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La griffe du léopard - Page 35

  • Festival de Locarno: Charlotte Rampling ouvre le bal des médaillés

    topelement[1].jpgDiscours des pontes délivrés, petits fours et champagne engouffrés à la cérémonie d’ouverture, Locarno, 65e, c'est parti. Avec au programme quelque 300 films dont 19 en compétition officielle. Parmi les autres points forts la rétrospective, dédiée cette année au maître du cinéma hollywoodien Otto Preminger, et la célébrissime Piazza Grande, qui propose quelque 17 premières mondiales, internationales ou européennes. L’occasion également de célébrer sur scène les hôtes du festival. Prestigieux évidemment.

    Et il y en a pas mal cette année, d’Alain Delon à Harry Belafonte en passant par Leos Carax, ou Ornella Muti. Mais pourquoi donc les stars se ruent-elles à Locarno, lui donnant des airs de Cannes, Berlin, ou Venise ?

    Eh bien c’est simple, on leur remet des prix et elles viennent raconter leur carrière, après avoir reçu leur Léopard d’honneur sur la Piazza devant des milliers de personnes. Difficile de résister au fauve impérial…

    A l’image de Charlotte Rampling, magnifique actrice, mystérieuse, fascinante, fatale, et qui, après les Susan Sarandon, John Malkovich, Michel Piccoli ou Isabelle Huppert, a reçu l’Excellence Award. Et  s’est prêtée aux questions d’Olivier Père, le directeur du festival, comme d’habitude vêtu de son étincelant costume blanc immaculé.

    Charmante et tous sourires, cette fille d’un colonel britannique démentait sa réputation de personnage un peu raide, imperméable et au contact difficile, devant un public conquis.

    Luchino Visconti et Liliana Cavani déterminants dans sa carrière

    Elle est ainsi revenue sur ses débuts au cabaret, où elle chantait en français avec sa soeur, sur son  premier long-métrage à 19 ans The Knack (1965) de Richard Lester, long-métrage phare du Swinging London, Palme d’or au festival de Cannes. Qui lui a notamment valu d’être remarquée par le grand Luchino Visconti. "Il m’avait aussi vue dans un autre film que j’avais fait en Italie et a demandé à me rencontrer".

    Le rendez-vous fut décisif, puisque le cinéaste italien lui confie le rôle important de Meredith dans Les Damnés, sublime fresque racontant, parallèlement à l’arrivée au pouvoir de Hitler, la décadence d’industriels allemands.

    Alors âgée de 22 ans, la belle Charlotte interprète une mère de 30 ans avec des enfants. Un choix qui peut paraître surprenant de la part du réalisateur. Mais la comédienne l’explique. Visconti lui a dit: "Derrière vos yeux, je vois quelqu’un dont vous ne soupçonnez pas l’existence. Il a été déterminant dans ma carrière car il m’a appris ce qu’était le jeu de l’acteur".

    20190049.jpg-r_640_600-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-xxyxx[1].jpgDéjà bien lancée, elle est véritablement révélée au grand public grâce à Portier de nuit de Liliana Cavanani, où elle donne la réplique à Dirk Bogarde (photo). Dans ce triomphe planétaire à scandale, elle incarne une ancienne déportée qui retrouve, dans un hôtel de Vienne, son bourreau avec qui elle renoue une liaison morbide.

    Exigeante, déclarant qu'on devient ce qu'on est après ce qu'on a fait, elle voulait s'impliquer dans ce tye de cinéma, au-delà du simple divertissement. "Un cinéma qui ne cache pas la réalité, mais montre ce qu’elle est. Portier de nuit est un film important. Nous sommes tous ses personnages. J’ai toujours essayé de parler à travers mes films d’une manière qui me paraissait appropriée. Pour moi, ce sont sont des voyages, composés de découvertes, où on va s’introduire dans différents personnages. Je suis favorable aux expériences à travers les genres, pourvu qu’il y ait une connexion avec ce que je suis, mon for intérieur, mon âme, quelque chose en quoi je peux croire".

    De Jacques Deray à François Ozon

    Si elle s'est invitée chez Lars Von Trier, Woody Allen, ou a pris un singe comme amant dans Max mon amour de Nagisa Oshima, Charlotte Rampling, domiciliée en France dans les années 70, fréquente évidemment beaucoup la pellicule hexagonale.

    Parmi ses réalisateurs préférés on trouve Jacques Deray, avec qui elle tourne On ne meurt que deux fois. "C’est un film noir avec une atmosphère sombre, trouble, qui me donne une poussée d’adrénaline. Il y a aussi La chair de l’orchidée de Patrice Chéreau  Vive la vie! de Claude Lelouch, qu'elle apprécie énormément. "Il raconte des histoires d’une manière très personnelle et il aime ses acteurs".

