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La griffe du léopard - Page 8

  • Festival de Locarno: la Piazza Grande entre le réel et le virtuel

    Rien de plus adéquat que l’écran géant de la Piazza Grande pour projeter Belle le film d’animation du Japonais Mamoru Hosada et Free Guy, le blockbuster de Shawn Levy.  Belle, c’est l’histoire de Suzu. Lycéenne discrète, complexée et triste suite à la mort de sa mère, elle intègre l’univers virtuel de U, réseau gigantesque en ligne avec plus de cinq milliards d’abonnés. 

    Elle choisit un avatar de chanteuse intergalactique (Belle) et devient une icône musicale aux cheveux roses, une superstar adorée de ses fans, plus populaire que la plus jolie fille de son école. C’est là qu’elle va rencontrer un monstre mystérieux traqué par les milices. S’engage alors un chassé-croisé entre Belle et la Bête au bout duquel Suzu va découvrir qui elle est. 

    Comme on navigue entre le monde réel et le virtuel, l’esthétique est différente. Dans le premier, celui où vit Suzu, le style est traditionnel, dans le second, celui de Belle, Hosoda laisse libre cours à son imagination et à son inventivité, pour livrer une partie visuellement foisonnante, exubérante, dans un déferlement de couleurs. Dommage que l’opus, oscillant entre la fable et le film pour ados, pèche par son scénario bancal et le choix des chansons.

    Free Guy, une feel good comedy 

    De son côté Shawn Levy met en scène la ville virtuelle, cynique et brutale de Free City où Guy (Ryan Reynolds), personnage non jouable (PNJ) est caissier de banque. Menant une vie simple, d’un optimisme à tout crin, il salue tous les matins son poisson rouge et se brûle les lèvres avec son café, insensible au chaos qui règne autour de lui. Son meilleur pote c’est Buddy, autre PNJ, agent de sécurité de l’établissement régulièrement braqué.

    Tandis que les avatars des joueurs haussent leur niveau en se montrant ultra-violents, les choses changent avec le débarquement, dans la vie de Guy, de Molotov Girl (Millie en vrai) incarnée par Jodie Comer. Il en tombe amoureux, mais elle lui fait prendre conscience de son existence artificielle. Il décide alors de quitter ce rôle de PNJ, de réécrire sa propre histoire et d’en devenir le héros. Evoluant désormais dans un monde sans limites, il mettra tout en œuvre pour le sauver, en s’engageant à faire le bien 

    Le duo Ryan Reynolds-Jodie Comer fonctionne bien. il y a par ailleurs de l’humour potache, un brin d’émotion, quelques scènes à l’eau de rose cucul la praline dans cette feel good comedy. Mais le réalisateur s’emploie à nous glisser un mot sur la question de l’acceptation de son sort et de la liberté de choix, et le dépassement de soi. En revanche il nous soûle à force d’explosions, de fusillades et de déluges d’effets numériques. Mais les jeunes aimeront. Comme Belle, à n'en pas douter.

    ..Free Guy à l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 12 août.

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  • Festival de Locarno: "La place d'une autre", un drame bien mené avec Lyna Khoudri et Sabine Azéma

    Alors qu’on se trouve à la moitié de la compétition, les films français continuent à tenir la corde, avec des propositions variées de cinéma. Après Petite Solange, comédie dramatique d’Axelle Robert, After Blue (Paradis sale), western futuriste érotique de Bertrand Mandico, Aurélia Georges s’attaque au drame historique avec La place d’une autre. Le film est librement inspiré du roman The New Magdalen de William Wilkie Collins, écrivain britannique de l’époque victorienne.

    Si l’auteur a situé son intrigue durant la guerre franco-allemande de 1870, la réalisatrice l’a déplacée en 1914. Nélie Laborde ( Lyna Khoudry), jetée à la rue, échappe à une existence misérable en devenant infirmière auxiliaire sur le front. Elle y rencontre Rose Juillet (Maud Wyler), une jeune femme promise à un avenir meilleur.

    Un jour, Rose est frappée par un obus et Nélie la voit mourir sous ses yeux. Profitant du chaos ambiant, elle n'hésite pas à se faire passer pour elle. Elle se présente à sa place chez une riche veuve Eléonore ( Sabine Azéma), qui l’accueille chaleureusement et dont elle devient la lectrice. Le mensonge fonctionne au-delà de ses espérances… 

    Aurélia Georges nous embarque dans une affaire de vol d’identité et de bataille contre la mauvaise conscience de son héroïne en proie à de violentes émotions. Le tout compliqué par les us et coutumes de l’étiquette sociale et un rebondissement totalement inattendu qu’on taira évidemment. Il donne du piment à cet opus de facture classique, mais bien mené et bien porté par ses trois actrices. 

