Grand écran: avec "Baccalauréat", Cristian Mungiu se livre à l'examen impitoyable de nos sociétés (05/12/2016)

abaccalau.jpgRoméo n’a pas vraimentle physique que son prénom suggère... Médecin quinquagénaire massif et enrobé ruminant son échec, il exerce dans une bourgade de Transylvanie. Convaincu qu’il n’y a plus d’avenir en Roumanie après y être revenu plein d’espoir en 1991, il s’est démené pour que sa fille Eliza, la prunelle de ses yeux, soit acceptée à l’Université de Cambridge. Il ne lui reste qu’à passer son bac, une formalité pour cette élève modèle.

Rien ne va pourtant se dérouler comme prévu dans Baccalauréat du Roumain Cristian Mungiu. Eliza est agressée sexuellement à quelques jours des épreuves. Elle est blessée et le drame risque de peser sur ses résultats et remettre en cause sa bourse pour l’Angleterre, ainsi que toute la vie de Roméo. Sa réussite sociale par procuration est une telle obsession qu’il est devenu pratiquement insensible à tout le reste. Et notamment à sa femme qui s’apprête à le quitter, et pour qui les mots devoir et honneur ont encore de l’importance.

Dangereuses magouilles

Intensément frustré, Roméo oublie tous les principes qu’il a inculqués à sa fille et cherche n’importe quel moyen pour qu’elle réussisse. Il finit par se lancer dans de dangereuses magouilles, en acceptant l’aide d’un malade influent en vue de corrompre le correcteur des copies. Le piège se referme, c’est l’engrenage.

Centré sur les rapports sur les rapports père/fille, Baccalauréat, filmé en longs plans-séquences, est une critique sociale virant au film noir, où Cristian Mungiu part du singulier pour viser l’universel. Roméo personnifie la Roumanie d’aujourd’hui, hantée par les fantômes du passé, minée par les compromis "nécessaires", les compromissions et le trafic d’influence auxquels s’initie un honnête homme.

Entre culpabilité et rédemption, ses thèmes de prédilection, le réalisateur se livre à un examen passionnant et impitoyable concernant toutes nos sociétés. On regrettera juste le dénouement de l’opus, porté par d’excellents comédien dont l’interprète principal Adrian Titieni. Dans une scène plate, Cristian Mungiu montre de façon assez mièvre que le salut passera par la jeunesse. Ou peut-être pas...

Rappelons que Cristian Munigiu, habitué du Festival de Cannes, avait obtenu en 2007 la Palme d'or pour 4 mois, 3 semaines, 2 jours. En mai dernier, il remportait avec Baccalauréat le prix de la mise en scène, à égalité avec Personal Shopper du Français Olivier Assayas. 

A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 7 décembre. 

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