    Et puis bien sur il y a François Ozon, l’un des deux seuls cinéastes avec qui elle ait tourné plus d’une fois. Peu présente sur grand écran dans les années 90, elle revient en force avec Sous le sable (2001), jouant une femme désemparée après la disparition de son mari. Une belle performance de la part de Charlotte Rampling qui avoue: "On se souvient de vous pour un film ou deux. L’acteur doit laisser une trace qui vaut la peine".

    Portier de nuit et Sous le sable sont deux des trois opus projetés durant le festival. La comédienne a également choisi l’un des plus récents I Anna (2012), de son fils Barnbaby Southcombe. "Au départ, il ne songeait pas vraiment à moi. De mon côté je pensais être trop vieille pour le rôle, mais au fur et à mesure, il s’est pour ainsi dire conformé à moi. C’est l’un de mes films les plus heureux".

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  • Le Léopard d'Or à une cinéaste helvético-argentine. Prime à l'ennui

    aleopard.jpgUne chose est sûre, j’aurais perdu ma chemise sur un champ de course avec mes pronostics. Certes, à Locarno, il faut toujours s’attendre à quelques surprises. Mais un palmarès aussi folklorique, ce n’est pas banal. A commencer par le Léopard d’Or, qui est allé à l’un des films le plus ennuyeux et le plus creux d'une compétition dans l'ensemble peu exaltante.

    Son auteur Milagros Mumenthaler, qui s'est logiquement montrée étonnée par l'obtention de cette médaille inattendue, s’attache au quotidien de trois sœurs vivant seules dans la maison familiale à Buenos-Aires, après la mort de leur grand-mère qui les a élevées. Entre chamailleries, parties de rigolades et défilé de petites culottes, chacune à sa façon tente de combler le manque.

    Ce prix semble avoir un brin divisé le jury à en juger par les propos voilés de son président, le producteur Paulo Branco. "Je ne crois pas à l’unanimité, c’est la médiocrité. Notre premier souci est de trouver les films qui reflètent quelque chose d’important sur le plan cinématographique. Tout ce qui est absent de ce huis-clos entre le dit et le non dit en fait une réussite totale, laissant découvrir une grande réalisatrice", a-t-il encore déclaré en substance.

     Fernand Melgar rudement taclé

    En réponse à une question sur ce choix à la conférence de presse, le boss en profite pour sortir du sujet et tacler rudement Fernand Melgar, l’accusant d’être "complice du fascisme ordinaire" dans Vol spécial. Si les bras lui en tombent, l’intéressé, qui a dû se contenter du prix du jury  oecuménique et de celui des jeunes, ne veut pas entrer dans ce jeu. Selon lui, son film doit provoquer le débat et c’est apparemment le cas…

    Pour en revenir à Abrir puertas y ventanas, d'autres ont succombé à la tentation du vide. Le film a accessoirement raflé le prix FIPRESCI (Fédération internationale des critiques de cinéma) et une mention spéciale œcuménique. Pour couronner le tout, l’une des comédiennes, Maria Canale a été sacrée meilleure actrice.

    Paulo Branco et son équipe ont par ailleurs innové en créant un Léopard d’Or spécial qui récompense le Japonais Shinji Aoyama pour Tokyo Koen, une œuvre jugée remarquable. On cherche encore l'extraordinaire dans cette intrigue moyenne où un étudiant suit et photographie une femme dans des parcs à la demande de son ami jaloux. Pour des raisons qui continuent à nous échapper, il a attribué une autre récompense spéciale à Hashoter de l’Israélien Nadav Lapid, évoquant la rencontre d’un policier d’élite avec un groupe violent et radical.

    Bien loti également l’insupportable Din dragoste cu cele mai bune intentii (plus simplement en français : Les meilleures intentions) du Roumain Adrian Sitaru. Il reçoit le prix de la mise en scène et son acteur Bogdan Dumitrache celui de l’interprétation masculine.

    Seule rescapée parmi nos favoris ignorés, la Française Mia Hansen-Love, qui a décroché une mention spéciale pour Un amour de jeunesse où elle revisite avec talent la passion adolescente.

    Le jury de la section "Cinéastes du présent" s’est montré nettement plus avisé en récompensant le meilleur film de ce cru 2011, L’estato di Giacomo. Dans un cinéma à la Renoir, l’Italien Alessandro Comodin filme magnifiquement les jeux sensuels d’un adolescent sourd de 19 ans, parti pique-niquer au bord d’un fleuve avec sa meilleure amie.