    En concours on retiendra aussi Gerda, de la Russe Natalya Kudryashova, derrière et devant la caméra,  qui évoque l’histoire d’une jeune femme dont l’âme se souvient de la perfection métaphysique dont elle a été témoin avant de s’incarner. La réalisatrice pose alors toutes sortes de questions sur l’âme, comment elle se sent dans ce monde charnel et cruel, pourquoi chacune a son chemin unique…  Un récit un peu tarabiscoté qui promet plus qu’elle ne peut tenir. Mais ça se laisse voir. 

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  • Festival de Locarno: Gaspar Noé livre un film bouleversant sur la fin de vie. Avec trois comédiens extraordinaires

    Adepte de la transgression, on se souvient d’Irréversible qui avait fait scandale, de Love avec ses scènes de sexe non simulées, de Climax fête dégénérant en délire épileptique, le provocateur Gaspar Noé, loin de ses ambiances sulfureuses, revient avec Vortex, un film poignant sur la fin de vie. Traitant plus particulièrement du fléau de la maladie d’Alzheimer, il est adressé à tous ceux dont le cerveau se décomposera avant le cœur. Une dédicace à prendre au premier degré dans la mesure où c’est ce qui attend beaucoup de gens.  

    L’œuvre, projetée sur la Piazza Grande, s’ouvre sur le générique de fin, suivi d’une une citation La vie est une courte fête qui sera vite oubliée, puis de Françoise Hardy sublime qui chante Mon amie la rose, nous rappelant qu’on est bien peu de choses... Et puis l’écran se sépare, on découvre un couple âgé qui se réveille le matin et le réalisateur nous embarque pour une immersion de 2h20 dans le quotidien bouleversant de ces deux personnages perdant peu à peu leurs repères, voués inéluctablement à une lente décrépitude.

    Françoise Lebrun, Dario Argento et Alex Lutz 

    Sans concession, n’éludant rien des ravages physiques et mentaux de la maladie et du grand âge, le film à la mise en scène dépouillée est porté par trois comédiens extraordinairement bons et justes. Ils sont plus qu'ils incarnent leurs personnages.
     Ancienne psychiatre de gauche soixante-huitarde victime d’Alzheimer, elle (mythique Françoise Lebrun), sombre de plus en plus dans la démence. Lui (Dario Argento, pour la première fois à l’écran), critique de cinéma, essaye au début de gérer les choses tout en travaillant à la rédaction d’un ambitieux ouvrage. Mais sa santé très fragile l’empêche de faire face à une situation qui ne cesse de se dégrader. .  

    Ils ont un fils unique (Alex Lutz), irresponsable et toxicomane, ce qui permet au cinéaste de parler, parallèlement à la sénilité, de l’extrême précarité des junkies dans les quartiers nord de Paris. Désemparé, impuissant il tente de  persuader ses parents de se laisser prendre en charge dans une clinique spécialisée, En vain. Ils refusent de quitter leur appartement bordélique, plein de tout ce qu’ils ont accumulé au cours de leur vie. 

    Evoquant deux solitudes partagées, Vortex est tourné intégralement en split screen, en étant constamment d’un côté avec le père et de l’autre avec la mère. «Je n’avais pas prévu de le faire entièrement de cette façon, mais en constatant que cela fonctionnait, je me suis lancé», explique Gaspar Noé à la conférence de presse.  «C’est assez hypnotique, on ne sait pas toujours s’il faut regarder à gauche ou à droite. Et en même temps cela crée des moments magiques ».

    Le choix des acteurs

    Le cinéaste, qui avait envie de faire un film sur les vieux depuis des années après avoir vu sa grand-mère et sa mère perdre la tête raconte aussi comment il a choisi ses acteurs «Je suis fasciné par Dario Argento et Françoise Lebrun. Au départ Dario n’avais pas très envie. Comme le tournage de son film a été retardé, j’ai appelé sa fille Asia, qui m’a aidé à le convaincre. Mais il voulait que son personnage ait une maîtresse.Je lui ai dit ok, pas de problème, deux, trois si tu veux… »

    En ce qui concerne Françoise Lebrun, l’auteur a tout de suite pensé à elle parce qu’il adore sa performance dans La maman et la putain. «Je la trouve absolument impressionnante. Je rêvais de la rencontrer et de la prendre dans mes bras. J’étais aux anges quand elle a accepté. Quant à Alex Lutz, je l’ai découvert avec ses talents de performeur dans son film Guy. Par ailleurs, alors qu’il joue plutôt les comiques, il est tellement mélancolique dans la vie. Il y a chez lui quelque chose de brisé».

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