Festival de Locarno: Gaspar Noé livre un film bouleversant sur la fin de vie. Avec trois comédiens extraordinaires (09/08/2021)
Adepte de la transgression, on se souvient d’Irréversible qui avait fait scandale, de Love avec ses scènes de sexe non simulées, de Climax fête dégénérant en délire épileptique, le provocateur Gaspar Noé, loin de ses ambiances sulfureuses, revient avec Vortex, un film poignant sur la fin de vie. Traitant plus particulièrement du fléau de la maladie d’Alzheimer, il est adressé à tous ceux dont le cerveau se décomposera avant le cœur. Une dédicace à prendre au premier degré dans la mesure où c’est ce qui attend beaucoup de gens.
L’œuvre, projetée sur la Piazza Grande, s’ouvre sur le générique de fin, suivi d’une une citation La vie est une courte fête qui sera vite oubliée, puis de Françoise Hardy sublime qui chante Mon amie la rose, nous rappelant qu’on est bien peu de choses... Et puis l’écran se sépare, on découvre un couple âgé qui se réveille le matin et le réalisateur nous embarque pour une immersion de 2h20 dans le quotidien bouleversant de ces deux personnages perdant peu à peu leurs repères, voués inéluctablement à une lente décrépitude.
Françoise Lebrun, Dario Argento et Alex Lutz
Sans concession, n’éludant rien des ravages physiques et mentaux de la maladie et du grand âge, le film à la mise en scène dépouillée est porté par trois comédiens extraordinairement bons et justes. Ils sont plus qu'ils incarnent leurs personnages.
Ancienne psychiatre de gauche soixante-huitarde victime d’Alzheimer, elle (mythique Françoise Lebrun), sombre de plus en plus dans la démence. Lui (Dario Argento, pour la première fois à l’écran), critique de cinéma, essaye au début de gérer les choses tout en travaillant à la rédaction d’un ambitieux ouvrage. Mais sa santé très fragile l’empêche de faire face à une situation qui ne cesse de se dégrader. .
Ils ont un fils unique (Alex Lutz), irresponsable et toxicomane, ce qui permet au cinéaste de parler, parallèlement à la sénilité, de l’extrême précarité des junkies dans les quartiers nord de Paris. Désemparé, impuissant il tente de persuader ses parents de se laisser prendre en charge dans une clinique spécialisée, En vain. Ils refusent de quitter leur appartement bordélique, plein de tout ce qu’ils ont accumulé au cours de leur vie.
Evoquant deux solitudes partagées, Vortex est tourné intégralement en split screen, en étant constamment d’un côté avec le père et de l’autre avec la mère. «Je n’avais pas prévu de le faire entièrement de cette façon, mais en constatant que cela fonctionnait, je me suis lancé», explique Gaspar Noé à la conférence de presse. «C’est assez hypnotique, on ne sait pas toujours s’il faut regarder à gauche ou à droite. Et en même temps cela crée des moments magiques ».
Le choix des acteurs
Le cinéaste, qui avait envie de faire un film sur les vieux depuis des années après avoir vu sa grand-mère et sa mère perdre la tête raconte aussi comment il a choisi ses acteurs «Je suis fasciné par Dario Argento et Françoise Lebrun. Au départ Dario n’avais pas très envie. Comme le tournage de son film a été retardé, j’ai appelé sa fille Asia, qui m’a aidé à le convaincre. Mais il voulait que son personnage ait une maîtresse.Je lui ai dit ok, pas de problème, deux, trois si tu veux… »
En ce qui concerne Françoise Lebrun, l’auteur a tout de suite pensé à elle parce qu’il adore sa performance dans La maman et la putain. «Je la trouve absolument impressionnante. Je rêvais de la rencontrer et de la prendre dans mes bras. J’étais aux anges quand elle a accepté. Quant à Alex Lutz, je l’ai découvert avec ses talents de performeur dans son film Guy. Par ailleurs, alors qu’il joue plutôt les comiques, il est tellement mélancolique dans la vie. Il y a chez lui quelque chose de brisé».
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