     Le public plébiscite Bachir Lazhar

    De même le public ne s’est pas trompé en attribuant son prix à Bachir Lazhar du Québécois Philippe Falardeau. Le célèbre Fellag, sorte de Fernand Reynaud algérien, campe un immigré au passé douloureux et risquant l’expulsion, engagé pour remplacer une institutrice morte tragiquement. Une œuvre pleine d’émotion, de tendresse, de sensibilité et d’humour.

    Locarno a ainsi bouclé son édition la plus glamour si l’on considère la pluie de stars présentes au Tessin, de Daniel Craig à Claudia Cardinale, en passant par Abel Ferrara, Harrison Ford, Isabelle Huppert, Claude Goretta, Gérard Depardieu, Marina Hands, ou Guy Bedos.

    Les étoiles de la pellicule, dont beaucoup ont reçu des Léopards pour l’ensemble de leur carrière, ont évidemment dragué la foule sur la Piazza Grande ou lors de débats animés par le directeur artistique Olivier Père. Nonobstant les trombes d’eau des premiers jours, plus de 80.000 festivaliers se sont ainsi rués aux projections sur le plus grand écran du monde. Très courues également, les autres sections et la rétrospective Vincente Minnelli.

    Du coup le président Marco Solari peut fièrement parler d’une édition idéale qui a dépassé toutes ses attentes. "Le festival ne doit pas pour autant se reposer sur ses lauriers, mais chercher sans cesse à se perfectionner, car la pression augmente avec le succès". Autrement posé, en route dès maintenant pour la préparation de 2012.

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  • Festival de Locarno: à qui le Léopard d'Or?

    azazel.jpgAlors que la compétition s’achève, lequel des vingt prétendants partis à la chasse au Léopard d’Or parviendra à mettre le fauve en cage? Bien malin celui qui peut le deviner. Cela n’a rien d’étonnant si on considère la faiblesse du concours, comme d’habitude hélas le parent pauvre du festival.

      

    Restons en donc à nos premières émotions avec Vol Spécial de Fernand Melgar, Another Earth de Mike Cahill, Un amour de jeunesse de Mia Hansen-Love, trois longs-métrages dont on a déjà eu l’occasion de vous parler dans les précédentes chroniques.

     

    On y ajoutera Terri, de l’Américain Azazel Jacobs (photo, le jeune Jacob Wysocki et John C. Reilly). Il traite avec originalité de la différence menant à l’exclusion, à travers le portrait d’un adolescent obèse, victime de la cruauté de ses camarades de lycée. Jusqu’au jour où, grâce au proviseur, il noue une relation avec deux autres élèves marginaux. Les comédiens sont excellents.

     

    Parmi les films que certains critiques voient paré d’or, sinon au palmarès, il y a El ano del tigre du Chilien Sebastian Lelio. Au cours d’un tremblement de terre, un prisonnier parvient à s’échapper et erre dans des paysages dévastés  tout en s’interrogeant sur son propre anéantissement. Rude, mais belle prestation de l’acteur Luis Dubo.

     

    De son côté The Loneliest Planet de la Russo-Américaine Julia Lovek  nous emmène à pied dans les montagnes du Caucase en compagnie d’un couple à la veille de se marier et de leur guide.  Nature splendide, beaux comédiens, anecdotes rigolotes pour passer le temps. Et le nôtre, cette marche se révélant quand même assez interminable.

     

     Mais on s’y morfond avec grâce. Car côté ennui mâtiné d’exaspération, ce fut parfois vertigineux. A l’image d’Abrir puertas y ventanas, de la cinéaste helvético-argentine Milagros Mumenthaler, qui nous propose en gros trois pétasses vautrées sur un canapé à Buenos Aires. Ou de Dernière séance du Français Laurent Achard, faux film d’art et d’essai d’une rare prétention à propos d’un tueur de dames. Sans parler du pire, le plombant Tanathur du Palestinien Tawfik Abu Wael, évoquant un couple empêché par un terrible accident de quitter Jérusalem pour Paris.

     

    Les Suisses Frédéric Choffat et Julie Gilbert relèvent un peu le niveau avec Mangrove, où une jeune femme (la charmante Vimala Pons) revient plusieurs années après sur les lieux d’un crime avec son fils. Peu de choses à retenir pourtant, à part de belles images, limite touristiques, de la côte sud du Pacifique.

     

    En attendant samedi soir le verdict du jury présidé par Paulo Branco, qui peut totalement nous démentir, un mot sur l’une des plus belles surprises venue de la Piazza Grande: Bachir Lazhar, du Québécois Philippe Falardeau. Une vraie pépite surfant avec légèreté sur de graves problèmes comme le suicide, le système d’éducation ou l’immigration. Bouleversant, délicat, sensible mais sans pathos, il pourrait bien remporter le prix d’un public en larmes après avoir gagné son cœur.  

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