Le comédien français peut se vanter d’avoir autant la cote à lui tout seul que Daniel Craig et Harrison Ford réunis. C’est par la foule des grands jours que Gérard Depardieu, cheveux longs et costume clair à rayures, a été accueilli façon rock star au Forum de Locarno. Pour un débat public à propos de sa collaboration avec Maurice Pialat, en compagnie de Sylvie, la femme du réalisateur disparu en janvier 2003.
Ce qu’il y a de bien avec Depardieu, c’est qu’il suffit de demander pour qu’il déroule, pratiquement sans respirer. Comme a pu le constater un rien désarçonné le directeur du festival Olivier Père, en lui posant une question sur leurs quatre films tournés ensemble Loulou, Police Sous le soleil de Satan (Palme d’Or à Cannes en 1987) et Le Garçu. Et qu’il y aurait dû y avoir un autre, La gueule ouverte.
Savoureuses anecdotes
C’est alors parti pour une longue réponse agrémentée d’anecdotes savoureuses et de remarques désopilantes. Surtout que cabotin, il ne ménage personne. A commencer par lui d’ailleurs. Du genre. « J’avais tourné avec un abruti, Claude Lelouch… Ou encore: «J’ai fait un paquet de films avec un paquet de cons. Mais du moment que j’étais comme eux, je ne sentais pas la douleur…»
Dans sa bouche, Jean de Florette de Berri devient «Jean défloré». Et le suivant «Manon la suçeuse…» A propos de sa rencontre avec Alain Resnais: «C’était le même boy scout que maintenant, avec le même talent. Il ne mangeait pas grand-chose, mais il faisait du bruit. Et en moi-même, je me demandais quand il allait la fermer… »
Il a aussi son avis sur le web. « Une boîte à porno qu’on appelle Internet. Il est vrai que je ne sais pas m’en servir… » Maniant le compliment et déclenchant les applaudissements après les rires, il ajoute: «Le cinéma est dépassé. A Locarno, avec les 8000 spectateurs sur la Piazza Grande, on est dans la fête qu’il devrait être. »,
« Maurice s’est toujours senti trahi»
Retour au cœur du sujet: «J’ai fait Les valseuses à la place de La gueule ouverte sans savoir que ça allait torturer Pialat. Sur le tournage de Loulou, au début c’était tendu. Moi avec ma prétention, lui avec sa rancune. En outre, avec ce film, il s’est revu dans un autre monde que le sien. Il m’a haï comme il se haïssait. Puis on s’est réconcilié et on a tourné Police. On n’aimait pas trop Sophie Marceau. On savait qu’elle allait trahir l’amour. Maurice s’est toujours senti trahi…»
L’un des meilleurs moments fut celui où Sylvie Pialat a rappelé le tournage de Sous le soleil de Satan. «Pour l’abbé, on a tout de suite pensé à Gérard. On croyait qu’il mincirait pour l’occasion. Mais quand il est arrivé, il faisait 150 kilos. J’avais dit, mais j’ai pas pu, on mettra un corset, nous avait-il déclaré ».
«C’est dur et c’est lourd, la grâce»
Il a donc fallu refaire tous les costumes. Ce qui permet à l’intéressé d’en rajouter. «Je n’enlevais plus la soutane car j’avais du mal à la remettre, La foi n’entraîne pas forcément un manque d’appétit. C’est dur, c’est lourd, la grâce. Parfois on était vidé et on se remplissait de cuisses de grenouilles au beurre.» Avec un coup de pinard. On le sait le vin est l’une de ses passions. Pour lui c’est comme le cinéma. «Je n’aime pas les films où il y a 1000 plans qui me soulent avant de boire…»
Gérard Depardieu ne se contente pas de faire le clown. Sous les gags, il y a de la culture, de la finesse, de la classe. Cet acteur magnifique, incontournable depuis des décennies, qui a apporté une nouvelle façon de jouer, une de plus belles voix du cinéma, rappelle Olivier Père, se définit comme un être sensible, normal.
«J’ai eu du mal à être viré de l’Eglise, de l’école. Je n’ai pas appris, j’ai vécu. Par exemple j’ai été musulman deux ans. Je n’ai jamais eu de carcan pédagogique, de maître. Rien ne m’est tombé dans la gueule. J’ai beaucoup travaillé, sans m’en rendre compte. La vie m’a rendu ce que j’attendais.»