On avait évoqué dans une précédente chronique la possibilité pour la Française Sylvie Ballyot de triompher avec Green Line, évoquant la guerre qui avait ensanglanté le Liban de 1975 à 1990. Mais elle n’est pas la seule à briguer la médaille, D'autant que la compétition compte deux Léopards d'or, le Chinois Wang Bing en 2017 avec Mrs Fang et le Sud-Coréen Hong Sangoo en 2015 pour Right Now, Wrong Then, Les deux hommes partent en principe favoris.
Wang Bing a en tout cas de nouveau créé l’événement en concours avec Qing chun (Hard Times), second volet de sa trilogie Jeunesse. Rappelons qu’il s’était fait connaître en 2003 avec A l'ouest des rails, un documentaire de plus de neuf heures sur la fin du monde industriel dans son pays.
«La plupart des jeunes Chinois travaillent dur pour vivre», note-t-il «Les salaires sont très bas, les journées interminables et il n’y a presque plus de place pour se reposer. La société chinoise a réduit son quotidien au travail. Gagner de l’argent est devenu le seul horizon…».
Plongée de quatre heures dans un univers impitoyable
Restant fidèle à sa fascinante méthode d’immersion, Wang Bing nous plonge ainsi pendant quatre heures (quasiment un court métrage pour lui…) dans l’univers impitoyable des ateliers textiles à Zhili, l'un des principaux sites du pays pour les ateliers clandestins privés,
Le réalisateur affiche indubitablement sa solidarité avec ces ouvriers brutalement traités. Même s’ils parviennent à se ménager quelques instants de répit, voire d’un semblant de gaieté, ils sont condamnés. à coudre et coudre encore le plus vite possible pour gagner plus. Dès le départ, Ils se battent pour une meilleure paie. Elle reste pourtant dérisoire, le patronat ne cessant de baisser les tarifs. La misère gagne. Des conflits éclatent. Après d'âpres négociations, les ouvriers rentreront chez eux pour célébrer la nouvelle année...
Cette deuxième partie magnétique sur l’horreur du capitalisme à la chinoise sera suivie du troisième et dernier par Le retour, à la Mostra de Venise.
Hong Sangsoo, un habitué de Locarno
Multiprimé à Berlin, revenu pour la quatrième fois à Locarno, Hong Sangsoo propose cette année Suyoocheeon (By The Stream) Auteur prolifique de plus de 30 films, il est connu pour ses explorations de la vie quotidienne en Corée du Sud contemporaine. C’est aussi un spécialiste de films courts à mini-budget, se distinguant par des déambulations, des rencontres fortuites, de longues conversations, où les protagonistes, pour la plupart féminines, se retrouvent autour de repas copieux.
Un drame minimaliste, spécialité de l’auteur
By the Stream reste dans cette lignée en racontant l'histoire de Jeonim, maîtresse de conférences dans une université pour femmes. Elle demande à son oncle, un acteur réalisateur inscrit sur la liste noire, de mettre en scène un sketch comme il l’avait fait dans cette même université il y a 40 ans. Tous deux sont alors involontairement mêlés à un scandale qui éclate parmi les étudiantes.
A son habitude, Hong Sangsoo séduit avec ce drame minimaliste, mettant en vedette des comédiennes qui apparaissent souvent chez lui, à l’image de son égérie Kim Minhee.
Mais un autre lauréat se cache peut-être parmi les dix-sept prétendants. Car on le sait, si le critique propose , le jury dispose. Verdict samedi soir sur la Piazza Grande.