras prolongés par de longues et lourdes baguettes de bois, la silhouette sculptée par les faisceaux de dizaines de projecteurs, elle créait de magnifiques et virevoltantes formes lumineuses, en tournoyant sur un carré de verre éclairé par-dessous. Un numéro qui lui brise le dos, lui abîme les yeux, qu’elle perfectionne chaque jour dans la douleur, mais qui tient d’abord de la performance.

    C’est là sa faiblesse fatale. Loïe Fuller, esprit libre et conceptrice visionnaire n’est pas une danseuse dans son acception académique. A l’inverse d’Isadora Duncan, mythique prodige américain avide de gloire, qui la fascine et dont elle tombe amoureuse pour son malheur. Alors qu’elle est au sommet de son art, sa rivale précipite sa chute en la détruisant dans sa propre compagnie.

    Véritable boule d’énergie, Soko lancée à corps perdu dans un rôle qui lui colle à la peau (photo), se révèle particulièrement convaincante en Loïe Fuller aux côtés de Lily-Rose Depp. En mai dernier à Cannes, l’idée de découvrir la fille de Johnny Depp et de Vanessa Paradis avait suffi à faire le buzz. Mais la jeune actrice ne s’est pas franchement montrée à la hauteur de l’énorme intérêt suscité par sa présence dans La danseuse

    Le film au casting cinq étoiles emporte l’adhésion dans la mise en scène inspirée des chorégraphies et la sublimation de leur beauté. En revanche, il déçoit dans l’affrontement quelconque entre les deux femmes et le curieux escamotage, développé par Mediapart, de l’homosexualité de Loïe Fuller. Réduisant sa préférence à un baiser donné à Isadora suivi d’une scène humiliante, ainsi qu’à des regards furtifs et des soupirs de sa compagne Gabrielle Bloch (Mélanie Thierry) avec qui elle vivait ouvertement, mais devenue sa collaboratrice chez Stéphanie Di Giusto. Qui propose en outre une relation hétérosexuelle fantasmée entre Fuller et un personnage inventė, interprété par Gaspard Ulliel.

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 28 septembre.

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