Vu comme c’est parti, on n’est pas sorti de l’auberge. Je veux parler du regard extasié que portent les commentateurs français sur leurs champions. Je m’y étais un peu habituée avec le ski où, depuis le début de la saison, c’est du délire à chaque apparition tricolore sur le petit écran.
Cela continue d’ailleurs, les Bleus ne se révélant pas seulement les plus beaux du circuit course après course, mais ayant techniquement toutes les armes pour faire jeu égal avec leurs adversaires. Ceux-ci possédant de surcroît, de quelque nationalité fussent-ils, quelque chose en eux d’un as hexagonal…
Et les experts de la latte brandissent très haut cette intime conviction, alors qu’à part Alexis Pinturault, on attend encore ses compatriotes sur la plus haute marche du podium. Pour ne rien vous cacher, l’amour indéfectible que les experts français vouent aux leurs m’émeut. Et autant dire que je croyais en avoir entendu pas mal.
Erreur. Ce n’était rien en regard des commentaires enthousiastes générés par la présence hexagonale au tournoi de Doha. Et surtout évidemment par la victoire de Richard Gasquet. Du coup d’ailleurs, l’épreuve prenait du galon. Qualifiée de première compétition majeure de l’année, elle était encore rehaussé par cette «grande» finale où s’imposait le Biterrois face au Russe Davydenko, qui avait lui-même terrassé l'Espagnol David Ferrer grâce à son jeu exceptionnel.
Certes, je suis très contente pour ce brave Richard. Mais sachons raison garder. En effet, c’est tout juste si on n’était pas en train d’assister à une finale du Grand Chelem croisée avec celle des Masters de Londres. Alors qu’en réalité, l’Exxon Mobile du Qatar, même très richement doté par la vertu pétrolière du coin, n’est qu’un banal ATP 250 de campagne, à l’image de Chennai ou de Brisbane.
Avec donc un plateau correspondant, nettement plus pain et fromage que caviar et champagne. C’est ainsi qu’il réunissait, à part Ferrer et Gasquet 5e et 10e mondiaux, des joueurs classés entre la vingtième et la 150e places. De plus, le moteur de la mobylette espagnole subissant un raté intempestif, il devenait quasi impossible au Français de ne pas empocher le trophée! Moralité, pas vraiment de quoi se pâmer!
Samedi, lors du slalom spécial de Val d’Isère, les commentateurs d’Eurosport étaient saisis de folie furieuse. C’était même à craindre pour leur santé tant ils hurlaient à se péter les cordes vocales. La cause de ces débordements sonores tonitruants? Ils venaient d’assister au spectacle hallucinant offert par un monstrueux tueur des neiges. Epouvantant ses petits camarades de jeu en revenant de nulle part, pour rafler la victoire grâce à une deuxième manche de "mutant" ainsi que l’ont inlassablement répété les spécialistes de la chaîne, ivres de bonheur.
C’est toujours avec un plaisir sans mélange que je retrouve le ski à la télé. Bien que ces malheureux Helvètes fassent franchement pitié pour l'heure. Tir groupé en queue de classement dans les deux premières courses de vitesse, à l'image d'un Didier Défago (photo) portant non seulement tous les espoirs de la nation, mais n'ayant jamais attaqué la saison dans d'aussi bonnes conditions...