Après Abel Ferrara et son Léopard d’honneur, Harrison Ford et le sien pour l’ensemble de sa carrière, c’était au tour d’Isabelle Huppert de recevoir dimanche soir l’Excellence Award Moët et Chandon sur la Piazza Grande.
Souriante, la lauréate s’est déclarée particulièrement ravie de ce prix qui la montre «bonne élève», lors d’un débat public où elle a retracé les grandes étapes de sa carrière en compagnie d’Olivier Père, le directeur du festival, et de Jean-Marc Lalanne, rédacteur en chef des Inrockuptibles.
Sacrée meilleure actrice à plusieurs reprises entre Cannes et Venise, Isabelle Huppert à la tête d’une filmographie extraordinairement riche, pareillement à l’aise dans les registres dramatique ou comique (elle l’a encore récemment prouvé dans Copacabana aux côtés de sa fille Lolita), est l’une des rares comédiennes à avoir construit une œuvre à l’écran par ses choix artistiques, à l’instar d’un réalisateur.
Révélée par Claude Goretta
Cest La dentellière de Claude Goretta lui aussi bientôt détenteur d’un Pardo, qui l‘a véritablement révélée au grand public. Ainsi qu’aux cinéastes et notamment à Claude Chabrol, impressionné par son jeu. Avec lui elle a entamé, grâce au remarquable Violette Nozière, une longue collaboration.
« Il est vrai que si j’avais déjà tourné avant Aloïse, Dupont Lajoie, ou Les Valseuses, La dentellière allait au-delà de tout ce qu’une jeune actrice pouvait espérer. C’est un long-métrage qui me permettait de mettre en jeu des choses qui n’étaient pas forcément de mon âge comme l’intériorité, la souffrance, la séduction.»
Pour Isabelle Huppert, ce n’est pas l’acteur qui devient un personnage mais l’inverse.. « l’acteur est très vite soumis au personnage alors qu’il faut d’abord être soi. J’ai eu la chance que Goretta, Chabrol, Haneke ou Claire Denis me laissent imposer ça.»
Le travail avec les grands
Ce qu’elle recherche avant tout, c’est le travail avec de grands cinéastes. L’occasion pour Olivier Père de lui rappeler la fameuse année 80 où elle a tourné coup sur coup Loulou de Pialat, Les portes du paradis de Cimino, et Sauve qui peut (la vie) de Godard. Voilà qui lui rappelle d’ailleurs quelques anecdotes dont l’une sur ce dernier, à qui elle avait demandé deux mots sur son rôle. Réponse : «Le visage de la souffrance…».
Aimant faire confiance aux jeunes auteurs (François Ozon, Christophe Honoré, Ursula Meier) Isabelle Huppert préfère aussi aller vers les cinéastes plutôt que le contraire. Très ouverte au cinéma étranger, elle vient de rentrer de Corée du Sud où elle a travaillé avec Hong Sang-Soo. On la verra également prochainement dans un film du Philippin Brillante Mendoza.
En attendant, cinq films dont cette magnifique interprète qui s’illustre parallèlement aussi sur les planches, garantit la qualité par sa seule présence, sont projetés à Locarno, un festival qui représente pour elle l’amour au cinéma. Et qui la ramène à la Suisse, pays avec lequel elle entretient d’étroites relations à travers le cinéma ses réalisateurs et ses lieux, notamment le Théâtre de Vidy et la comédie de Genève où elle a beaucoup joué.
Rien de plus normal. «Comme disait Godard, rappelle-t-elle, la Suisse est un grand studio hollywoodien, avec des vaches… »